Pour 9 Français sur 10, la politique économique du gouvernement est mauvaise. Mais pour 6 Français sur 10, celui qui la met en oeuvre, Emmanuel Macron, est un bon ministre. Voilà le dernier paradoxe en date mis en lumière par un sondage Odoxa pour le quotidien économiques Les Echos et Radio Classique.
A la question de savoir si "la politique économique menée actuellement par le gouvernement est très bonne, plutôt bonne, plutôt mauvaise ou très mauvaise", 46% des personnes interrogées estiment qu'elle est "très mauvaise" et 40%, "plutôt mauvaise". Soit un score vertigineux de 86% des mécontents ! Si ce taux n'atteint "que" 71% à gauche, il culmine à 95% à droite.
Les gens satisfaits des choix économiques de l'exécutif ne réprésentent que 14% de l'échantillon : 13% trouvent que cette politique est "plutôt bonne" et 1% qu'elle est... "très bonne". Pour l'anecdote, cette dernière catégorie collector s'élève à 2% parmi les sympathisants de gauche et à 1% - quand même - à droite.
Afin de mieux saisir l'étendue des dégâts, il faut rappeler qu'à la mi-mandat des quinquennats de Nicolas Sarkozy (décembre 2009) et de Jacques Chirac (décembre 2004), c'est-à-dire au même moment que la mesure du présent sondage Odoxa, la politique économique conduite alors était jugée "mauvaise" par 60% des Français.
Le ministre de l'économie voit sa cote augmenter
En regard de cette appréciation extrêmement négative, les Français portent un jugement plutôt positif sur celui qui est chargé de mettre en oeuvre cette politique : le ministre de l'économie. "Dirirez-vous d’Emmanuel Macron qu’il est un très bon, plutôt bon, plutôt mauvais ou très mauvais ministre de l’économie ?" a-t-il été demandé aux personnes interrogées.
Et là, inversion de la vapeur. Ils sont 38% à ne pas être en phase avec lui : 31% le trouvent "plutôt mauvais" et 7%, "très mauvais". En face, ils sont 62% à avoir une opinion opposée : 58% estiment qu'il est "plutôt bon" et 4% le voient même "très bon". Ce n'est pas un plébiscite mais cette cote est remarquable à trois titres au moins.
D'une part, on l'a vu, cette approbation massive de l'homme Macron tranche singulièrement avec le rejet d'une ampleur encore plus imposante qui frappe la politique économique conduite aujourd'hui. En second lieu, elle se singularise par son décalage avec l'appréciation portée sur le couple de l'exécutif Hollande-Valls. Enfin, elle étonne car cette approbation est en progression de 6 points par rapport à octobre.
Et quoi qu'en pense, la gauche de la gauche et l'aile gauche du PS qui tirent sur lui à boulets rouges, Macron est bien vu par 70% des sympathisants de gauche - "plutôt bon" ministre pour 63% d'entre eux et "très bon" pour 7%. Chez les sympathisants de droite aussi, les opinions positives sont majoritaires à 56%, dont 54% qui le considèrent "plutôt bon".
Le ministre de l'économie marche tellement sur l'eau au milieu du naufrage de la gauche gouvernante, selon cette enquête, que les Français adopteraient à 58% le projet de loi qui porte son nom (extension du travail du dimanche, réforme du droit du travail, ouverture à la concurrence de certaines professions réglementées).
A travers l'économie, les Français jugent Hollande
Dès lors, y a-t-il une distorsion incompréhensible entre l'appréciation très négative de la politique économique et l'appréciation plutôt très positive de celui qui la symbolise ? Tous les détracteurs des études d'opinion ont sauté sur l'occasion, notamment sur les réseaux sociaux, pour clamer que la preuve était faite : les instituts de sondage racontent "n'importe quoi". Il est probable, en réalité, que cette divergence entre les deux mesures n'est qu'un paradoxe apparent. Car les questions ne découlent pas l'une de l'autre et leurs champs d'appréciation ne sont pas les mêmes.
Le jugement que portent les Français sur la politique économique est corrélée à l'impopularité persistante de l'exécutif et plus particulièrement à celle de Hollande. Et cette impopularité est elle-même liée directement à l'absence de résultats économiques et sociaux tangibles jusqu'ici alors que le président de la République s'était fermement engagé sur l'inversion de la courbe du chômage et qu'il a annoncé, à plusieurs reprises, le retour d'une croissance qui n'est toujours pas au rendez-vous.
Comme l'explique Gaël Sliman, le président d'Odoxa, "les Français ne reprochent ni à Hollande ni à Valls de ne pas être assez à gauche ou de mener une politique trop favorable aux entreprises, mais bien de ne pas parvenir à redresser la situation économique". Interrogés sur leur perception de la politique économique, ils répondent en termes de popularité et d'impopularité du chef de l'Etat et de son premier ministre dont la cote, d'autres sondages le montrent, est elle aussi en recul.
En revanche, les Français ne lient pas - ou pas encore ? - leur perception de l'homme Macron à l'absence de résultats économiques : il est vrai qu'il est au gouvernement depuis à peine plus de 3 mois. Mais au-delà de cette modeste ancienneté dans la fonction, l'opinion salue, d'une certaine manière, le parler clair et net, voire le courage et la franchise, du jeune ministre de l'économie un peu isolé dans ce rôle. Le plus dur pour lui sera donc de rester à ce haut niveau de popularité les mois passant. En attendant de pouvoir s'adosser à des résultats. S'ils finissent par venir !