Le "Brexit", atout ou handicap pour Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon

Le bonheur absolu ! Depuis la publication des résultats du référendum organisé au Royaume-Uni par David Cameron, le premier ministre britannique, sur le maintien ou non du pays dans l'Union européenne, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ne cachent pas leur joie. La chef de file de l'extrême droite et le patron de la gauche radicale ont même tendance à l'extérioriser.

Il est vrai que la volonté exprimée de l'autre côté de La Manche - 51,9% pour le #Leave du Royaume-Uni de l'Europe politique - ne peut que tinter agréablement aux oreilles de ces deux dirigeants. La présidente du Front national le dit ici et l'ancien coprésident du Parti de gauche l'affirme . Tous deux - députés européens ayant échoué à se faire élire député en France - prônent, de longue date, une rupture avec Bruxelles.

En première intention, comme disent les commentateurs de football, on peut donc penser que ce vote apporte de l'eau à leur moulin. Il montre qu'un peuple d'électeurs peut franchir le Rubicon qu'aucun autre n'a enjambé avant lui depuis la création de la CEE des "Six" (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas) en 1957. En presque 60 ans, la "Communauté" n'a fait que s'agrandir jusqu'à arriver à 28 membres.

Aujourd'hui, les Français disent "non" au "Frexit"

Un tel résultat est de nature à ancrer plus solidement encore les convaincus dans leur position europhobe et à faire vaciller un peu plus les indécis, entrainés dans le tourbillon d'ivresse des vainqueurs. A cette aune, il est très probable que la fille du cofondateur du FN soit la principale bénéficiaire du mouvement de balancier et que Mélenchon n'en soit qu'un héritier secondaire. Comme c'est le cas depuis plusieurs années.

En tout cas, les deux futurs candidats à la présidentielle de 2017 peuvent persuader leurs troupes qu'un "Frexit" - vote des électeurs français en faveur d'une rupture avec l'Union européenne lors d'un référendum - aurait pour conséquence de faire exploser les partis de gouvernement. Autant à droite qu'à gauche. Il suffit d'observer la crise larvée qui mine les conservateurs et les travaillistes à Londres pour imaginer ce que la transposition donnerait chez "Les Républicains" et au PS, à Paris.

Pour autant, les enquêtes d'opinion actuelles révèlent un jugement très mitigé des Français sur le "Brexit" et une appétence assez modérée pour un "Frexit". Ainsi, un sondage TNS Sofres pour Le Figaro, RTL et LCI montre que si 44% des personnes interrogées se disent défavorables à un tel référendum dans notre pays, 45% y seraient favorables. Mais au pied du mur, 45% des Français voteraient pour le maintien dans l'UE alors que 33% opteraient pour la sortie. La part des indécis (22%) est très importante...

L'incertitude économique et financière au bout du bout

On retrouve les mêmes tendances en ce qui concerne l'appréciation des Français sur le "Brexit". Toujours selon TNS Sofres, 48% d'entre eux estiment que le choix britannique est une "mauvaise chose" pour l'Europe alors que 24% pensent le contraire et 16%, ni l'un ni l'autre. En clair, notre opinion publique, car c'est dans l'air du temps, aimerait se faire peur à travers un référendum, tout en voulant faire croire qu'elle ne s'en laisserait pas compter. Les petits calculs de politique intérieure de Cameron ont donné le résultat que l'on sait !

Pour un autre institut - Elabe pour BFM TV -, 45% des Français seraient favorables à un tel référendum en France mais 55% y seraient opposés. Et si 52% des sondés pensent que le "Brexit" est une "mauvaise chose" pour l'Union européenne, ils sont 48% à estimer que c'est une "bonne chose". L'enquête montre que la ligne de partage met en opposition les partis dits de gouvernement avec les partis contestataires, c'est-à-dire principalement le Front national et le Front de gauche... ou ce qu'il en reste.

Reste que le "Brexit" crée une situation d'incertitude - les Britanniques ne semblent pas pressés de mettre en route la rupture - que n'apprécient pas trop les milieux économiques et financiers. On peut certes répéter à l'envi que "la politique ne se fait pas à la City", il n'en demeure pas moins que la livre sterling est aujourd'hui à son plus bas niveau depuis 30 ans face au dollar. Et ces conséquences là, ni Marine Le Pen ni Jean-Luc Mélenchon ne peuvent les ignorer.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu