Un congrès du PS pour lancer la campagne présidentielle de Hollande

Le président de la République aux Invalides, à Paris, le 24 avril 2013. (VILLARD / SIPA)

Le PS aime les contrastes. D'un côté, le parti du président de la République a perdu beaucoup d'adhérents désenchantés depuis trois ans - plusieurs dizaines de milliers - et quasiment toutes les élections, locales et nationales, auxquelles il a participé; de l'autre, il se met peu à peu en ordre de bataille pour aborder la confrontation majeure de 2017, la présidentielle.

L'événement le plus symptomatique de cette mise en place politique, après trois années de déconvenues économiques et électorales matinées d'une contestation interne des frondeurs, est sans doute le vote sur les motions, préalable au prochain congrès de Poitiers (5 au 7 juin). La majorité et la minorité avaient en ligne de mire l'évaluation de leurs forces respectives : c'est fait !

Le résultat des courses est une photographie à l'instant T. Il met en évidence le poids de la majorité au sein du parti : 60%. La motion de Jean-Christophe Cambadélis, soutenue par les membres du gouvernement, s'inscrivait clairement dans le cadre d'une défense de l'action du duo Hollande-Valls. Le premier secrétaire avait obtenu le ralliement de Martine Aubry, ce qui portait un coup fatal aux frondeurs.

Les frondeurs ont doublement râté leur cible

Ces derniers, même s'ils s'en défendaient avant le vote, avaient pour principal objectif de mettre Cambadélis, donc l'exécutif, en minorité à l'intérieur du parti. En obtenant moins de 30% des suffrages exprimés, ils ont doublement manqué leur cible. D'une part, ils ne franchissent pas ce pourcentage symbolique et, d'autre part, ils n'empêchent pas les "majoritaires" de le rester... et très largement.

Sur le plan des chiffres, le congrès de Poitiers à venir présente quelques similitudes avec celui de Dijon, en mai 2003. Celui-là se déroulait un an après l'élimination retentissante de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle, le 21 avril 2002. Le PS était encore sonné par le coup de tonnerre de la présence de Le Pen père au second tour. La motion Hollande - il est premier secrétaire depuis 1997 - obtient 61,4% des voix.

L'opposition au sein du parti est alors regroupée autour du NPS (Nouveau Parti socialiste) qu'animent Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, et de la motion Nouveau monde dirigée par Henri Emmanuelli et... Jean-Luc Mélenchon. Les premiers décrochent 16,9% des suffrages et les seconds, 16,3%, ce qui fait globalement une "fronde" à 33,2%.

"L'entre-soi" n'est pas une spécificité du PS

Si le nombre d'adhérents est sensiblement le même à Dijon et à Poitiers - 129.000 en 2003 contre 131.000 en 2015 -, en revanche, la participation au vote était beaucoup plus importante à l'époque qu'elle ne l'est aujourd'hui : 76,95% contre 54,52%. Mais ce "1 sur 2" n'est pas propre au vote sur les motions du congrès de Poitiers. A Reims (2008), congrès resté célèbre pour sa bataille surréaliste Aubry-Royal - le PS comptait alors plus de 230.000 membres -, la participation avait atteint 56,61% et quatre ans plus tard, à Toulouse (173.000 adhérents), elle n'avait été que de 50,67%... Cinq mois après l'élection de Hollande !

 A titre de comparaison, Nicolas Sarkozy a été élu président de l'UMP, en novembre 2014, avec 64,5% des voix contre 29,2% à Bruno Le Maire et 6,3% à Hervé Mariton, ses deux opposants pour le poste. La participation, présentée alors comme un "record", a atteint 58,1% - 155.851 votants sur 268.000 inscrits. En 2004, la participation à cette élection interne avait été de 53,3% et en 2012, à l'occasion du feuilleton mortel Copé-Fillon, elle était montée à 54,4%.

Il ressort de tous ces chiffres - pardon pour l'avalanche mais il est préférable de parler à partir de données concrètes - que "l'entre-soi" n'est pas une spécificité du PS au cours de la dernière décennie. De même, par un mouvement naturel, les partis gagnent des adhérents quand ils sont dans l'opposition et en phase de conquête espérée du pouvoir alors qu'ils en perdent, sauf exception rarissime, quand précisemment ils sont aux manettes et courrent le risque de décevoir leurs militants ainsi que leurs électeurs.

Une prochaine traduction gouvernementale ?

Les socialistes et "les Républicains" - si l'UMP peut garder cette nouvelle appelation - se trouvent justement dans cette situation. Si la droite est dans un cycle de regroupement autour d'un "chef" - Sarkozy et Juppé sont, aujourd'hui, les principaux protagonistes de la future primaire -, il en va de même, mécaniquement, pour la gauche non-communiste et associés. Et tout donne à penser, aujourd'hui encore, que ce leader s'appelle Hollande. Le vote des motions et le comportement présent du président de la République accréditent cette hypothèse.

Sur la plan politique, la similitude entre les congrès socialistes de Dijon et de Poitiers tient à la pression qu'exerce l'extrême droite. En 2003, le PS, traumatisé, est encore sous le choc Le Pen du 21-avril. En 2015, à deux ans de l'échéance présidentielle, il se retrouve sous la menace d'une autre Le Pen. Même si les sondages présidentiels qui commencent à fleurir n'ont pas beaucoup de sens à cette distance du scrutin - rappelons-nous qu'avant 1995, Balladur était pratiquement élu au premier tour et Chirac était dans les choux -, ils révèlent et entretiennent un fond sonore politique.

Et ce fond sonore au PS, c'est celui du rassemblement dans la perspective de 2017. Les frondeurs eux-mêmes souhaitent "tourner la page" de la fronde, selon les mots de Christian Paul, leur chef de file qui sera candidat contre Cambadélis au poste de premier secrétaire. Tout le monde se veut constructif : le ralliement précoce d'Aubry entrait probablement dans cette stratégie. La logique voudrait que maintenant le regroupement progressif autour du chef de l'Etat trouve une traduction gouvernementale après Poitiers... pour une nouvelle phase du quinquennat. Mais le pari est-il encore possible ?

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu