"Pantalonnade", "bouffonnerie", esbroufe" ! Avant même la proclamation de son résultat, le référendum initié par le premier secretaire du Parti socialiste a été cloué au pilori. Présentée comme une vaste fumisterie par ses détracteurs, la consultation lancée par Jean-Christophe Cambadélis auprès des électeurs de gauche, du 16 au 18 octobre, était donc promise à un échec retentissant.
Dès son lancement, des petits malins - notamment des journalistes - ont mis en évidence les failles du vote électronique, en votant jusqu'à 10 reprises sous des identités différentes. Une avalanche de sarcasmes s'est alors abattu sur les réseaux sociaux, principalement sur Twitter. La secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) a même annonçé qu'on avait voté pour elle, Emmanuelle Cosse soupçonnant un "bourrage des urnes".
Rappelons pour ceux qui ignorent encore l'existence de ce référendum - soit 70% des Français, si l'on en croit un sondage Odoxa ! -, qu'il a pour but, dans l'esprit de son promoteur, de booster "l'unité de la gauche" mise à mal à moins de deux mois des régionales. Des élections qui, une nouvelle fois, s'annoncent difficiles pour la gauche en général et pour le PS en particulier.
Les 274 écologistes du Nord-Pas-de-Calais-Picardie
Après les régionales de 2010, les socialistes détenaient 19 des 22 présidences de région en métropole, les radicaux de gauche, 1 (Conseil exécutif de Corse) et les divers gauche, 1, comme l'UMP (Alsace). Avec la réforme territoriale adoptée définitivement cette année, la France métropolitaine ne compte plus que 13 régions administratives. Les élections des 6 et 13 décembre vont sans doute rebattre les cartes, au détriment du PS.
Après avoir perdu toutes les élections intermédiaires depuis 2012, il est une nouvelle fois sous la double menace de la droite et de l'extrême droite dans plusieurs régions. Les plus emblématiques sont bien sûr celles où l'implantation du Front national est la plus forte : Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Provence-Alpes-Côte d'Azur où la famille Le Pen, la fille et la nièce, brigue la présidence.
Face à cette menace, la direction socialiste a tenté de convaincre ses partenaires écologistes, ceux-là même avec lesquels le PS dirige ces régions, de faire cause commune dès le premier tour. En vain. Pire, le 12 septembre, 274 des 375 votants d'EELV du Nord-Pas-de-Calais-Picardie se sont prononcés pour une alliance avec le Front de gauche dont la composante mélenchoniste (Parti de gauche) est l'ennemi juré de ceux qu'ils ont baptisés les "solfériniens", c'est-à-dire les socialistes.
L'UDE portée sur les fonts-baptismaux au moment opportun
Si le parti vert a toujours prôné l'autonomie au premier tour des élections dans le but de se compter et de peser au second dans une alliance avec le PS, il est clair que la démarche de Jean-Luc Mélenchon est tout à fait différente : elle vise avant tout à porter des coups aux socialistes afin de les faire chuter. Selon l'analyse de ces derniers, la tactique du PG est d'autant plus dangereuse que la division fait le jeu du FN. En retour, les amis de Mélenchon repondent que c'est plutôt la "politique droitière" du gouvernement qui fait monter l'extrême droite, en provoquant la déception de l'électorat de gauche.
Pour contrecarrer cette argumentation, Cambadélis lancé son référendum afin de jauger l'appétence de l'aile marchante de l'électorat de gauche pour une union avec les écologistes. L'Union des démocrates et écologistes (UDE) - regroupement du Front démocrate de Jean-Luc Bennahmias avec Ecologistes ! de François de Rugy -, opportunément portée sur les fonts-baptismaux au beau milieu du référendum, s'est associé à la consultation. Le but premier est de faire masse face au vote pro-Mélenchon des écolos nordistes.
Que pèseront les 274 voix écolos du 12 septembre, présentées comme celles de la désunion, face à la "marée" des suffrages du référendum national en faveur de l'union. Cambadélis espère dépasser les 200.000 participants à la consultation. Cet objectif ne paraît pas inatteignable. En tout cas, l'appareil du PS, les élus et les militants n'ont pas ménagé leurs forces et leur activité, tant dans les 2.500 points de vote que sur les réseaux sociaux. Et pour faire bonne mesure, la direction du parti a annoncé son intention d'engager une action en justice pour "usurpation d'identité" afin de dissuader les empêcheurs de voter en rond.
Les "annonces fortes" de Cambadélis déjà programmées
Plus le vote physique sera massif, plus les fraudes électroniques apparaîtront comme marginales et microcosmiques. Encore faudra-t-il que le PS sachent faire la distinction entre les deux types de vote. Fort d'un bon niveau de participation, il pourrait alors faire remarquer qu'il est paradoxal de prôner perpétuellement la consultation populaire, comme le fait la "gauche de la gauche", et de s'élever contre celle-ci quand elle est pratiquée, au simple motif que la question ne plaît pas.
D'ores et déjà, Cambadélis a indiqué qu'il fera des "annonces fortes" une fois le référendum clos. On peut imaginer, celles-ci étant annoncées alors que la consultation est en cours, qu'elle seront dans le prolongment de celui-ci. Tournées vers l'union avec les écologistes, elles concerneront sans doute la matérialisation de la présence de figures et de néo-militants de la toute fraîche UDE sur les listes du PS, dès le premier tour. Histoire de tenter d'enclencher une dynamique.
S'agira-t-il aussi de tendre la main à EELV pour ne pas insulter l'avenir ? C'est-à-dire pour ne pas compromettre les alliances éventuelles de second tour ? Il est vrai que l'aile gauche du parti vert, elle aussi, joue gros dans cette affaire, tant les sympathisants écologistes ne voient pas d'un très bon oeil le rapprochement avec le Front de gauche : l'été dernier, un sondage Ifop avançait que 8% d'entre eux y étaient favorable. C'est sur les 92% restant - qui ne sont, du reste, pas tous sur une même ligne - que le PS veut certainement "capitaliser".