Des "Républicains" au Front de gauche, dissensions partout, unité nulle part !

Nicolas Sarkozy et Alain Juppé sur la scène du Paris Event Center, le 30 mai 2015. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

Chassez le naturel, il revient au galop ! Il n'aura pas fallu attendre 48 heures pour voir ressurgir chez "Les Républicains" (LR) les dissensions qui tenaient table ouverte à l'UMP depuis 2012. Le changement d'appellation voulu par Nicolas Sarkozy n'a pas fait disparaître, par magie, les querelles d'egos, les divergences de lignes et les phrases assassines. Du reste, dès le congrès de refondation, le ton a été donné : François Fillon et Alain Juppé ont été sifflés par une partie (minoritaire) des 10.000 militants présents... loin des 20.000 qui avait été annoncés.

Sur la forme, Sarkozy n'a donc pas réussi un sans-faute à l'occasion de ce qui devait être un rassemblement de réconciliation et de renouveau. Pour la réconciliation, il faudra repasser, et pour le renouveau, il faudra certainement faire une seconde tentative. En revanche, sur le fond, l'ancien chef de l'Etat a fait une OPA sur le mot "République", dont il a émaillé son discours jusqu'à satiété, empêchant ainsi son utilisation par ses concurrents, à droite, et par ses adversaires, à gauche. Cette allocution signerait-elle le retour d'Henri Guaino ?

A deux ans de l'élection présidentielle, l'unité de façade de LR cache de profonde divergences idéologiques. Sarkozy a bien senti que la société avait glissé à droite et que l'ex-UMP avait une certaine attirance pour la "droite de la droite". Tous les thèmes qu'il a développé dans son discours "fondateur" gravitant autour de la République en attestent. Sans jamais parler du Front national - une seule allusion à la querelle familiale -, il a investi le terrain sémantique sur lequel s'épanouissent l'extrême droite et les thuriféraires de "la manif pour tous". En clair, avec Sarkozy, c'est à droite toute !

Le parti acquis à l'un, l'opinion, à l'autre

Si ce ciblage politique recoupe celui choisi aussi par Bruno Le Maire - ce qui signifie qu'ils vont chasser les mêmes supporteurs avant - peut-être ? - de se retrouver à la fin du film -, il est, en revanche, en complète opposition avec celui de Juppé. Au-delà de la personnalité de chacune de ces personnalités-pivots de la droite, tout oppose les deux hommes sur le plan politique. D'abord sur la façon de la faire, sur la manière de l'exprimer, sur le champ des valeurs et sur la conception des alliances. Ce sont donc bien deux projets différents qu'ils offrent au peuple de droite.

Dans la perspective de la primaire, Sarkozy s'appuie sur le noyau militant et marchant de LR autour d'une rhétorique très ancrée à droite qui, par ses oeillades à l'extrême droite, veut montrer à l'électorat du Front national qu'il est sensible à ses préoccupations, voire à ses fantasmes. A l'opposé, au-delà du parti, Juppé mise sur une partie de l'opinion - comme il le reconnaît lui-même - dont il est persuadé qu'elle attend un discours apaisé, rassembleur et non-clivant. Si sa cible se situe à droite, elle s'étend aussi largement au centre, voire même à une frange de la gauche.

Le décor est planté. Reste que la vie politique est mouvante et changeante. La situation de demain n'aura peut-être - sûrement ! - rien à voir avec celle d'aujourd'hui. Si près des trois quarts des Français ne veulent pas, à la mi-2015, d'un remake du second tour de la présidentielle de 2012, qu'en sera-t-il, à la fin 2016 ? Quelle sera la situation économique et sociale ? Où en seront les opposants au président de la République ? Et les dossiers judiciaires de son prédécesseur ?  Il y a fort à parier que l'opinion aura une autre vision et une autre perception de Sarkozy et de Hollande.

