Il avait toutes les "qualités" pour être choisi. Il l'a été. La présidente du Front national a décidé de prendre David Rachline, maire de Fréjus - la plus grande ville (53.000 habitants) dirigée par l'extrême droite - et sénateur du Var - le plus jeune de la Ve République -, comme directeur de sa prochaine chevauchée élyséenne. En mars 2015, l'UMP varoise (devenue depuis Les Républicains) voyait en lui le futur "VRP de la campagne présidentielle de Marine Le Pen". La droite avait du nez !
S'il ne dispose d'aucun diplôme supérieur à celui du bac, un atout dans un parti où l'on oppose tout le temps le peuple aux élites, Rachline est titulaire d'un profil qui fait de lui le candidat idéal pour réconcilier les deux branches familiales ennemies du lepénisme. Mieux encore, il peut même repousser les frontières partisanes en allant "draguer" à droite... avec succès. Comme l'a montré son élection au Sénat.
Quelques mois après avoir arraché, à 26 ans, la mairie de Fréjus à une droite en confettis, à la faveur d'une triangulaire, en mars 2014, Rachline avait fait son entrée au palais du Luxembourg, au mois de septembre, en ratissant au-delà des seuls grands électeurs du FN. Sa rondeur apparente et son sens de la communication, dans une région où les thèmes de l'extrême droite ne hérissent pas vraiment la droite traditionnelle, lui avaient permis de faire fructifier son nouveau magistère municipal.
Une translation en douceur du père vers la fille
Malgré son âge, le directeur de la campagne présidentielle de la fille du cofondateur du FN, n'est pas ce qu'on appelle "un perdreau de l'année" en politique. En 2016 - il est né le 2 décembre 1987, à Saint-Raphaël (Var) -, il a déjà près de 14 années de militantisme au compteur. Rachline a adhéré au FN de Le Pen père à l'âge de 15 ans. C'est du reste pour lui qu'il a pris sa carte, après le "coup de tonnerre" du 21 avril 2002. Il lui vouait une véritable admiration. Il en sera récompensé.
Secrétaire départemental du Front national de la jeunesse (FNJ) dans le Var, en 2006, il participe à l'ultime campagne présidentielle de son modèle, l'année suivante, à la tête des "Jeunes avec Le Pen". Présenté comme un "bosseur" par ses partisans et comme un "apparatchik" par ses opposants politiques, il devient patron du FNJ en 2008, en même temps qu'il opère, fine mouche, un rapprochement avec Marine Le Pen. Il a peut-être compris que l'avenir du parti va passer des mains du père à celles de la fille. Il sera responsable de la campagne Web de celle-ci en 2012.
Cette translation en douceur lui permet de se présenter, dès lors, comme un "lepéniste intégral". Rachline est un malin, il sait fort bien que cette formule parle au canal historique du Front à travers le "nationalisme intégral" de Charles Maurras, théoricien des monarchistes de l'Action française du début du 20e siècle. Comme Maurras, il se déclare "agnostique". Et il ne se considère pas particulièrement juif "selon les codes", comme il le confiait, en 2011 : son père, mort prématurément, était descendant d'une famille juive ukrainienne venue s'installer en France.
Rachline à la réputation de n'avoir d'ennemis nulle part
Rachline se sent tellement peu lié aux origines religieuses de ses ancêtres qu'il a fricoté un moment avec Alain Soral, "apôtre" de l'antisémitisme et admirateur du national-socialisme. Les deux hommes se sont fréquentés dans l'association "Egalité et Réconciliation" fondée par Soral quand ce dernier, ancien du PCF, militait au Front national (2007 à 2009) au comité central duquel il a siégé. Il assure dans la presse n'avoir plus de liens avec ce sulfureux personnage, préférant probablement privilégier dans son propre parcours son attachement à la mouvance national-révolutionnaire... anticapitaliste, anticommuniste et antiaméricaine.
Déjà blanchi sous le harnais militant et auteur d'une réussite politique météoritique, le directeur de campagne du "lepénisme intégral" présente donc l'avantage de pouvoir réunir ou réconcilier les anciens du canal historique paternel et les jeunes du nouveau canal mariniste. Et si on ajoute sa proximité avec des "ex" du GUD (groupe union défense, syndicat musclé d'extrême droite actif dans les années 1970), comme Frédéric Chatillon, notamment, qui se sont reconvertis dans la communication et le financement de satellites du FN, on comprend que sa palette amicale est très large. Rachline à la réputation de n'avoir d'ennemis nulle part.
Rassurant pour les différentes familles de l'extrême droite, il peut aussi l'être pour une frange de l'électorat de droite, en mettant en avant ses "aptitudes" gestionnaires de maire et sa "bonhommie" supposée de sénateur. D'autant que dans ce rôle de facilitateur que lui assigne probablement Marine Le Pen, Rachline peut contrôler l'influence que pourrait exercer la petite-fille et nièce du "lepénisme intégral", rivale potentielle en devenir de la candidate du FN à la présidentielle de 2017. Directeur de campagne, certes, mais pas que !