Sans Hulot, sans chef de file, sans ligne, les écologistes façon puzzle

Sandrine Rousseau et Julien Bayou, porte-parole du parti vert, le 11 juin 2016 à Paris. (ALAIN JOCARD / AFP)

Un écologiste sans jeu d'appareil n'est pas vraiment un écolo ! Les petites manips, les manoeuvres internes, les coups en biais : tout cela fait partie de la panoplie du parfait dirigeant vert. Rien ne plait tant aux responsables écologistes que cet attirail politique que, depuis le début des années 1970, ils ont dénoncé, en prétendant faire de "la politique autrement".

En presque 50 ans d'existence, l'écologie politique partidaire n'a jamais véritablement réussi à se structurer durablement. Depuis la candidature présidentielle de René Dumont, en 1974, où le père spirituel du mouvement vert, qui participe pour la première fois à cette consultation, obtint 1,32%, les écolos ont connu plus de bas que de hauts sur le plan électoral.

C'est aux régionales et aux européennes, c'est-à-dire lors de scrutins de liste, que les écologistes ont réalisé leurs meilleurs scores. Aux européennes de 1989 avec Antoine Waechter, ils font 10,6% des voix. A celles de 2009 avec Daniel Cohn-Bendit, ils montent à 16,3% et ils talonnent alors le PS (16,5%) conduit par Martine Aubry. Aux régionales de 2010, ils obtiennent 12,2% au premier tour.

L'extrême gauche verte désespère les modérés

Systématiquement sous la barre des 5% aux élections présidentielles dans lesquelles ils concourent, les écolos n'arrivent à franchir ce cap qu'une seule fois, en 2002, avec Noël Mamère (5,3%)... l'année où le candidat socialiste, Lionel Jospin, est éliminé au premier tour. Quant aux législatives, ils ne parviennent à décrocher des sièges qu'avec l'aide du PS qui leur laisse la voie libre dans certaines circonscriptions. Comme en 2012.

Depuis cette date, les écologistes n'ont rien construit. Leur participation gouvernementale s'est achevée, sur décision de Cécile Duflot, avec l'arrivée de Manuel Valls à Matignon, fin mars 2014. L'ancienne ministre du logement, qui cache à peine ses ambitions présidentielles, n'a pas réussi à agréger autour d'elle la famille écologiste. Bien au contraire, elle s'est débrouillée pour la faire exploser façon puzzle et elle risque maintenant d'être prise à son propre piège.

Elle a adopté une "ligne" située à gauche du PS qui a, un temps, intéressé Jean-Luc Mélenchon. Il voyait en Duflot et dans les écolos une force d'appoint dans sa lutte contre l'appareil socialiste. Las, l'opération a tourné court, en raison notamment de leurs egos respectifs. Parallèlement la tentation "gauchiste" de l'ex-ministre du gouvernement Ayrault, relayée sur le terrain par l'extrême gauche verte, a fini par désespérer les "modérés" du parti qui ont lâché prise.

Les choses se corsent maintenant pour Duflot

Cette stratégie destructrice est à l'origine de la disparition du groupe écolo de l'Assemblée nationale après le départ des têtes d'affiches parlementaires d'Europe écologie-Les Verts (EELV) pour créer leurs propres partis. En effet, le coup de grâce a été porté avec l'entrée au gouvernement, en février, d'Emmanuelle Cosse, patronne des Verts, de Barbara Pompili, coprésidente du groupe de l'Assemblée, et Jean-Vincent Placé, président du groupe du Sénat.

A la ligne Duflot de non-participation gouvernementale s'oppose, au sein de l'écologie politique, une ligne Cosse de participation. Dans ces conditions, il était à peu près prévisible que le seul candidat crédible des verts - Nicolas Hulot - allait renoncer à se présenter. Ce qu'il a fait. Déjà battu lors de la primaire écolo pour la présidentielle 2012 par Eva Joly, tenante d'une "ligne dure", il n'allait pas refaire un tour de piste alors que l'appareil est aux mains des "gaucho-écolos".

C'est là que les choses se corsent pour Duflot. Débarrassée de l'obstacle Hulot, derrière la candidature duquel elle aurait été contrainte de se ranger, elle se voit imposer maintenant une primaire par le parti vert. Elle est donc elle-même débordée sur sa gauche, dépassée par sa propre création. Les manips se retournent contre elle. Il est bien tard, maintenant, pour dénoncer une méthode "fratricide et plombante", comme elle l'a fait dans un courrier électronique interne, le 7 juillet, révélé par Europe 1. L'écologie présidentielle est en mille morceaux ! 

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu