Tous les jours, une nouvelle provoc ! Tel est le credo de Nicolas Sarkozy pour renverser la table dans la campagne de la primaire dite "de la droite et du centre" qui, jour après jour, devient uniquement celle des militants du parti "Les Républicains". Muni de ce simple viatique politique, l'ancien président de la République, qui aspire à le redevenir, est sûr de faire quotidiennement le buzz sur toutes les ondes. Et ça marche. Sans doute au-delà même de ses espérances.
A deux mois du scrutin d'où sortira le nom du champion de la droite pour l'élection présidentielle de 2017 - les 20 et 27 novembre -, la mécanique Sarkozy a atteint sa vitesse de croisière. Chaque jour apporte sa nouvelle trouvaille. Celle qui fait mouche. Celle qui plaît tant à ses fans qu'ils en redemandent. Encore et encore. L'ex-chef de l'Etat ne se sent jamais aussi bien et ne se trouve jamais aussi bon que dans ces moments là.
"Tout ça" est tellement gros, voire "énaurme", qu'il pourrait donner l'illusion d'être en roue libre. Voire d'avoir totalement perdu les pédales. Il n'en est rien. "Tout ça" est parfaitement calculé. Sarkozy est outrancier à dessein. Il hystérise sciemment cette campagne. Son but est d'attirer sur lui toute la lumière des projecteurs, de priver ses adversaires d'oxygène, d'asphyxier le débat jusqu'à le rendre inutile. Pour l'électorat de droite, radical ou non, il doit devenir une évidence.
Sur chaque sujet abordé, un changement à 180°
Force est de constater que cette stratégie est en passe de donner de bons résultats. Pour lui, s'entend. Il prend un virage climato-sceptique, en relativisant le rôle de l'homme dans le réchauffement climatique : Nicolas Hulot note que Sarkozy a "changé à 180°" puisqu'il avait lancé le Grenelle de l'environnement sous son quinquennat. Qu'importe, il y a plus à gratter dans l'électorat anti-écologiste que dans celui qui se soucie des théories vertes. Et pendant deux jours, ça fait le buzz.
Même topo sur les racines de nos compatriotes. "Dès que l'on devient français, nos ancêtres sont gaulois", assène l'ancien président devenu professeur d'histoire approximative tentant de charmer les identitaires. Une armée de spécialistes démontre la vacuité de son propos : rien n'y fait. Il est dans la lumière. Et peut importe qu'il ait déclaré exactement le contraire - mais alors exactement -, dix ans avant. En 2006. Le discours d'alors portait peut-être même la patte d'un certain Henri Guaino.
Vous avez dit 180° ? C'est encore le cas sur Calais ! Alors ministre de l'intérieur, en mai 2002, Sarkozy s'oppose à une "fermeture précipitée" du centre pour réfugiés de Sangatte... qui sera fermé six mois plus tard. Dans la foulée, en février 2003, le même ministre de l'intérieur signe les accords du Touquet qui, pour faire court, déplacent notamment la frontière de la Grande-Bretagne à Calais. C'est donc à Calais que les migrants vont venir s'agglutiner dans l'espoir de traverser la Manche. Et aujourd'hui le candidat de la primaire veut renégocier les accords du Touquet. 180° toujours !
Dissuader les modérés et le centre de se déplacer
Ce changement de pied radical n'a qu'un seul but : délimiter précisément les contours de l'électorat qui se déplacera les 20 et 27 novembre, les jours des premier et second tours de la primaire. Délimiter est le terme le plus approprié. C'est-à-dire définir les limites du corps électoral à ne pas dépasser. Tout le monde a compris qu'une primaire de droite aux frontières larges serait favorable à Juppé alors que le même exercice dans des frontières étroites serait tout bénéfice pour Sarkozy.
La tactique est donc pour lui de mobiliser à mort le coeur de l'électorat - le noyau le plus accro des militants - et de dissuader avec autant de forces la périphérie de celui-ci, c'est-à-dire l'électorat de droite moins radical et plus enclin à l'ouverture d'esprit. En somme, cette seconde couche d'électeurs qui est détestée par la première. Les plus fanas du sarkozysme ne considèrent-ils pas Juppé, sur les réseaux sociaux, comme un parfait "candidat de gauche" ?
Le but ultime de ces provocs quotidiennes est de dégoûter la partie modérée du peuple de droite. Au point de lui faire comprendre que cette histoire ne la concerne pas. Quant à l'électorat centriste, n'en parlons même pas. Cette primaire est celle de la droite, "la vraie", elle ne les regarde pas le moins du monde. A cette aune, il ne reste plus aux autres candidats, scotchés par le culot sans fond de Sarkozy, qu'à battre, en boucle, le rappel des électeurs. Et de leur rabâcher que cette primaire sera ce qu'ils en feront. C'est vrai mais c'est court !