Sécurité-immigration-islam, immigration-islam-sécurité, islam-sécurité-immigration ! C'est peu dire que ce triptyque sert de viatique, cet été, aux droites françaises. Et pas seulement à son extrême. L'actualité dramatique des attentats de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray l'a installé, durablement, au coeur du discours politique. En prévision de la primaire de novembre, puis de la campagne présidentielle elle-même.
Le meurtre de masse (85 morts et des dizaines de blessés) perpétré à l'aide d'un "camion fou" sur la Promenade des Anglais, le 14-juillet à Nice, par un ressortissant tunisien inconnu des services de renseignements a, immédiatement, été l'occasion d'une polémique. Ouverte par Christian Estrosi, premier adjoint (LR) au maire chargé, entre autres nombreuses délégations, de la sécurité, elle a porté sur les effectifs et le positionnement de la police nationale le soir du feu d'artifice.
Balayant l'unité nationale qu'un tel événement tragique aurait pu et dû susciter, cette polémique s'est rapidement polarisée autour du ministre de l'intérieur. Quelques rares personnalités du parti "Les Républicains", relayés en fanfare par le Front national, ont alors réclamé la démission de Bernard Cazeneuve. La sécurité en général et l'incapacité supposée du gouvernement a assurer celle des Français était au centre des "débats".
En l'espèce, les attaques récurrentes contre Cazeneuve avaient un côté surréaliste dans la mesure où Nice est une des villes les plus vidéo-surveillées de France. De plus, il se trouve que le camion conduit par le tueur - son appartenance à Daech a été revendiquée par l'organisation terroriste - avait circulé dans la ville, les 12 et 13 juillet, alors que cela lui était interdit. La vidéo-surveillance, dont la responsable a été la première à accuser le cabinet du ministre de l'intérieur, n'avait rien détecté, ni rien empêché.
"Une juge rouge adepte de la politique de désarmement pénal"
Douze jours plus tard, le 26 juillet, la France était à nouveau en état de sidération. Le père Jacques Hamel (85 ans) était égorgé par deux islamistes français alors qu'il célébrait une messe matinale devant quelques fidèles à Saint-Etienne-du-Rouvray, commune située à côté de Rouen. C'était la première fois, en Europe, que des terroristes assassinaient un homme d'église sur son lieu de culte en plein office. Là aussi, Daech était en cause.
Alors qu'à Nice, la sécurité avait été mise en cause par la droite et son extrême, à Saint-Etienne-du-Rouvray, c'est la justice qui était montrée du doigt... par les mêmes. Le mise en liberté sous bracelet électronique d'un des deux tueurs était l'objet d'une nouvelle polémique. "C’est une juge rouge adepte de la politique de désarmement pénal de Christiane Taubira qui avait pris la décision de ne pas enfermer ce terroriste", assenait ainsi, au prix de raccourcis saisissants, le directeur du très droitier hebdomadaire Valeurs actuelles.
Dans les deux cas, ces crimes ont déclenché une "guerre d'édition" sur les réseaux sociaux. Twitter, comme d'habitude, a été à la pointe des attaques où l'islamophobie le disputait aux poussées sécuritaires les moins contrôlées. Le courageux anonymat, largement développé sur ce réseau, favorisait le racisme, l'injure, la diffamation ou toutes autres sortes de débordements extrémistes.
Une opération de communication de la droite ultra
C'est dans ce contexte tendu et attisé de façon radicale qu'est intervenue, le 3 août , l'évacuation par la police, à l'heure du laitier, de Sainte-Rita, église du 15e arrondissement de Paris occupée illégalement par des intégristes depuis des mois. La date choisie - quelques jours après l'enterrement du père Hamel - n'était probablement pas la plus judicieuse mais n'importe quelle autre date aurait provoqué la même récupération par une partie de la droite et de l'extrême droite.
Là encore, Twitter a montré sa capacité de mobilisation et de démultiplication de la polémique. C'est par ce réseau que les monarchistes de l'Action française ont rameuté quelques paroissiens d'occasion pour venir défendre Sainte-Rita "contre la République". C'est aussi par ce canal que des élus (LR) du 15e se sont donnés le mot pour s'opposer physiquement à l'évacuation réclamée tant par l'ex-propriétaire des lieux - l'Association des chapelles catholiques et apostoliques - que par l'acquéreur - une société immobilière - et validée par le Conseil d'Etat.
Cette intervention musclée a donné lieu à une opération de communication de la part de la "droite ultra" dans le genre "divine surprise". Cette opération a été parfaitement décortiquée et analysée par le quotidien catholique La Croix, puis par le quotidien libéral Le Figaro. Volontairement ou involontairement - primaire pré-présidentielle oblige -, des élus de droite se sont prêtés à cette manipulation. Il est vrai que l'essentiel était de dénoncer "l'absence de discernement du pouvoir socialiste". Comme dans les attentats du mois de juillet. Quitte à faire du buzz pendant quelques jours seulement !