Ils resteront dans l'Histoire du socialisme français pour avoir réalisé un carton plein. En 5 ans, les "frondeurs" du PS auront raté tout ce qu'ils ont entrepris. Un véritable exploit politique ! Non seulement, ils n'auront atteint aucun de leurs objectifs mais, de surcroit, ils auront scindé l'électorat socialiste en deux parties, l'une fuyant vers Emmanuel Macron pour lui faire gagner l'élection présidentielle, l'autre rejoignant Jean-Luc Mélenchon dont le rêve était... d'avoir la peau du PS.
Au final, ils ne vont même pas régner sur les décombres du parti de Jean Jaurès et de Léon Blum. En réalisant à peine plus que les 5,01% de Gaston Defferre au premier tour de l'élection présidentielle de 1969 - derrière Jacques Duclos (PCF) qui "culminait" à 21,27% - Benoît Hamon (6,36% en 2017) n'a pas placé les "frondeurs" en pole position pour reprendre les rênes du parti. D'autant que les élections législatives des 11 et 18 juin vont probablement se solder par une nouvelle déroute qui reconduira moins de 50 députés socialistes à l'Assemblée nationale.
Dès le début du mandat de François Hollande, les "frondeurs" ont entamé un travail de sape qui est allé crescendo tout au long du quinquennat. En septembre 2012, l'aile gauche du PS mène bataille contre le pacte budgétaire européen. Les députés en embuscade obtiennent du président d'émettre un vote défavorable à l'Assemblée contre des places au Conseil national du parti, en vue du prochain congrès : ça a donc commencé par de la cuisine et ça ne pouvait que mal finir. Par des tentatives de motions de censure contre Manuel Valls, symbole de "la droite du PS", successeur de Jean-Marc Ayrault, à Matignon, en avril 2014.
Un coup de main donné à un coup de maître
Il faut dire que les "frondeurs" jouaient sur du velours. En 10 ans d'opposition (2002 à 2012), l'appareil du PS n'avait rien préparé en vue d'une éventuelle victoire présidentielle. Rien dans les cartons, aucun projet finalisé, un degré d'impréparation à peine croyable aux portes du pouvoir. "Nous n'avions aucun texte à nous mettre sous la dent à l'été 2012", confie aujourd'hui un conseiller ministériel. Le quinquennat a commencé sur une sensation de vide, ce dont la politique, comme la nature, a horreur. Tout n'a pas été raté dans ce quinquennat - certains indicateurs économiques d'aujourd'hui le montrent -, mais l'image du chef de l'Etat et celle de ses opposants internes a été durablement atteinte chez les électeurs. Toutes élections intermédiaires en font foi.
Ce mouvement, double et simultané, a creusé - politiquement - les fondations de deux réflexes opposés dans l'opinion : le "macronisme" et le "mélenchonisme". D'un côté, l'électorat social-démocrate favorable à Hollande ne pouvait que se désoler de le voir tergiverser, de ne pas savoir trancher sur le plan idéologique et de laisser survivre la fiction d'une cohabitation durable de deux gauches inconciliables au sein du PS. De l'autre, le parti, recroquevillé sur lui-même et laissé à la merci des "frondeurs" de l'aile gauche ne pouvait voir émerger que l'un des leurs au terme de la primaire de gauche. Avec en prime, la désillusion de voir Benoît Hamon se faire plumer par Mélenchon... Après avoir vu une partie de son électorat filer chez Macron.
Au final, c'est comme si un "congrès de Tours virtuel du 21e siècle" s'était déroulé de façon souterraine et invisible. En décembre 1920, le socialisme s'était scindé en deux, à Tours, la minorité restant fidèle à la SFIO (Section français de l'Internationale ouvrière, ancêtre du PS) et la majorité faisant allégeance au pouvoir bolchévique installé à Moscou, par son adhésion à la Section française de l'Internationale communiste (SFIC, ancêtre du PCF). L'Histoire a tranché sur le choix des uns et des autres, 70 ans plus tard avec la chute du Mur de Berlin, en 1989, et l'effondrement du système soviétique. Et un siècle après, le plus jeune président de l'histoire des Républiques françaises rebat toutes les cartes du jeu droite-gauche. Il peut tous les remercier pour le coup de main à son coup de maître !