Cote de popularité et intentions de vote ne sont pas liées ! On a trop souvent répété, ici, cet adage des experts ès sondages pour écrire le contraire à la veille des élections régionales. Non, l'embellie enregistrée par François Hollande dans les enquêtes d'opinion n'aura pas d'incidence mécanique favorable pour les listes de gauche, entendez socialistes, les 6 et 13 décembre. Toutes les études montrent que les deux paramètres sont déconnectés.
Incontestablement, la "gestion politique" par le président de la République des attentats terroristes qui ont endeuillé la France et la "gestion sécuritaire" de l'après-13-novembre sont plébiscitées par les Français. Sa popularité a pris 8 points - 33% contre 25% - pour BVA (enquête du 18 au 19 novembre). Sa cote de confiance a bondi de 20 points chez TNS-Sofres, passant de 15% à 35% (26 au 28 novembre). L'approbation de son action a grimpé de 22 points pour l'Ifop, allant de 28% à 50% (27 au 28 novembre).
"Les attaques du 13 novembre ont donc provoqué un choc très puissant dans l’opinion publique, qui demande davantage protection face à la menace terroriste", analysait l'Ifop dans un autre sondage consacré aux mesures annoncées par Hollande après les attentats. De fait, le discours sécuritaire du chef de l'Etat recevait un accueil "tout à fait favorable" de la part de l'opinion. Qu'on en juge : déchéance de la nationalité pour les bi-nationaux coupables de terrorisme (80% d'avis favorables), rétablissement des contrôles aux frontières (71%), création de postes de policiers, gendarmes et douaniers (66%)...
Chacun a sa "culture d'origine" dans l'union nationale
Mais ces pourcentages "soviétiques" cachent des disparités fortes qui recoupent les préférences politiques. Ainsi, la déchéance de nationalité reçoit un accueil plébiscitaire chez les sympathisants du Front national (95%) et chez "Les Républicains" (93%) alors qu'il est plus mitigé chez ceux du Parti socialiste (74%) et encore moindre au Front de gauche (55%). Idem pour les rétablissement des contrôles aux frontières : FN (89%), LR (81%)... PS (60%) et FG (53%). Les disparités sont moins grandes sur les créations de postes dans la sécurité mais elles apparaissent quand même.
En clair, chacun retrouve "sa culture" d'origine à l'intérieur de l'union nationale contre le terrorisme. Et c'est à partir de cette culture que vont se matérialiser les intentions de vote aux régionales. Le fait, pour un électeur de la droite parlementaire ou de l'extrême droite, d'apporter son soutien aux annonces sécuritaires de Hollande ne veut évidemment pas dire qu'il va voter dans sa région pour la liste de la gauche de gouvernement. Bien contraire, cela va le renforcer dans ses convictions que les mesures en question sont prises "trop tard". Et donc l'ancrer encore plus dans son choix, voire le faire dériver plus sur sa droite si c'est un électeur des "Républicains".
C'est du reste ce que mettent en évidence les sondages portant sur les intentions de vote aux régionales. Si la gauche est malmenée - comme dans tous les scrutins nationaux, sans exception, depuis 2012 -, la droite, elle aussi, sent le vent de la radicalisation de l'électorat. Selon un sondage Ipsos (édition abonnés du journal "Le Monde") réalisé du 20 au 29 novembre, le Front national arriverait en tête, au premier tour, dans 6 des 12 régions métropolitaines (hors Corse) et il serait à égalité avec la droite dans une septième.
Un "sursaut citoyen" de la gauche est-il envisageable ?
L'enthousiasme modéré de l'électorat de gauche pour les mesures sécuritaires actuelles - elles sont largement portées par la droite et l'extrême droite - n'est pas un facteur incitatif pour la mobilisation dudit électorat. L'enquête Ipsos déjà citée en apporte une preuve supplémentaire. Le Cevipof - le centre de recherches politiques de Sciences Po est également commanditaire de cette étude - a mesuré la volonté de se mobiliser des différents électorats. Sans surprise, à l'examen des sondages régionaux, les sympathisants de gauche ont un "indice de participation" qui plafonne à 50%.
Ils sont loin derrière ceux du Front national (58%) ou les sympathisants de la droite et du centre (55%). Dans les deux régions ou l'extrême droite est nettement donnée en tête par les instituts sondages, au deux tours de la consultation, la mobilisation de la gauche est particulière faible, note le Cevipof, avec 54% dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie contre 61% au FN, et 49% en Provence-Alpes-Côte d’Azur contre... 69% au FN. La gauche doit faire face à un véritable électorat militant très sûr de son choix.
Sauf à voir un "sursaut citoyen" de l'électorat de la gauche socialiste dans les derniers jours précédant le premier tour du scrutin - est-il seulement envisageable ? -, sursaut qui provoquerait un surcroît inhabituel de mobilisation et de participation, la gauche doit se préparer à subir un nouvel échec. Celui-ci ne sera atténué - piètre consolation ! - que par le relatif échec symétrique de la droite qui allait au combat avec des grandes ambitions régionales mais qui, elle aussi, pourra se reprocher de n'avoir pas su contrer l'extrême droite. D'autant que la progression de cette dernière se fait assez largement à son détriment !