C'est à chaque fois la même chose ! A chacune de ses interventions sur une chaîne de radio ou de télévision, la même question se repose : Nadine Morano est-elle adhérente du bon parti ? A chaque fois, l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy y va de sa petite phrase polémique qui fait le buzz pendant 48 ou 72 heures. Et à chaque fois, ses cibles favorites sont l'islam et les musulmans.
Invitée, le 26 septembre, de l'émission de France 2, "On n'est pas couché", animée par Laurent Ruquier, la députée européenne (Les Républicains) a déclaré que la France est "un pays judéo-chrétien (...) de race blanche". Et pour donner plus de poids à son assertion, elle s'est abritée derrière le général de Gaulle.
On ne trouve cette référence à la "race blanche" accolée à la France dans aucun discours ou aucun écrit du fondateur de la Ve République - la citation qu'a utilisée Morano, comme le fait l'extrême droite depuis des dizaines d'années, est extraite d'un propos rapporté dans un livre d'Alain Peyrefitte, lui-même ancien ministre du général. Cet ouvrage - "C'était de Gaulle" - a été publié plus de 20 ans après la mort du père de la France libre.
Entraîner "Les Républicains" aux confins de la droite
Le propos rapporté aurait été prononcé en 1959, c'est-à-dire en pleine guerre d'Algérie, dans une conversation privée. C'est dire si les sources historiques sont assez fragiles. Mais même en admettant que cette expression ait été utilisée, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que le mot "race" n'avait alors pas le même sens que celui que lui donnent les racialistes, comme l'explique Laurent de Boissieu, journaliste à La Croix.
C'est précisément ce que feint d'ignorer Morano à travers ses provocations répétées. Par touches successives - ce qui accrédite l'idée d'une démarche volontaire -, elle radicalise son discours, elle assure exprimer haut et fort ce que pense l'électorat de droite et elle veut mettre, par la même, une partie des dirigeants de sa formation politique en porte-à-faux. L'ancienne ministre sarkozyste veut entraîner "Les Républicains" aux confins de la droite. Vers la droite extrême.
Les réactions de ses propres amis - celles qu'elle attendait probablement, en faisant mine d'être surprise ou offusquée - ne se sont pas faites attendre. Exceptée celle de Sarkozy. Sur Twitter, Alain Juppé a envoyé "un signe d'amitié à nos compatriotes d'outre-mer qui ne sont pas tous de "race blanche" mais qui sont tous Français à part entière". Son message a été partagé plus d'un millier de fois. Morano a dû se sentir visée car elle lui a répondu sur le réseau social : "Qui a dit le contraire ? J'ai autant de considération que toi pour nos compatriotes d'outre-mer".
Délivrer un sauf-conduit à une frange de l'électorat
De son côté, Nathalie Kosciuko-Morizet, vice-présidente déléguée du parti LR, a réagi sur Europe 1, en estimant que "le fond du propos est absurde" et "la tonalité de cette déclaration exécrable". Pour sa part, Bruno Lemaire, lui aussi ancien ministre de Sarkozy, a lancé sur BFMTV : "La France ce n'est pas une race, la France ce n'est une religion, la France ce n'est pas une couleur de peau". En réponse, Morano estime que tout cela est "une tempête dans un petit verre de liqueur".
Cependant, ses amis politiques s'interrogent sur le bien fondé de son maintien comme tête de liste en Meurthe-et-Moselle aux élections régionales de décembre. Car au-delà du rejet implicite des valeurs républicaines portées par son parti comme par l'ensemble des formations disposant d'un groupe parlementaire, l'assertion xénophobe de Morano est un bien mauvais service qu'elle rend à LR. Car il est contre-productif.
Elle brosse dans le sens du poil un électorat chauffé à blanc sur la "question identitaire" ouverte, avec une absence totale de maîtrise, sous le quinquennat précédent. Elle ouvre toutes grandes les vannes de l'irrationnel sans se rendre compte qu'elle délivre un sauf-conduit à une frange de l'électorat de droite pour l'autoriser à aller voter extrême droite. Elle croit retenir cet électorat là alors qu'elle lui donne sa bénédiction pour partir ailleurs. Dès lors une question simple se pose : Nadine Morano a-t-elle toujours sa place chez "Les Républicains" ?