Qui s'intéresse aux élections sénatoriales ? Ultime scrutin d'une série ininterrompue de consultations qui a débuté avec les primaires de la droite et de la gauche, fin 2016 et début 2017, pour aboutir aux législatives de juin, ces élections ont lieu dimanche 24 septembre. Elections indirectes - au second degré puisqu'elles ne concernent que 76.359 grands électeurs -, elles mobilisent peu l'attention. A tort !
Disposant d'un mandat de 6 ans, les sénateurs sont élus par un corps électoral composé à 95% par des conseillers municipaux et à 5% par des députés, des sénateurs, des conseillers régionaux et départementaux. Le Sénat (348 sièges) est renouvelable par moitié tous les 3 ans : les 44 départements (circonscription sénatoriale) allant de l'Indre-et-Loire aux Pyrénées-Orientales auxquels s'ajoutent ceux d'Ile-de-France et d'Outre-mer sont concernés ainsi que 6 des 12 sénateurs des Français de l'étranger. Il y a 1.996 candidats pour 170 sièges à pourvoir.
Dans 18 circonscriptions (départements) regroupant 34 sièges, le scrutin est majoritaire uninominal à 2 tours (comme aux législatives). Si 2 tours sont nécessaire, ils ont lieu dans la même journée. Dans les 26 autres départements (130 sièges), le scrutin est proportionnel à 1 tour, à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Interdiction de modifier l'ordre des candidats de la liste sur le bulletin de vote ou d'ajouter d'autres noms, après en avoir rayé certains. En prime, il y a un 171e siège à attribuer, en raison d'une sénatoriale partielle en Savoie, département non renouvelable.
Les municipales de 2014 vont se ressentir durement
Le scrutin étant étroitement lié aux résultats des dernières élections municipales (2014) qui ont vu une sévère défaite de la gauche - elle a perdu 121 villes de plus de 15.000 habitants -, il est très probable que ce reflux va trouver sa traduction au Sénat. A contrario, la droite était en situation d'affermir la majorité qu'elle détient mais les remous qu'elle traverse depuis la présidentielle et les législatives ont fait émerger de nombreuses dissidences : elles vont probablement amoindrir sa percée. A titre d'exemple, la liste officielle "Les Républicains" (LR) conduite par le sénateur sortant Roger Karoutchi dans les Hauts-de-Seine se voit opposer... 4 listes "LR-pirates". Même topo à Paris, où la liste labellisée de Pierre Charon, fidèle de Nicolas Sarkozy, pourrait même être devancée par une des 2 autres listes dissidentes.
La zizanie des Hauts-de-Seine et de Paris est un exemple criant de l'absence de leaders incontestés, tant au stade du département qu'au niveau national. L'émergence soudaine et tentaculaire du "macronisme" sur les bancs de l'Assemblée nationale a provoqué une désorganisation complète, au Sénat, non seulement à gauche - un groupe "La République en marche" (LREM) de 29 membres s'est créé spontanément en juin, en puisant essentiellement dans les rangs socialistes - mais aussi à droite en proie à une "balkanisation". Les cas de départements où des candidats LR figurent sur des listes LREM ne manquent pas. Parfois avec des calculs tactiques pour empêcher les "partis anti-gouvernementaux" d'arracher l'ultime siège attribué à la plus forte moyenne.
Si le PS - le groupe compte 86 membres dont 46 sont renouvelables - risque d'être la principale victime du scrutin du 24 septembre, en subissant une forte hémorragie, le PCF, lui, pourrait bien en être la victime définitive. Fort de 18 sénateurs, le groupe communiste, républicain et citoyen, va affronter une sévère lame car 16 d'entre eux sont renouvelable. Il n'est pas du tout acquis qu'il retrouvera les 10 élus nécessaires pour constituer un groupe... une situation que connaissent déjà les écologistes. Mais le malheur du PCF pourrait être de courte durée si le groupe PS lui-même se disloque entre opposants frontaux et opposants conciliants. Les premiers pourraient alors servir de maison d'accueil aux rescapés communistes. Au prix de cette "tambouille" qui hérisse Jean-Luc Mélenchon... totalement absent de cette consultation.
La lente percée des femmes au palais du Luxembourg
A ces perdants des sénatoriales, il faut ajouter des perdantes. Les femmes - c'est une sorte de tradition au Sénat qui s'est longtemps opposé à leur droit de vote dans l'histoire de la République - sont encore victimes de la domination masculine malgré la multiplication des lois sur la parité. Le palais du Luxembourg compte 96 sénatrices (27,6% de la représentation totale). Dans le renouvellement de 2017, il y a 45,5% de candidates mais elles ne sont que rarement "tête de liste" dans les départements à la proportionnelle, donc mécaniquement en 2e ou 4e position. Parmi les formations qui ont la plus forte représentation féminine, on trouve "La République en marche" (208 candidates) et "Les Républicains" (201).
Un autre perdant sera le renouvellement des têtes qui, comparé au chambardement de l'Assemblée nationale, restera somme toute modeste. A l'image du président sortant, Gérard Larcher (LR) qui va sûrement rempiler sur "le plateau" (équivalent du "perchoir" du palais Bourbon) en effectuant son... 5e mandat au Sénat. S'il est seul dans cet exercice de longévité, 6 autres sénateurs se présentent pour la 4e fois et 26 concourent pour la 3e fois. Ce scrutin offre aussi une session de rattrapage à un nombre non négligeable de battus des législatives : 263 ! Dans cette catégorie, le Front national remporte la palme avec 102 recalés de juin, loin devant LR et le PS.
Les "cumulards" seront les derniers perdants du scrutin. Certains - ils sont assez nombreux - devront abandonner un mandat au choix, d'autres devront abandonner le plus ancien, en fonction des derniers textes sur la question et de leur année d'élection pour ceux qui ne sont pas renouvelable en 2017. Emmanuel Macron, lui-même, ne sortira sans doute pas vainqueur de ces sénatoriales. Alors que d'aucun rêvait d'une percée spectaculaire de LREM - arithmétiquement impossible sans les élus locaux qui peuvent la provoquer - conduisant à une majorité des 3/5 (Assemblée nationale plus Sénat, soit 555 parlementaires sur 925) pour autoriser les révisions constitutionnelles, le président de la République sera probablement loin du compte. Ce qui fait dire à un expert électoral de la majorité : "Il va falloir faire de la couture".