Comme pour la primaire de droite, sept postulant-e-s sont en lice dans la primaire de gauche. Comme à droite, une seule femme est sur la ligne de départ. Et comme à droite, sauf le respect qui est dû à deux anciennes ministres, aucune chance pour elle de l'emporter : Nathalie Kosciusko-Morizet était "trop à gauche" dans la primaire de droite, Sylvia Pinel est trop "Radical de gauche", parti qu'elle préside, dans cette primaire... du PS.
Ce n'est pas faire injure aux deux candidats des partis écologistes-croupions - François de Rugy, fondateur du parti "Ecologistes !", et Jean-Luc Bennahmias, président du Front démocrate - que d'envisager pour eux une sortie, sans tambour ni trompette, dès le premier tour de cette primaire dite de "la Belle Alliance populaire" (BAP). Rugy et Bennahmias sont promis à des scores aussi marginaux que celui de Pinel.
Les quatre derniers candidats, dont l'ordre alphabétique correspond, peu ou prou, à l'éventail gauche-droite - Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon et Manuel Valls -, sont tous militants socialistes et anciens ministres de François Hollande. L'un d'entre eux (Peillon) a été "viré" du gouvernement dès que Valls est entré à Matignon, en mars 2014, et quelques mois après, en août, les deux autres (Hamon et Montebourg) l'ont suivi.
Le risque d'une absence de mobilisation de l'électorat
Resté premier ministre pendant deux ans et huit mois, Valls a donné sa démission de son poste de chef du gouvernement quand Hollande a annoncé, le 1er décembre, qu'il ne tenterait pas de briguer un second mandat. Le président de la République prenait ainsi acte du fait qu'il subissait une sorte d'empêchement en raison d'une succession d'échecs politiques et électoraux ainsi que de la faiblesse persistante de sa cote de popularité pendant tout son quinquennat.
Parmi ces revers significatifs, il y a les défaites répétées de la gauche, et singulièrement du Parti socialiste, à toutes les consultations nationales post-présidentielles : municipales, départementales, régionales, européennes, sénatoriales. Sans compter les législatives partielles. Alors qu'il détenait le pouvoir pratiquement à tous les niveaux, le PS est maintenant relégué dans l'opposition à chacun d'entre eux. A ces défaites multiples, une cause tenace : l'absence de mobilisation de l'électorat de gauche.
A cette aune, le primaire de la "BAP" ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. Surtout après les quatre millions d'électeurs de la primaire de droite ! On voit mal, malgré la méthode Coué employée par Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, pourquoi les électeurs de gauche "se bougeraient plus" qu'ils ne l'ont fait pendant les quatre années précédentes. Il n'est qu'à observer l'enthousiasme, somme toute très mesuré, que suscite la campagne électorale des sept candidat-e-s.
Valls doit prouver qu'il n'est pas... le Juppé de la gauche
Confronté à un risque de participation médiocre, Valls, qui a aujourd'hui la faveur des Français (37% contre 29% à Montebourg et 17% pour Hamon), selon un sondage Odoxa (page 26), est aussi face à deux autres obstacles : une sanction de son action comme premier ministre et une radicalisation du noyau de l'électorat qui va venir voter à la primaire, les 22 et 29 janvier. L'enfarinage anti-49.3 (article de la Constitution utilisé pour faire passer, sans vote, les lois Macron et El Khomri) dont il a fait l'objet lors d'un déplacement à Strasbourg, le 22 décembre, est symbolique de ce double handicap.
On ne peut écarter, en effet, qu'une radicalisation de gauche réponde à la radicalisation de droite qui a conduit à la désignation de François Fillon dans la primaire précédente. Le phénomène, en tout cas, serait assez logique. Dans ce cas de figure, la candidature "centriste" de Peillon ne peserait pas bien lourd. L'hypothèse du candidat-surprise qui réaliserait la même opération que Fillon ne tient pas debout pour la simple raison que l'ancien ministre de l'éducation n'a rien fait au cours des deux dernières années - sur le plan politique s'entend - contrairement à l'ex-premier ministre qui a labouré le terrain.
Valls est donc cerné par le duo Montebourg-Hamon. Et c'est plutôt de l'un des deux, voire des deux, que pourrait venir la fameuse surprise... que la gauche du PS et la gauche de la gauche attendent avec impatience. Toutes choses égales par ailleurs, l'ancien chef du gouvernement est dans une situation inconfortable, comparable à celle de Sarkozy. Car pour ces forces politiques, il suffira de payer une somme dérisoire (1 euro à chaque tour, en l'espèce) pour lui barrer la route de l'Elysée. Et dans la course du "plus à gauche que moi, tu meurs", il n'est pas déjà écrit que Montebourg l'emporte sur Hamon. Et Valls a un mois pour prouver qu'il n'est pas... le Juppé de la gauche !