Survivre ou disparaître ? Pour Nicolas Sarkozy, l'alternative est simple. Soit il parvient à mettre un terme au recul qui l'affecte, depuis quelques mois, à droite, soit il est condamné à un effacement progressif qui s'achèvera par une sortie de route. En publiant son livre "La France pour la vie", sorte de plan d'urgence de communication, il veut conjurer l'inéluctable.
Avant même sa publication (lundi 25 janvier), cet ouvrage (Plon, 260 pages) a été passé à la loupe, notamment, sur francetvinfo ou bien disséqué dans les colonnes du quotidien Le Monde. Pressé depuis trois ans de présenter un inventaire de son quinquennat, l'ancien président de la République se livre - enfin - à une introspection qui prend la forme d'un acte de contrition.
D'ordinaire peu enclin à la repentance ou au "mea culpa", Sarkozy y expose ses remords. La soirée du Fouquet's - "je n'ai pas mesuré la portée symbolique de ce lieu" -, sa virée sur le yacht de Bolloré - "une erreur de jugement incontestable" - ou le "casse-toi pov' con" du Salon de l'agriculture - "une bêtise que je regrette encore aujourd'hui", tous les ratés du début de son mandat y passent.
Trop "anguleux", "simpliste", voire "exaspérant"
Il y est plus question d'attitudes qui écornent la fonction présidentielle que d'erreurs dans les choix politiques. L'ex-chef de l'Etat concède avoir été trop "anguleux", "simpliste", voire "exaspérant". S'il est allé parfois trop loin sur le style, Sarkozy ne se pardonne pas d'avoir été, paradoxe quand on parle de lui, trop timide sur la remise en cause des 35 heures ou la suppression de l'ISF (impôt de solidarité sur la fortune).
Même si "ce livre n'est pas une déclaration de candidature à la prochaine élection présidentielle", comme le précise l'intéressé, promis, juré, il ne recommencerait pas ces bourdes. C'est en tout cas ce qu'il faut comprendre de l'ouvrage puisqu'il esquisse quelques pistes pour un futur programme (fin des aides sociales pour les immigrés illégaux, durée minimum de résidence pour ces aides, durcissement des conditions d'entrée sur le territoire).
Et dans ce tableau, il ne faut pas oublier son revirement sur le "mariage pour tous" puisqu'il ne remettrait pas en cause la loi Taubira... que son n°2 chez "Les Républicains", Laurent Wauquiez, veut abroger ! Une prise de position courageuse qui s'oppose au bloc conservateur de "La manif pour tous", très en colère et perdu pour lui, mais qui va sans doute avoir de la peine à convaincre les partisans historiques de cette union homosexuelle tant ses louvoiements ont été nombreux au cours de la dernière décennie.
Un retard programmatique sur Juppé et Fillon
C'est sur la sincérité, justement, que les électeurs vont juger Sarkozy. De ce point de vue, l'ancien président part avec un certain handicap. En septembre dernier, un sondage Odoxa (page 10) montrait qu'il obtenait un score de 21% face à Juppé (72%), soit le même chiffre qu'un an avant. Mais en janvier 2016, les pourcentages sont respectivement passés à 17% et 78% (page 10).
Si "La France pour la vie" est le livre de la dernière chance censé prouver que l'homme a changé, l'exercice, là aussi, va être compliqué. Une autre enquête Odoxa de janvier révèle que 9% seulement des personnes interrogées pensent que Sarkozy a changé. Pire encore, 74% - trois sur quatre ! - considèrent qu'il ne peut pas changer (page 9). La question est de savoir si le "non encore candidat" parviendra, à l'aide de sa confession, à surmonter ses handicaps d'image.
D'autant que sur le terrain purement politique, il a un certain retard programmatique sur ses deux principaux rivaux, Juppé et Fillon. Si le premier caracole maintenant en tête dans les intentions de vote de la primaire de droite - toutes catégories de sympathisants confondus -, le second distille un programme libéral très élaboré depuis déjà plusieurs mois. Et les deux ont pris un certaine avance dans le contact militant en labourant le terrain. Si le livre de regrets de Sarkozy ne fait pas bouger sensiblement les lignes dans les prochaines semaines, alors l'affaire sera vraiment mal embringuée pour lui. Tout animal politique qu'il est !