Le premier tour de la primaire présidentielle socialiste de 2011 avait attiré 2.661.231 électeurs vers les urnes. "Les Républicains" ont l'ambition d'en rassembler autant. Voire plus ! Il y a cinq ans, l'UMP était loin de goûter ce processus de désignation. Nicolas Sarkozy, président sortant, était contre; François Fillon, son premier ministre qui disait parler au-delà de 2012, était pour.
Cinq ans après, ces deux derniers vont - très probablement - s'affronter, en novembre, dans la primaire de la droite. A l'heure actuelle, Sarkozy ne s'est pas encore déclaré alors que Fillon est déjà dans le course. Tout comme Alain Juppé qui, selon les sondages, les devance tous les deux en terme de popularité, non seulement chez tous les Français mais aussi chez les seuls sympathisants des "Républicains".
Au tout début janvier, l'ancien premier ministre de Jacques Chirac (1995-1997) était souhaité comme candidat à la présidentielle par 56% des Français dans un sondage Odoxa (page 14). Il devançait très largement tous ses concurrents, de droite, du centre et de gauche. Il mettait même 34 points dans la vue à Sarkozy : l'ancien chef de l'Etat rassemblait trois sondés sur quatre contre sa candidature. Comme François Hollande !
Le troisième vaut surtout par les voix de son désistement
Dans une autre enquête du même institut, Juppé dominait largement Sarkozy sur quatre items (sincérité, compétence, rassemblement, charisme) et n'était en retrait que sur le cinquième, l'autorité (p. 9). Un sondage réalisé les 8 et 9 janvier par Ipsos mettait en évidence une chute brutale des "bonnes opinions" pour l'ex-président. Avec un score de 62%, il perdait 18 points chez "Les Républicains" et il passait de la première à la quatrième place derrière Juppé (76%), Christine Lagarde (67%) et Fillon (63%).
Cette soudaine dépression sondagière incite les partisans de Sarkozy à accélérer le mouvement et à précipiter son entrée en campagne pour créer un appel d'air. A dix mois de l'échéance, les cartes sont en passe d'être rebattues derrière Juppé qui tient la corde depuis un bon moment. Les situations sont rarement figées en politique mais l'intérêt va se porter sur l'identité et l'ordre de ses poursuivants. N'oublions pas que Martine Aubry s'était classée deuxième (30,42% contre 39,17% à Hollande) à la primaire socialiste mais la surprise était venue du troisième : Arnaud Montebourg.
Avec 17,19% des suffrages (455.601 voix), le futur ex-ministre du redressement productif avait écrasé Ségolène Royal (6,95% et 184.091 voix) et Manuel Valls (5,63% et 149.103 voix). Il s'était désisté pour Hollande. Montebourg avait alors été présenté - par ses fans - comme le grand vainqueur de cette primaire. L'avenir a montré qu'il a fait long feu au gouvernement alors que ses deux suivants ne s'en sont pas mal sortis. Mais la place de troisième vaut surtout par les voix qu'elle apporte à l'un des deux finalistes du second tour, désistement oblige. Quels sont les cas de figure possible à droite ?
Juppé ?
C'est, aujourd'hui, l'hypothèse la plus improbable. Il faudrait vraiment que l'ex-locataire de Matignon ne tienne ni la route ni la longueur pour qu'un tel cas se présente. Mais il ne faut jamais rien écarter ! Arrivé troisième, Juppé aurait donc à se désister en faveur de... l'un des deux premiers. Son opposition à Sarkozy est telle et tellement ancienne qu'il choisirait sûrement son adversaire du second tour.
Sarkozy ?
Cette hypothèse là n'est pas, elle aussi, la plus probable actuellement. Mais... Son recul est si patent dans les enquêtes évoquées plus haut que ce cas ne peut être balayé d'un revers de main. Ce serait, il faut le reconnaître, un vrai coup de théâtre. Et question désistement, l'ancien président préfèrerait alors que ses deux bourreaux ne s'appellent ni Fillon ni Juppé (par ordre alphabétique).
Fillon ?
Depuis des mois, ce cas de figure est le plus souvent envisagé sans jamais être énoncé. L'évolution des sympathisants de droite à l'égard de Sarkozy, s'il était durable, pourrait changer la donne en faveur de Fillon qui joue maintenant, comme Juppé, la carte du mandat unique. Le ressentiment d'une partie des sarkozystes à l'endroit de Juppé a une telle force que la mécanique des fluides pourrait alors être favorable au député de Paris. Dans le cas inverse, sa proximité avec le maire de Bordeaux l'emporterait au moment du choix du désistement.
Le Maire ?
Cette configuration là ne serait possible qu'avec l'effondrement ou l'élimination prématurée de l'un des trois candidats précédents, ce qui constituerait déjà en soi un coup de tonnerre. Bruno Le Maire avait déjà créé la surprise lors de l'élection pour la présidence de l'UMP (remportée par Sarkozy, en novembre 2014) en obtenant un très bon score : 29,18%. Tenant de thèses libérales, son désistement pourrait dans ce cas favoriser d'abord Fillon, voire Juppé, si l'un ou l'autre était présent au second tour.
Kosciusko-Morizet (NKM) ?
Non déclarée candidate, Nathalie Kosciusko-Morizet n'écarte pas l'idée de se lancer dans la bataille. Sur différents sujets, ses positions sont minoritaires à droite et plus encore chez "Les Républicains". Une troisième place de NKM serait, comme avec Le Maire, le signe d'une volonté de renouvellement du personnel politique de ce côté de l'échiquier. Et son désistement pourrait profiter à tout le monde... sauf à Sarkozy avec lequel la rupture est consommée.
Morano ?
A la différence de NKM, Nadine Morano, l'autre femme de la primaire, s'est déjà déclarée candidate. Très marquée à droite et très populaire dans une partie de la base militante, elle est susceptible de réaliser un score qui ne passerait pas inaperçu. Et qui dans l'hypothèse d'une troisième place pourrait alors peser son poids. Problème : on ne voit pas très bien en faveur de qui Morano pourrait se désister parmi tous les autres prétendant-e-s en présence. Mais même arrivée cinquième, l'ancienne ministre de Sarkozy, qu'elle voue maintenant aux gémonies, pourrait s'imaginer avoir de l'avenir. Comme Manuel Valls que personne n'attendait à Matignon !