Ira, ira pas ? A neuf mois de l'échéance, la question de la participation de Nicolas Sarkozy à la "primaire de la droite et du centre" commence à se poser sérieusement. En novembre, un échantillon du peuple de droite choisira son champion pour l'élection présidentielle de 2017. Aujourd'hui, sept hommes et une femme se sont portés candidats à cette compétition interne. Un seul manque à l'appel : l'ancien président de la République battu en 2012 par François Hollande.
Jean-François Copé est le dernier prétendant en date à avoir rejoint la liste déjà fournie des concurrents qui ont annoncé leur participation à cette primaire : François Fillon, Alain Juppé, Frédéric Lefebvre, Bruno Le Maire, Hervé Mariton, Nadine Morano et Jean-Frédéric Poisson. La déclaration de candidature de Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM) - neuvième dans la compétition - serait imminente. Et toujours pas de Sarkozy en vue !
Si le nom de l'ex-chef de l'Etat est cité régulièrement, c'est plus dans des "affaires" qui sont traitées par une ribambelle de juges d'instruction qu'à propos de la primaire présidentielle de la droite. Plus embêtant, il traîne une mise en examen pour "corruption active", "trafic d'influence actif" et "recel de violation du secret professionnel" depuis le 2 juillet 2014 dans une affaire de "trafic d'influence" présumé.
Comment se débarrasser des fardeaux judiciaires
Sarkozy est soupçonné d'avoir sollicité un haut magistrat, par l'intermédiaire de son avocat, pour "tenter d'influer sur une décision" de la Cour de Cassation le concernant dans l'affaire Bettencourt. Ce sont des écoutes policières entre lui - il parlait sous le nom d'emprunt de Paul Bismuth - et son avocat qui ont forgé la conviction des juges d'instruction. Sa défense a tenté d'obtenir la nullité de ces écoutes. Las, elles ont été validées par la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris. La Cour de cassation devrait dire, le 22 mars, si elles sont valides ou non.
Et comme si une mise en examen ne suffisait pas, Sarkozy s'en est vu signifier récemment une seconde. C'était le 16 février. Cette fois, c'est pour "financement illégal de campagne électoral", la présidentielle de 2012. Dans une décision rendue le 4 juillet 2013, le Conseil constitutionnel avait déjà invalidé ses comptes de campagne. Depuis, l'affaire Bygmalion, où il est placé sous le statut de témoin assisté, a fait exploser les compteurs. Cette nouvelle mise en examen s'inscrit dans un volet pénal, indépendant de la décision des Sages du "Conseil".
Avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête n'est pas la position la plus enviable quand on se soumet aux suffrages des militants et des sympathisants de son parti. Mais en avoir deux rend carrément l'exercice problématique, voire impossible à réaliser. Compte tenu de la vitesse à laquelle avance la justice, on voit mal comment, dans la meilleure des hypothèses pour lui, Sarkozy pourrait être débarrassé de ces fardeaux judiciaires avant plusieurs mois. D'où le retard pris à déclarer sa candidature. Sarkozy est contraint au sur-place.
Les rivaux pressentent que le terrain va se dégager
Seule Nadine Morano, parmi ses concurrents potentiels dans la course à l'investiture, a mis ouvertement le doigt là où ça fait mal. "Mon éthique personnelle fait que si j’avais été condamnée par la justice ou si j’avais été mise en examen, je ne serais pas candidate à la primaire", a-t-elle glissé, le 21 février, sur BFMTV. Au passage, elle a donc non seulement visé Sarkozy mais elle a aussi ciblé Juppé.
Ancien secrétaire général du RPR (1988-1995) et ex-adjoint au maire de Paris, Jacques Chirac (1983-1995), Juppé a été condamné, en décembre 2004, à 14 mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité pour "prise illégale d'intérêt" dans une affaire d'emplois fictifs qui a traîné pendant des années. N'ayant pas saisi la Cour de cassation après ce jugement rendu en appel, Juppé avait été condamné définitivement. Cela avait entraîné un "exil volontaire" de l'intéressé pendant un an au Canada.
Balladurien en 1995, filloniste en 2016, le député Bernard Debré a été encore plus direct, le 19 février, en lançant que "Sarkozy ne devrait pas se présenter à la présidentielle". Il a ajouté une seconde couche en réclamant son départ de la présidence du parti. Le frère jumeau du président du Conseil constitutionnel arrivé en fin de mandat est-il isolé ou dit-il tout haut ce que certains commencent à penser chez "Les Républicains" ?
La multiplication rapide des candidatures tend à accréditer la seconde hypothèse. Tout se passe comme si les rivaux de Sarkozy pressentaient que le terrain allait se dégager et qu'ils avaient une carte à jouer dans une nouvelle donne... sans Sarkozy. Il est vrai qu'un renoncement de l'ancien président de la République modifierait totalement la photographie des intentions de vote que fournissent aujourd'hui les instituts de sondage. Alors, la campagne commencerait vraiment !