Frondeurs socialistes cherchent leader et projet désespérément !

Christiane Taubira au lancement du collectif "Vive la gauche" à La Rochelle (Charente-Maritime), le 30 août 2014. (XAVIER LEOTY / AFP)

Existe-t-il une alternative de gauche à l'actuelle gauche de gouvernement ? Depuis plusieurs années, Jean-Luc Mélenchon répond positivement à la question. Candidat à l'élection présidentielle de 2012 où il se classa en quatrième position au premier tour avec près de quatre millions de voix (11,10% des suffrages exprimés), il tentera à nouveau sa chance en 2017. Depuis quasiment le début du quinquennat de François Hollande, une frange des députés socialistes - les "frondeurs" - tentent de montrer que cette alternative existe. Sans grand succès, il faut bien le reconnaître.

La dernière tentative en date s'est soldé par un échec. La "motion de censure de gauche" voulue par les "frondeurs" après l'usage de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution (adoption d'une loi sans vote des députés) par le premier ministre sur le texte de Myriam El Khomri, ministre du travail, n'a pas pu voir le jour. Faute de suffisamment de combattants. Il en fallait au minimum 58, soit 1/10e des députés qui sont 577, pour la déposer : ils n'en ont trouvé que 56... avec l'appoint de Jean Lassalle, député centriste (Modem) non inscrit.

A cette interrogation sur un autre chemin de gauche, le président de la République répond, lui, par la négative. "Il n'y a pas d'alternative de gauche en dehors de la ligne que je représente", a-t-il affirmé, le 17 mai, sur Europe 1. Hollande apportait ainsi la contradiction tout autant aux "frondeurs" socialistes qui remettent en cause sa ligne depuis quatre ans, qu'à Mélenchon qui ne rate pas une occasion de lui tirer dessus et qu'à Arnaud Montebourg, ancien ministre du redressement productif, qui est à peine sorti du bois - une nouvelle fois - à l'occasion de sa traditionnelle ascension du Mont Beuvray, le lundi de Pentecôte.

Inimitiés tenaces et divergences politiques

A un an de la présidentielle de 2017, il apparaît, pourtant, que la gauche de la gauche et la gauche du PS ne savent pas très bien où elles habitent. Sur la gauche du Parti socialiste, c'est moins une question de projet que d'hommes. Et dans la gauche du Parti socialiste, c'est tout autant une question de programme que d'hommes et de femmes. A cette aune, le dernier "appel" de Montebourg n'éclaire pas beaucoup les interrogations : ni déclaration de candidature franche, ni exposition claire d'un programme. Plus enclin à l'emphase qu'à la définition d'un projet, il s'est référé à des personnalités historiques dont la liste et la cohabitation donnent le tournis.

Avec Mélenchon, au contraire, la gauche de la gauche tient l'incarnation de son alternative. Cependant, les choses ne se présentent plus comme en 2012. Le Front de gauche semble être un lointain souvenir car l'attelage entre le Parti de gauche (PG) et la PCF a volé en éclat. Les communistes estiment que le député européen du PG joue un peu trop "perso"... mais eux n'ont aucune alternative crédible à proposer.

Quant aux opposants qui ferraillent à l'intérieur du PS, on ne peut pas dire qu'ils aient beaucoup progressé depuis quatre ans. Et plus particulièrement depuis que Manuel Valls, leur cible principale, a remplacé Jean-Marc Ayrault à Matignon, le 31 mars 2014. D'autant que les "frondeurs" constituent un rassemblement un peu hétéroclite dans lequel les inimitiés tenaces rivalisent avec les divergences de fond.

Ainsi, les amis de Martine Aubry n'ont pas oublié que Montebourg s'est rallié, contre toute attente et toute logique politique, au candidat Hollande avant le second tour de la "primaire citoyenne" organisée par le PS en octobre 2011 pour désigner le prétendant socialiste à la présidentielle de 2012. Arrivé à la troisième place, il a ainsi apporté au futur vainqueur de la joute avec la maire de Lille une bonne partie de ses voix (17,19%) obtenues au premier tour.

Ils ne peuvent plus donner du temps au temps

Ils ont aussi en mémoire que, trois ans plus tard, le même Montebourg a passé un pacte avec Valls, alors ministre de l'intérieur, pour évincer Ayrault du poste de premier ministre. Un arrangement tellement contre nature - les deux hommes défendent des lignes politiques diamétralement opposées - qu'il avait fini par se solder par le départ assez théâtral du gouvernement du très fougueux et quelque peu changeant locataire de Bercy de l'époque.

Lors de la tentative avortée de censure du gouvernement, les députés "frondeurs" socialistes - Christian Paul et Laurent Baumel soutiennent la démarche de Montebourg - ont dû se passer du soutien des députés aubrystes. Ces derniers considéraient que la démarche n'offrait aucun débouché politique pouvant conduire à une alternative de gauche. Il est vrai qu'un an auparavant, Christian Paul avait expédié une amabilité à Martine Aubry lors du recours au 49-3 pour l'adoption de la loi Macron. Il saluait ainsi le ralliement de la maire de Lille à la motion majoritaire de Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du parti, au congrès de Poitiers (5 au 7 juin 2015).

Minoritaires au sein de leur groupe à l'Assemblée nationale, sans chef de file incontesté et incontestable, en proie à des rivalités d'égos et orphelins de programme ou de projet alternatif, les "frondeurs" socialistes sont bien en peine, aujourd'hui, d'offrir une issue de secours à un électorat déboussolé. Mélenchon, lui-même, ne parvenant pas à faire tomber des pans significatifs du PS dans son escarcelle, les opposants de gauche de Hollande sont dans une impasse. Et ils ne peuvent plus donner du temps au temps car il est compté pour en sortir !

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu