Programmée en novembre, la primaire présidentielle de la droite s'est-elle jouée en juillet ? Il n'est pas illégitime de se poser la question tant le monstrueux attentat de Nice du 14 juillet (84 morts) a "radicalisé" le discours sécuritaire de plusieurs candidats en compétition. De fait, l'axe de la campagne s'est décalé, d'un coup, très à droite.
Sous la pression constante du discours de l'extrême droite sur l'immigration et la sécurité, les prétendants de cette primaire ne voulaient pas apparaître "laxistes" aux yeux du peuple de droite. Aussi ont-ils fait assaut de déclarations musclées et de propositions à l'emporte-pièce. Il fallait occuper le terrain immédiatement.
Par voie de conséquence, l'unité nationale n'a même pas eu droit de cité, un seul instant, après le carnage au camion perpétré sur la Promenade des Anglais. Christian Estrosi, adjoint au maire de Nice, chargé de la sécurité publique, parmi ses nombreuses délégations, a immédiatement engagé une polémique avec le ministre de l'intérieur. Le ton était donné.
La "course à l'échalote" du mieux-disant sécuritaire
Dès lors, les principaux candidats de la primaire, en tout cas ceux que les sondages placent dans le carré de tête - Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, François Fillon et Bruno Le Maire - se sont lancés dans une sorte de "course à l'échalote" du mieux-disant sécuritaire. En multipliant, en ce qui concerne Sarkozy, des propositions soit déjà appliquées, soit inapplicables dans l'état de notre législation.
Même Juppé, pourtant réputé pour une modération qui plaît à l'électorat centriste, s'est laissé emporté par le courant. "Si tous les moyens avaient été pris, le drame n'aurait pas eu lieu", a estimé le maire de Bordeaux, le 15 juillet. L'ancien premier ministre s'est ravisé le lendemain, en précisant : "Je ne fais de polémique avec personne. Je connais la difficulté de la tâche, mais le fatalisme n'est pas une politique."
Pour sa part, Sarkozy a doublé ses "conseils" au gouvernement d'une polémique feutrée avec son principal adversaire de la primaire : Juppé, justement. A l'occasion d'une réunion du bureau politique de son parti, "Les Républicains", le 18 juillet, il a lancé : "Ce n'est pas raisonnable de dire que si on avait fait ceci ou cela, l'attentat n'aurait pas eu lieu." L'ex-président à contre-emploi, c'était nouveau !
Juppé a subitement durci son registre habituel
Cette poussée de fièvre sécuritaire ne va probablement pas fléchir jusqu'au scrutin de novembre. D'autant que les candidats guettent les réactions d'un l'électorat de droite chauffé à blanc par le Front national. La première réaction de Juppé après Nice entre parfaitement dans ce cadre. Soucieux de ne pas se faire déborder par Sarkozy, qui refait petit à petit son retard dans les sondages, le maire de Bordeaux a subitement durci son registre habituel.
Dans cette guerre de position sur le flanc droit de l'électorat de droite, l'ancien chef de l'Etat doit se dire qu'il n'a pas besoin de forcer le trait, tant il a de l'avance sur son adversaire-phare. D'où son contre-emploi fabriqué face à Juppé qui, lui-même, a compris qu'il ne devait pas perdre le contact avec la partie la moins centriste de l'électorat dont il aura sûrement besoin au second de la primaire.
A l'évidence, les thèmes de l'immigration et de la sécurité vont maintenant donner le la de la campagne de cette primaire. Et de façon tout aussi évidente, les risques de surenchère dans les discours vont paver le parcours des candidats. La façon dont la garde rapprochée de Sarkozy alimente et entretient une polémique permanente avec le ministre de l'intérieur sur la gestion de la sécurité à Nice donne une petite idée du scénario qui se profile. Tant sur la forme que sur le fond.