C'est peu dire que "Les Républicains" ont du mal à digérer la double catastrophe électorale du printemps dernier ! Abasourdis par l'élimination de François Fillon dès le premier tour de l'élection présidentielle - le candidat de la droite parlementaire était arrivé troisième derrière le duo Macron-Le Pen et devant Mélenchon -, le ban et l'arrière ban du parti a reçu le coup de grâce aux législatives. Moins laminés que les socialistes par le macronisme, ils ont vu leur "famille" éclater... à cause du macronisme.
Rarement - voire jamais sous la Ve République - la droite française n'avait été confrontée à une telle crise d'identité. Certes, les balbutiements de cette République marquées par la sortie de la guerre l'Algérie ont déchiré la droite mais la présence, aux commandes, d'une personnalité hors du commun - le chef de la France libre de la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle - lui ont évité le pire. Alors même que la pression des partisans de "l'Algérie française" et de l'extrême droite était puissante.
Certes, la présidentielle de 1974 a envoyé le gaullisme dans les cordes avec l'élection d'un libéral plus proche des opposants au général que de ses partisans : Giscard d'Estaing. Mais il avait su préserver - déjà - la fiction de l'unité de la droite, en plaçant Chirac à Matignon (1974-1976), lequel, il est vrai, lui avait permis par une "trahison" de sa famille - déjà - d'accéder au pouvoir. L'union des orléanistes et des bonapartistes n'avait pas fait long feu : elle s'était brisée - prétexte ou réalité - sur la conception et la montée en puissance de l'Europe. On serait tenté de dire, déjà !
Chirac puis Sarkozy avaient maintenu l'unité de "la famille"
Certes, la droite a traversé un désert interminable pour elle (1981-1995), à raison des deux septennats d"un président de gauche, Mitterrand, mais elle s'est sauvée deux fois fois de suite du désastre en lui imposant deux cohabitations (1986-1988 et 1993-1995) avec deux premiers ministres de droite : Chirac, la première fois, et Balladur, la seconde. Certes, la présidentielle de 1995 a été l'objet d'un combat fratricide au sein de la famille néo-gaulliste entre ces deux ex-chefs de gouvernement justement, mais la victoire de Chirac et sa prééminence sur l'appareil ont écarté les risques de rupture interne.
Certes, son duel victorieux et écrasant sur Le Pen père, en 2002, a maintenu l'unité de la droite malgré les coups de boutoir de Sarkozy qui s'est assurée une succession non consentie à la tête de la "famille". Il faut dire qu'elle a été bâtie méthodiquement par l'intéressé qui est devenu une sorte de "Messie tourbillonnant" pour la base militante et électorale après un quinquennat d'engourdissement chiraquien. Une fois encore, la droite avait un chef qui pouvait la conduire sur les sentiers du pouvoir. Mais après 17 années au sommet de l'Etat - et anti-sarkozysme aidant -, la droite cède le pouvoir en 2012.
Sarkozy a bien tenté, pendant cinq ans, de reprendre la main, mais les 4,3 millions d'électeurs de la primaire de la droite, fin 2016, a mis un point final à ses espoirs de retour, en l'écartant dès le premier tour. La droite s'est trouvée un nouveau chef en la personne de Fillon dont pas grand monde, il faut bien le reconnaître, n'avait anticipé la victoire sur celui qui avait la faveur des sondages : Juppé. Un boulevard était ouvert pour une élection présidentielle "imperdable" mais il s'est transformé en impasse à cause des soupçons - télécommandés de l'intérieur ? - d'emplois familiaux qui se sont abattus sur l'ancien premier ministre.
Une forme d'opportunisme de circonstance a pris le relai
Porteur d'un projet économique très libéral, extrêmement conservateur sur le plan sociétal et flou dans le domaine des alliances politiques, Fillon a laissé "Les Républicains" orphelins. Macron a fait le reste. Non content d'avoir apporté sa pierre à la décomposition du PS, le nouveau président de la République a désossé la droite, en recrutant un chef de gouvernement, Philippe, et quelques ministres (Lemaire, Darmanin) qui en étaient issus. Et comble du désespoir pour les dirigeants "LR maintenus", un groupe dissident - "Les Constructifs" - soutenant la majorité s'est monté à l'Assemblée nationale. Autant dire que la boussole de la droite a perdu le nord !
C'est tellement vrai que l'élection pour la présidence du parti donne lieu à une curieuse compétition. A l'exception de Wauquiez, aujourd'hui chantre d'une droite dure après avoir été tenant d'une droite sociale - "girouette" pour les uns, "sans foi ni loi" pour d'autres -, tous les candidats potentiels de poids (Pécresse ou Bertrand, par exemple) ont déserté le terrain. Ce n'est pas faire injure à celles et à ceux qui se lancent face à lui de constater qu'ils souffrent d'un déficit de notoriété. Dès lors, cette joute sans enjeu et sans réel débat est vidée de son sens. Comme si tous les anti-Wauquiez passait cette élection par pertes et profits. Une manière de ne pas lui reconnaître, par avance, la stature et le statut de chef.
Soupçonné par ses opposants de vouloir faire dériver "Les Républicains" vers l'extrême droite, ce dont il se défend, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes tente de se présenter en rassembleur, en voulant marier l'eau et le feu. Il promet des postes-clés à la juppéiste de Bordeaux, Calmels, et à Peltier, ex-fillono-sarkozyste passé successivement chez Le Pen père, Mégret et de Villiers. A cette aune, il est compréhensible que cette forme d'opportunisme de circonstance ne parvienne pas à convaincre les "chapeaux à plumes" de la droite que celle-ci à trouver son chef charismatique. Ce qui augure mal de la suite et de l'unité future de "la famille".