Pour l'Elysée et Matignon, les bonnes nouvelles ne sont pas légion. Sur le front économique... et sur les autres ! Autant dire que François Hollande et Manuel Valls ont dû savourer - même discrètement - les chiffres de la croissance française au premier trimestre publiés, le 13 mai, par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Avec un taux de + 0,6%, le résultat est, en effet, plutôt inattendu. Les prévisions tablaient sur + 0,4%.
"Ce premier chiffre est très encourageant", s'est empressé de noter le ministre de l'économie, Michel Sapin. Au regard des performances de nos partenaires européens, l'appréciation se justifie. Dans la zone euro, la croissance a été de 0,4%, comme au Pays-Bas et au Portugal. Mais seulement de 0,3% en Allemagne. En Grèce, elle a été négative à - 0,2%. Ce rebond français est essentiellement tiré par la consommation des ménages alors que les investissements sont toujours à la traîne. D'ou des ambiguïtés sur la reprise économique en cours.
En revanche, certains facteurs de l'accélération de la croissance paraissent s'installer dans le paysage. Au premier rang d'entre eux, on peut citer le redressement de la confiance des ménages. Baisse du prix du pétrole aidant, leur pouvoir d'achat s'est mécaniquement amélioré, offrant une touche d'optimisme aux consommateurs. Le maintien d'un prix bas de "l'or noir" - prévu par les spécialistes jusqu'à la fin de l'année, au moins - devrait conforter cette confiance. Sera-t-elle communicative et si oui, le sera-t-elle suffisamment ?
Une crise se produit tous les sept ans depuis 1973
Comme toujours en économie, la psychologie va jouer un rôle primordial dans le rétablissement de la confiance chez les entrepreneurs et les décideurs. Si la confiance se transmet des ménages aux chefs d'entreprise, alors la croissance peut avoir une chance de s'enraciner, via les investissements, et d'enclencher un mécanisme économique vertueux. Tout cela, évidemment, reste très fragile et soumis à des facteurs tant extérieurs qu'intérieurs qui peuvent compromettre ou favoriser le décollage de la reprise.
Parmi les facteurs externes, en dehors des cours du dollar et du pétrole, il y a le risque d'un nouveau "krach" qui aurait pour conséquence de ruiner l'économie mondiale. Cet effondrement, c'est la thèse de Marc Touati. L'économiste le prévoit pour la fin de l'année, en rappelant qu'une crise paroxystique - il s'agit là de la fin d'un cycle - se produit tous les sept ans depuis 1973 après le premier choc pétrolier : 1980 (second choc pétrolier), 1987 (krach), 1994 (nouveau krach), 2001 (attentats du 11 septembre), 2008 (faillite de Lehman Brothers) et donc... 2015.
Le pire n'est pas toujours sûr mais pour Touati, tous les éléments sont réunis pour qu'un tel événement se produise. Interviennent alors les facteurs internes, ceux qui dépendent entièrement du gouvernement et ne lui sont pas imposés de l'extérieur. Depuis le début du quinquennat, l'exécutif a eu du mal, pour ne pas dire qu'il n'a pas réussi du tout, à établir ou rétablir la confiance. Soit il a pris des mesures à contretemps, soit il a déversé un tel tombereau de mesures fiscales qui ont fini par décourager, voire antagoniser, l'opinion.
Le rétablissement le plus spectaculaire de la Ve République ?
Le résultat, après trois ans de pouvoir, est que Hollande est l'objet d'un "bashing" permanent qui porte sur tout et n'importe quoi. Au point que les "bonnes nouvelles" économiques, comme la vente de l'avion Rafale à plusieurs pays - ce que Sarkozy n'avait pas réussi à faire malgré des annonces à répétition - ou le rebond de la croissance - espéré en vain à plusieurs reprises par Hollande -, ne font pas recette très longtemps auprès des médias, plus attirés par des faits secondaires, et de la majorité, qui les exploitent mollement. Les uns et les autres semblent harassés.
Il n'est donc pas dit, à cette aune, qu'une reprise de la croissance soit suffisante pour sauver le quinquennat du président de la République. Surtout si, comme il est à craindre, cette reprise est cotonneuse et peu créatrice d'emplois. Le risque majeur est, en effet, d'avoir une croissance sans emplois. Or, l'emploi, et donc son corollaire le chômage, sont les deux seuls critères qui pourraient avoir une influence positive sur le moral politique de l'opinion et la confiance des électeurs envers leurs dirigeants. De ce point de vue, Hollande et Valls peuvent se dire que le pari n'est pas gagné. Loin de là !
Si, toutefois, il parvenait à catalyser les maigres éléments favorables qui lui restent en main, en se gardant définitivement de faire des annonces qui heurtent l'opinion, Hollande aurait alors une petite chance - comme la croissance - de rebondir. Et de se remettre dans le jeu. Dans cette hypothèse, ce serait probablement le rétablissement le plus spectaculaire de l'histoire de la Ve République. Mais à franchement parler, à ce jour, ce n'est pas l'hypothèse la plus probable. Même si, on l'a déjà dit, le pire n'est jamais sûr !