Déchéance de nationalité : et si Hollande passait par la voie du référendum !

François Hollande et Manuel Valls à la conférence climat au Bourget (Seine-Saint-Denis), le 30 novembre 2015. (MARTIN BUREAU / AFP)

François Hollande va-t-il prendre tout le monde à contre-pied ? Va-t-il profiter de la présentation de ses voeux à la nation, le 31 décembre, pour prendre l'opinion à témoin... et annoncer l'organisation d'un prochain référendum sur la révision de la Constitution ? Va-t-il arracher le "débat" sur la déchéance de nationalité de bi-nationaux condamnés définitivement pour terrorisme des mains des politiques pour le confier au peuple, en lui demandant de le trancher ?

Pour hypothétique qu'elle soit, cette "construction intellectuelle", qui ne s'appuie sur aucune confidence de proches ni sur aucune rumeur de palais, n'en mérite pas moins d'être visitée. Car elle recèle tellement d'avantages pour le président de la République qu'il n'est guère imaginable qu'il ne l'ait pas imaginée !

En effet, la déchéance de nationalité évoquée par Hollande devant le Congrès des parlementaires à la suite des attentats sans précédents du 13 novembre n'en finit pas de diviser la classe politique. Surtout à gauche et plus précisément au Parti socialiste. Une proportion de députés - forte mais pas encore établie avec précision - est vent debout au nom des "valeurs de la gauche". Pour le moment, Valls est isolé pour leur tenir tête... mais il est imprécis dans sa démonstration.

Décalage criant entre les opposants et l'opinion

A droite, la majorité des parlementaires semble y être favorable, à part quelques personnalités - NKM, Devedjian ou Mariton - qui ont marqué leur hostilité. Au centre, c'est globalement le silence radio, même si Bayrou (qui n'est ni député ni sénateur) s'est déclaré en accord avec la proposition. A l'extrême droite, l'unanimisme est la règle d'autant que le Front national voudrait élargir les motifs de cette déchéance.

Depuis que le conseil des ministres du 23 décembre a confirmé la mesure dont Christiane Taubira avait imprudemment annoncée l'abandon, la veille, au micro d'une radio algérienne, les réseaux sociaux se sont enflammés. Pour une très large part, ce sont les opposants socialistes qui tiennent le haut du pavé, à l'instar des "frondeurs" ou des têtes d'affiche comme Aubry, Montebourg, Hamon et quelques autres.

Il se trouve, cependant, que deux sondages successifs de l'institut Elabe, dont un du 29 décembre, ont mis en évidence un décalage criant entre les opposants et l'opinion publique. Et singulièrement à l'intérieur de la gauche et plus particulièrement du PS dont les sympathisants sont favorables à la mesure à une écrasante majorité. En considérant même, pour les trois-quarts d'entre eux qu'elle n'est pas contraire aux valeurs de gauche.

Se placer, comme de Gaulle, au-dessus des partis

Dès lors, on comprend que le chef de l'Etat se trouve dans une situation curieuse. L'appareil politique censé le soutenir est traversé par une fronde plutôt incontrôlable aujourd'hui alors que l'opinion, toutes tendances confondues, est largement derrière lui, à en croire les sondages. Il y a donc pour lui un risque politique à passer par le Congrès , celui de ne pas obtenir la majorité des trois-cinquièmes (555 parlementaires sur 925 députés et sénateurs).

Au contraire, la voie référendaire que lui autorise l'article 11 de la Constitution donne la possibilité à Hollande de se tourner directement vers le peuple. Et de se dégager de la critique selon laquelle il est à la merci de la droite parlementaire. Utilisée dès le début de la Ve République par de Gaulle, cette procédure fut longtemps dénoncée par la gauche, Mitterrand en tête, comme étant une dérive plébiscitaire. Sauf pendant la cohabitation Chirac-Jospin (institution du quinquennat), l'article 11 a été utilisé par tous les présidents de la République, exceptés Giscard et Sarkozy.

Ceux qui, à gauche et à droite ou à son extrême, réclament périodiquement un recours au jugement populaire, sur des sujets bien moins épineux, auraient mauvaise grâce à dénoncer une telle procédure. Celle-ci aurait pour autre avantage, vu du côté du chef de l'Etat, de placer Hollande au-dessus de partis mis dans l'embarras : une situation très gaullienne.

Devenir le leader incontestable de la gauche socialiste

Mis à part que le résultat supposé d'un référendum (si l'on s'en tient aux enquêtes d'opinion actuelles) noierait l'extrême droite dans un score dépassant largement ses frontières naturelles, la campagne référendaire montrerait que la déchéance de nationalité version hollandaise n'a pas grand chose à voir avec celle prônée par le FN qui veut en faire une arme sociétale dépassant de loin la lutte contre le terrorisme.

Message fort sur le plan international, un référendum donnant une large majorité au président de la République prolongerait cette unité nationale à laquelle aspire l'opinion, comme le montrent aussi les sondages. Susceptible de fournir un regain de popularité à Hollande, elle lui permettrait de se placer en leader incontestable de la gauche socialiste pour la présidentielle de 2017. Ses opposants seraient mis de facto sous l'éteignoir.

Reste à savoir si ce retour vers le peuple donnant une nouvelle stature au chef de l'Etat en cas de succès ferait bouger les lignes politiques. Un tel désaveu de l'appareil politique du parti au pouvoir ne serait certainement pas sans conséquences. Il rebattrait les cartes sur l'échiquier mais bien malin - hormis Hollande lui-même, peut-être, serait celui qui pourrait donner un aperçu de la nouvelle donne.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu