Fillon et Mélenchon rêvent de "priver" Le Pen et Macron de second tour

Cinq des candidats à l'élection présidentielle, le 20 mars 2017 lors du débat à cinq, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). (PATRICK KOVARIK / AFP)

C'est maintenant que ça se joue ! Tous les experts électoraux vous le diront, l'élection présidentielle se joue dans les deux dernières semaines de campagne. C'est dans ces 14 jours ultimes que les électeurs entrent vraiment dans la course. Et qu'ils forgent largement leur opinion pour le jour fatidique. En l'espèce, le 23 avril, premier tour de la présidentielle 2017.

La primaire de la droite et la primaire de la gauche n'ont pas échappé à ce théorème électoral. Donné largement devancé pendant des mois par Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, François Fillon a réussi à inverser la vapeur dans la toute dernière ligne droite. Bien que la campagne de la primaire de gauche ait été moins longue, Benoît Hamon a bénéficié du même scénario face à Manuel Valls et Arnaud Montebourg. Fillon et Hamon sont, en quelque sorte, des "rescapés" de la dernière heure.

Donné vainqueur de l'élection présidentielle dans les sondages, dès après sa victoire dans la primaire de droite, l'ancien premier ministre du quinquennat Sarkozy, a vu son score s'effriter à la fin 2016, à la suite de la présentation de ses mesures sur la protection sociale. Puis véritablement reculer, au mois de février suivant, après les révélations de la presse sur l'emploi présumé fictif de son épouse qui ont valu à Fillon une mise en examen, notamment pour détournement de fonds publics.

Les sondages promettent la 5e place à Hamon

Entré officiellement dans la course en janvier avec un bon capital d'intentions de vote - 18% pour l'Ifop, 17% pour BVA, 16% pour OpinionWay et 15,5% pour Elabe -, Hamon n'est jamais parvenu à progresser. Au contraire, il n'a cessé de reculer jusqu'à se faire doubler par Jean-Luc Mélenchon au début de la seconde quinzaine de mars. Puis se faire largement distancer par le candidat de "la France insoumise" qui, à moins de deux semaines du premier tour, dispose d'un matelas d'intentions de vote deux fois plus épais que le candidat socialiste. Voire plus encore.

Pour sa part, s'il a reculé dans les enquêtes d'opinion, Fillon n'a pas pâti d'un décrochage du type Hamon qui, la situation doit être regardée avec lucidité par l'appareil de la rue de Solférino, ne dispose plus d'aucune chance de figurer au second tour de la présidentielle, d'après les données des enquêtes. Pour la troisième fois sous la Ve République, après 1969 et 2002, il semble a peu près certain que le candidat socialiste sera éliminé au premier tour. En terminant en 5e position. Ce qui, en revanche, ne s'est jamais produit et risque de provoquer un séisme à l'intérieur du PS.

Ce séisme, Fillon va-t-il parvenir à l'éviter chez "Les Républicains" ? Promis à une élimination prématurée depuis la mi-février, l'ancien "collaborateur" de Sarkozy n'a jamais lâché prise et ses partisans, un moment ébranlé, se reprennent à y croire. D'autant que demi-point par demi-point, il remonte la pente dans les études sur les intentions de vote. L'écart reste encore de 4 à 6 points avec le duo de tête - Le Pen et Macron -, lequel, dans le même temps, perd lentement mais sûrement du terrain. Mais le souci de Fillon porte maintenant un autre nom : il s'appelle Mélenchon.

L'électorat "protestataire" face à 'l'électorat d'adhésion"

Lancé à ses trousses, le candidat "insoumis", qui a rempli la première partie du contrat qu'il s'était assigné - "briser" le candidat socialiste -, rêve maintenant de cocher la deuxième partie - distancer nettement le candidat de la droite. Des sondages le donnent déjà à égalité avec lui, voire avec un léger avantage qui reste dans la marge d'erreur. Maintenant au coude-à-coude, Fillon et Mélenchon sont indéniablement, depuis le début mars, sur une pente ascendante. Tous deux se disent certains d'être présents au second tour... mais l'affaire n'est pas encore dans la poche.

A moins de deux semaines du premier tour, jamais aucune élection présidentielle depuis 1965 n'a été aussi indécise - comme sont encore dans l'indécision bon nombre d'électeurs - et jamais aucun scrutin n'a vu quatre candidats être en position - plus ou moins bonne - de se disputer les deux places qualificatives de la finale. Les deux premiers vont-ils encore reculer ? Les deux suivants vont-ils encore progresser ? Les courbes vont-elles se croiser dans les moments ultimes ? Mis à part les convaincus de chaque camp, audacieux ou téméraire serait celui qui s'aventurerait à faire un pronostic... définitif !

L'électorat purement "protestataire", pas forcément le plus politisé, va jouer un rôle déterminant. Le Pen et Mélenchon se le dispute férocement. A cet égard, la dynamique du candidat de la "France insoumise" pourrait contrarier la présidente du Front national. La sûreté du choix des Français - paramètre qui caractérise "l'électorat d'adhésion" - sera aussi un facteur de poids. Celle des électeurs de Fillon est toujours restée à un haut niveau (comme chez Le Pen) et celle des partisans de Macron, moins élevée, s'est affermie au fil des semaines. Ce dernier pourra-t-il compter sur une défaillance de dernière minute d'une frange de l'électorat Hamon - déboussolé ? - pour contrer le retour de l'ancien premier ministre ? On le voit, cette élection ne dépend plus tout à fait, au moment ultime, du talent des protagonistes que de l'humeur des électeurs. Comme s'ils n'étaient plus maîtres de leur destin.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu