Y a-t-il une malédiction du début du quinquennat présidentiel ? Du début "des" quinquennats présidentiels, devrait-on plutôt dire. Après Nicolas Sarkozy en 2007 et François Hollande en 2012, voilà qu'Emmanuel Macron est pris dans un tourbillon d'impopularité. Est ou serait, selon le degré de rejet ou d'affinité que l'on éprouve à l'égard du nouveau chef de l'Etat.
Selon le dernier baromètre de popularité de l'Ifop pour le JDD, le président de la République enregistre, en juillet, un recul de 10 points en un mois - 54% contre 64% en juin - et de 8 points par rapport à son entrée à l'Elysée (62% en mai). Seul Jacques Chirac avait fait encore moins bien - ou pire - en 1995, en perdant 20 points de popularité sur la même période. Sinon, Macron est dans la même tendance que de Gaulle, Mitterrand (1988) et Hollande (-5 points) ou Pompidou et Mitterrand en 1981 (-7 points).
A contrario, Valéry Giscard d'Estaing (VGE) avait gagné 3 points de popularité, en 1974, en succédant à Pompidou, mort prématurément. Mais il est l'unique président à avoir débuté son mandat - c'était alors un septennat - avec une cote inférieure à 50%. Il était à 44%. En 2002, après sa victoire sur Le Pen père, Chirac avait grappillé 2 points, à 53%. Et si Sarkozy n'avait pris qu'un seul point en 2007, il demeure jusqu'ici le seul à s'être positionné au-dessus de 60% au terme de cette période probatoire (66%).
Regain de popularité et gage de future réussite
Cependant, un regain de popularité en début de mandat n'est pas un gage de réussite à long terme pour un président de la République. VGE et Sarkozy en ont fait la démonstration : ils ont été battus tous les deux en se représentant. Inversement, un recul, voire une chute brutale, n'est pas l'assurance d'un fiasco durable : Mitterrand, puis Chirac, en sont la preuve, puisqu'ils sont les seuls à avoir fait deux mandats sous la Ve République. Il est vrai que ces deux chefs d'Etat ont agrémenté leur premier mandat d'une cohabitation qui, à la sortie, ne leur a pas été défavorable.
On ne saura jamais si le reflux de popularité de Hollande, puis la persistance sans précédent de son impopularité sous cette République, lui aurait été fatale... même si on se doute un peu de la réponse. De fait, elle est un des facteurs majeurs qui l'a empêché de se représenter. Tout comme Sarkozy, le prédécesseur de Macron a vu son début de septennat s'embourber dans des affaires personnelles, puis être durement affecté par des faux pas politiques. Comparaison n'est pas raison, mais facteur familial mis à part, le locataire actuel de l'Elysée se trouve-t-il sous la même menace ?
Avec Sarkozy, la soirée du Fouquet's, la croisière bling-bling sur le yacht Bolloré, les vacances américaines en famille et les difficultés du couple mises sur la place publique avaient engagé le quinquennat sur un chemin "people" qui ne correspondait pas vraiment aux nécessités du moment. La suite a montré que ces premiers pas et premiers mois avaient durablement plombé le mandat sarkozyste dans l'opinion. Une aubaine sur laquelle toutes les oppositions avaient su surfer. Et les premiers gestes politiques, notamment le "paquet fiscal", allaient être interprétés comme des "cadeaux aux riches" via le "bouclier fiscal"... malgré une rétrocession de pouvoir d'achat par la défiscalisation des heures supplémentaires.
Rejet légitime ou posture de circonstance ?
Si Hollande qui se voulait - à tort - un "président normal" a pu écarter, naturellement car ce n'est pas dans sa nature, les côtés clinquants et déplacés des débuts de la présidence Sarkozy, il n'a pas su, en revanche, éviter la publicité de sa relation déclinante avec sa compagne. Par un tweet vengeur dirigé contre Ségolène Royal lors de la campagne des législatives, celle-ci a brutalement et de façon fugace entrainé le début du quinquennat hors de la sphère politique. La suite a été la séquence ratée du fantasme de la renégociation du traité budgétaire européen qui allait entraîner, dès septembre 2012, la naissance de la fronde au PS. On connaît la suite : la destruction partagée et méthodique du quinquennat.
Assiste-t-on aujourd'hui avec Macron à un "remake" d'une partie du scénario politique de la co-production Sarkozy-Hollande ? Si le candidat à la présidence de la République a beaucoup mis en scène son couple dans les pages "people" des magazines, le chef de l'Etat qu'il est devenu s'efforce, semble-t-il, de définir et de délimiter clairement le rôle de chacun de ses membres. Mais des attaques misogynes sur le "duo hétérodoxe" qu'il forme avec Brigitte Macron - leur différence d'âge -, on est passé aux reproches sur le projet d'attribution d'un budget pour le fonctionnement des activités sociétales de la "première dame".
Ce nouvel assaut, pas totalement dénué d'arrières pensées, intervient au moment où le gouvernement prend des mesures budgétaires impopulaires. Qu'il s'agisse de la restriction des crédits de la défense, qui entre dans le cadre général des économies imposées par Macron à tous les secteurs, ou de la diminution des aides personnalisées au logement (APL) de 5 euros par mois pour tous les allocataires, dont le principe a été décidé sous Hollande, ces choix provoquent une crispation d'une partie de l'opinion. Que ce soit un rejet légitime ou une posture de circonstance - évitons d'être excessivement naïf ! -, la question est maintenant de savoir si Macron et son premier ministre vont savoir gérer cette séquence qui oblige à marcher sur terre et non plus sur l'eau... ou s'ils sont condamnés à subir le même désamour que leurs prédécesseurs.