Les "frondeurs" socialistes l'arme au pied

Si l'unité n'est que de façade à droite, la situation n'est pas très différente à gauche. La différence entre l'une et l'autre, c'est qu'il est toujours difficile de cacher les fissures dans l'opposition alors qu'il est plus simple à ceux qui gouvernent d'imposer l'union au parti au pouvoir. Dans un cas, il y a l'immanquable course des ambitions, et, dans l'autre, la nécessité impérieuse de préserver un acquis. Le vote des motions d'orientation avant le congrès du PS, à Poitiers (5 au 7 juin) et la confirmation de Jean-Christophe Cambadélis à la tête du PS, ont, de ce point de vue, conforter l'exécutif.

Avec moins de 30% des voix sur leur motion, les "frondeurs" socialistes n'ont pas réussi à prendre leur envol. Pis encore, ils sont loin d'avoir mis en minorité le premier secrétaire sortant qui avait le soutien de la quasi-totalité du gouvernement. Et c'était bien là leur principal objectif. Un tel vote aurait été un formidable point d'appui pour remettre en cause la politique économique du couple Hollande-Valls et changer ainsi le profil politique de la fin du quinquennat. Il n'en a rien été. C'est exactement le contraire qui s'est produit. Du coup, les "frondeurs" doivent changer de stratégie.

D'ici à la fin du quinquennat - hormis le congrès qui sera pour eux une tribune médiatique pour montrer qu'ils restent l'arme au pied -, ils vont être contraints de se mettre en veilleuse. D'autant que, calendrier aidant, plus la date de la confrontation présidentielle de 2017 va approcher, plus les rangs vont mécaniquement se resserrer autour des dirigeants du parti et autour de l'exécutif. L'unité de façade fonctionnera à plein régime. Elle ira peut-être - sans doute, si la situation sociale s'améliore - jusqu'à rendre illusoire une primaire socialiste. Qui irait raisonnablement se confronter à un chef de l'Etat remontant la pente ?

La désunion familiale du Front national

L'unité de façade, elle est aussi chez les écologistes. Ils tentent tant bien que mal, au nom de la défense interne de l'identité, de rester unis. Après une vive tension, Emmanuelle Cosse est parvenue à tenir les deux bouts de la chaine. Mais qui peut croire que des approches tactiques ou stratégiques différentes n'opposent pas les pros et les antis-Hollande ? Personne. "L'unité" va perdurer jusqu'au moment où la question du choix du ou de la candidat-e présidentiel-le va se poser. Le départage se fera alors entre les pros et les antis-Duflot.

Il en va de même au Front de gauche. Mélenchon, qui se raccroche aux succès électoraux de Syriza et de Podemos, ne parvient pas à ancrer la "gauche de la gauche" dans le paysage français. La Grèce et l'Espagne, qui ont vécu sous la férule de dictatures d'extrême-droite dans la seconde moitié du 20e siècle, regardent avec moins de prévention la gauche radicale que l'autre bout de l'échiquier politique. Ici, ça ne fonctionne pas ! L'ancien candidat à la présidentielle de 2012 a bien essayé de sortir du tête-à-tête houleux du Parti de gauche avec le PCF, mais sa tentative d'alliance avec EELV (les écolos) a tourné court.

Reste le Front national. Incontestablement, le parti d'extrême droite s'est enraciné dans l'opinion. Cela lui a permis d'obtenir d'indéniables succès qui s'expliquent aussi par la faible mobilisation de l'électorat depuis 2012, et principalement de l'électorat de gauche. Cette "bonne fortune" électorale donne des arguments à Marine Le Pen pour souder le parti autour d'elle. La fissure historique provoquée par son père, mis au ban du parti pour attitude incontrôlable et provocations multiples, est-elle un facteur potentiel de division ? Difficile d'être affirmatif tant l'unité familiale de façade joue un rôle prépondérant dans le vie et l'histoire de ce mouvement.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu