A six semaines des élections régionales des 6 et 13 décembre, le résultat est-il déjà acquis ? Les 12 nouvelles régions sont-elles déjà attribuées aux différentes forces ou coalitions politiques ? A écouter les commentaires, on pourrait le croire. Les deux-tiers d'entre elles seraient en poche ! Et la gauche serait balayée.
Selon un récent sondage BVA réalisé, région par région en métropole, la droite en décrocherait sûrement quatre (Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, Auvergne-Rhône-Alpes, Centre-Val de Loire et Pays de la Loire), la gauche, trois (Aquitaine-Limousin,-Poitou-Charentes et Bretagne) et le Front national, une (Nord-Pas de Calais).
Le destin des quatre dernières serait plus incertain. Ainsi, la Bourgogne-Franche-Comté, l'Ile-de-France et la Normandie seraient en balance entre la droite et la gauche tandis que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur serait en ballotage entre la droite et l'extrême droite.
En six semaines, le curseur peut-il se déplacer ?
Au pire, la gauche, qui détient toutes les régions métropolitaines depuis 2010, à l'exception d'une - l'Alsace est présidée par la droite -, n'en dirigerait plus qu'un quart et, au mieux, elle n'en garderait que la moitié. A droite, l'hypothèse la plus large aboutirait au gain de deux régions sur trois alors que la plus serrée n'en donnerait qu'une sur trois. Pour le FN, le résultat oscillerait entre une et deux.
En six semaines de campagne, le curseur peut-il se déplacer ? Chaque camp le pense. Des alliances peuvent-elles se nouer entre les deux tours - à gauche surtout - pour faire pencher la balance ou empêcher l'extrême droite de conquérir la région où elle part favorite ? Le PS et l'exécutif veulent le croire. Le premier ministre a même donné l'impression de réhabiliter le "front républicain".
Depuis la présidentielle et les législatives de 2012, toutes les élections ont été systématiquement perdues par la gauche prise dans son ensemble. Voire catastrophiques pour les socialistes. Les scrutins majoritaires à deux tours ont souri à la droite parlementaire et la seule consultation à la proportionnelle (les européennes de 2014, élection à un tour) a été très favorable au Front national qui a obtenu 24 des 74 sièges français à répartir.
Le FN n'a pas accès à une coalition nationale
Fort de ce résultat, le parti d'extrême droite se présente dès lors comme le "premier parti" de France, ce qui est exact en terme de voix, notamment au premier tour des élections départementales de 2015, après les européennes, mais ce qui est inexact en terme d'élus (hors europénnes) dans tous les scrutins. Mais le problème essentiel du FN est de ne pas avoir accès à une coalition nationale de droite depuis qu'il a été fondé en 1972.
Ce cas de figure va se reproduire aux régionales de décembre. Cela limite considérablement les ambitions de la dynastie Le Pen qui peine à conquérir des terres au-delà de ses fiefs traditionnels du nord avec la fille du fondateur et du sud-est du pays avec la petite-fille du même. Il n'en demeure pas moins que l'extrême droite poursuit son implantation au-delà de ses régions "fétiches", en recrutant des transfuges de la droite républicaine et en attirant des franges toujours plus importantes de l'électorat de la droite parlementaire.
De ce point de vue, et en l'absence de résultats économiques et sociaux visibles par l'opinion - même si la croissance semble frémir et le chômage se stabiliser -, cet enracinement est inquiétant pour la droite et la gauche de gouvernement. Si les élections régionales confirment le mouvement enregistré au cours des consultations précédentes, ce scrutin - le dernier avant la présidentielle de 2017 - servira de "point-pivot" pour la présidente du FN.
L'éclatement de la gauche et l'affaiblissement du PS
En revanche, un coup d'arrêt - peu perceptible jusqu'ici, surtout en raison de la crise des migrants et des réfugiés ! - ouvrirait de nouvelles perspectives politiques. Il est tellement donné pour acquis que la future présidente du Nord-Pas-de-Calais s'appelle Marine Le Pen qu'une mise en échec de cette "certitude" apparaîtrait comme un véritable retournement de situation. Même si, en l'espèce, c'est l'image qui l'emporterait sur la réalité politique.
Elle pourrait même aller jusqu'à remettre en cause l'évidence de la présence de la "patronne" de l'extrême droite au second tour de la présidentielle. Il faut bien reconnaître, toutefois, que ce n'est pas l'hypothèse la plus envisagée, aujourd'hui. L'éclatement de la gauche et l'affaiblissement du PS sont tels que la réédition d'un 21 avril 2002 est dans toutes les têtes. Peu nombreux sont ceux qui parient sur une affrontement droite-gauche classique au tour ultime de 2017.
Dernière élection nationale programmée avant la présidentielle, les régionales se présentent comme "le" scrutin de référence avant la "mère" des consultations. Chaque parti va s'appuyer sur son résultat, qui pour assurer que sa stratégie est la bonne, qui expliquer qu'il s'agit d'une étape supplémentaire sur la route du pouvoir, qui pour appeler au ressaisissement citoyen... Chacun verra midi à sa porte.