Une nouvelle phase vient de s'ouvrir dans la course à l'Elysée. Elle va peut-être faire bouger les lignes des sondages. A droite, François Fillon, et à gauche, François Hollande, se sont engagés, presque simultanément, dans une offensive. L'ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy a manifestement changé de stratégie et l'actuel président de la République a fait donner ses amis contre le "bashing" dont il est la cible.
A six mois de la primaire de la droite et à un an du premier tour de l'élection présidentielle, les deux hommes, "à la ramasse" dans les enquêtes d'opinion, se devaient de réagir sous peine de disparaître corps et biens. Largement distancé par Alain Juppé et Nicolas Sarkozy dans les intentions de vote de la "pré-présidentielle" de l'opposition parlementaire, Fillon s'était même vu déborder par l'entrée en campagne de Bruno Le Maire.
Pour sa part, le chef de l'Etat, qui éclairera les Français en fin d'année - après la primaire de la droite - sur ses intentions en 2017, voit toujours sa cote de popularité évoluer dans les abysses sondagiers. Plus grave encore pour lui, pas une seule étude ne le donne présent au second tour du scrutin suprême, une situation inédite sous la Ve République pour un président sortant. Et Jean-Luc Mélenchon pourrait même le talonner.
Le "plus-disant" libéral face à Sarkozy et Le Maire
Le premier à monter à l'assaut a été Fillon. Début avril, il a manifesté le désir de "casser la baraque" dans le Journal du Dimanche. Il a tapé tous azimuts, dénonçant "le candidat de la revanche" (Sarkozy) et celui du "consensus" (Juppé) et n'épargnant pas Le Maire, l'homme du "renouveau" et candidat au projet "un peut court". Conseillé par son ancienne communicante de Matignon, l'ex-chef du gouvernement a changé de stratégie.
Personnage un tantinet engoncé et lourdement chargé d'une cohabitation sarkozyste longue d'un quinquennat, Fillon était à la traîne dans les sondages, promis à une troisième place, voire une quatrième, lors de la primaire de droite. Manifestement, il a décidé de se défaire de ces boulets, dans l'espoir de remporter la course du "plus-disant" libéral face à Sarkozy et Le Maire. Bien lui en a pris puisqu'il a, semble-t-il, refait son handicap sur le second.
Selon un sondage Ifop pour le très droitier hebdomadaire Valeurs actuelles - qui s'en est discrètement réjoui -, Fillon a repris 7 points, à la fin avril, dans les intentions de vote des électeurs sûrs d'aller à la primaire et il est ainsi repassé devant l'ancien ministre de l'agriculture : 15% contre 12% (page 9). Fort de ce regain d'intérêt, celui que Sarkozy présentait comme son "collaborateur" assure être le seul a avoir un projet crédible et dénonce le "discours creux" de ses petits camarades.
Mettre le holà au bashing permanent du chef de l'Etat
Comme par un jeu de symétrie, les proches du chef de l'Etat se sont réveillés à peu près au même moment. Pour eux, il fallait mettre le holà à un "Hollande bashing" dont le développement est exponentiel sur les réseaux sociaux, principalement sur Twitter. Ils se sont donc lancés dans une défense et illustration d'un quinquennat qui entre dans sa dernière année utile. Promesses, décisions et réalisations sont maintenant passées au crible quotidiennement.
Il s'agit d'occuper le terrain de façon positive. D'autant que les frondeurs du Parti socialiste n'ont pas déposé les armes : la discussion qui s'ouvre à l'Assemblée nationale sur la loi travail de Myriam El Khomri va probablement en donner une nouvelle illustration. Quant à la gauche de la gauche - PCF et Parti de gauche - et à l'extrême gauche, elles redoublent leurs attaques contre Hollande, en profitant du "buzz" créé par le mouvement #Nuitdebout.
Comme à droite, c'est une énorme bataille de communication qui s'est engagée de l'autre côté de l'échiquier politique. Les mois qui viennent avant les vacances d'été sont d'une importance capitale pour les fidèles du camp Hollande comme pour les supporteurs du camp Fillon. Soit ils parviennent à utiliser les atouts qu'ils ont en main et à enclencher ainsi un mouvement de bascule perceptible dans les sondages, soit ils échouent et dans cette hypothèse "les carottes seront définitivement cuites" pour les deux postulants.
De retours inattendus en effondrements improbables
Pour revenir de l'enfer des sondages, Fillon et Hollande seront aussi très dépendants d'éléments extérieurs. Même s'il repousse l'offensive Le Maire, l'ancien premier ministre a de toute façon encore deux rivaux devant lui. A parler franchement, un seul cas de figure pourrait le remettre véritablement en selle : le renoncement de Sarkozy provoquant un appel d'air. Il bénéficierait alors de voix sarkozystes assez largement anti-Juppé. Les partisans de l'ex-président sont nombreux à penser que le maire de Bordeaux est un candidat... de gauche.
La position de Hollande est un peu différente car il doit bénéficier d'une remobilisation de l'électorat qui l'a porté à l'Elysée en 2012. Et pour parler aussi franchement, ce n'est pas gagné tant cet électorat est frappé par la déception et laissé en déshérence. Les contrats militaires du siècle, avions et sous-marins, le recul du chômage enregistré en mars, la reprise plus marquée qu'attendue de la croissance au premier trimestre seront-ils ces éléments extérieurs qui pourraient permettre au chef de l'Etat d'espérer ?
A l'évidence, une brèche semble s'ouvrir pour Fillon et Hollande. Ces deux recalés des enquêtes d'opinion sauront assez rapidement si elle donne accès à une pente ascendante ou à une voie est sans issue ! Les précédentes campagnes présidentielles ont donné lieu à tant de rebondissements, de retours inattendus en effondrements improbables, qu'il serait bien hasardeux de faire un pronostic définitif. De quoi entretenir l'inquiétude... et le désir !