La loi Taubira sur le mariage homosexuel va-t-elle traverser tout le quinquennat ? Après avoir fait descendre dans la rue des centaines de milliers d'opposants à François Hollande et à la gauche, le mariage homosexuel se transformera-t-il en "marqueur" à l'intérieur de la droite et de l'UMP plus particulièrement ?
C'est en tout cas le souhait de la partie la plus radicale du premier parti de l'opposition parlementaire. Le meeting organisé par Sens commun, le 15 novembre, au cours duquel Nicolas Sarkozy s'est prononcé pour une abrogation de la loi Taubira sous la pression d'un auditoire chauffé à blanc, en est une éclatante illustration. "Agir et peser" au sein de l'UMP constituent l'objectif n°1 de cette association.
A cette aune, l'élection du 29 novembre destinée à désigner le président du parti revêt une certaine importance pour Sens commun qui s'est pourtant gardé de donner une consigne de vote. Naturellement plus proche d'Hervé Mariton, soutien historique de l'abrogation, l'association n'a pas souhaité faire varier son apparente "neutralité" après le revirement de l'ancien chef de l'Etat.
Sarkozy n'assènera pas le coup de massue de 2004
Bien que sa garde rapprochée s'attache à faire croire le contraire, Sarkozy est évidemment à la recherche du score le plus élevé possible dans ce scrutin interne. Une chose paraît acquise : il n'assènera pas une seconde fois le coup de massue qu'il avait donné le 28 novembre 2004 quand il était devenu président de l'UMP avec 85,09% des voix.
Il avait alors écrabouillé Nicolas Dupont-Aignan (9,10%) et Christine Boutin (5,82%). La consultation prochaine permettra de savoir si Bruno Le Maire pèse plus lourd que Dupont-Aignan et si Mariton a plus d'audience que Boutin. Dans l'hypothèse (improbable) où 2014 rééditerait 2004, Sarkozy prouverait qu'il maintient intacte son autorité sur l'UMP.
Avec un tel score soviétique, il aurait beau jeu de minimiser encore la portée de la primaire présidentielle à droite dont tout le monde a compris qu'elle n'est pas sa tasse de thé. Ses futurs adversaires déclarés - Juppé, Fillon et Bertrand - auraient alors un peu de souci à se faire car cette étape aurait du plomb dans l'aile. Et les centristes ne pourraient que s'en féliciter.
Le Maire rassemblera les supporteurs de Juppé et de Fillon
Dans cette confrontation à trois, Le Maire se dit sûr de gagner. Depuis le mois de juin, il arpente la France dans tous les sens et il laboure les fédérations de l'UMP. L'ancien ministre de l'agriculture peut se dire que ses efforts ont payé : un petit tiers (31%) des sympathisants UMP souhaitent le voir présider l'UMP, selon un sondage Odoxa.
Mieux encore pour lui, il gagne 5 points entre octobre et novembre alors que dans le même temps, Sarkozy en perd 10 auprès des mêmes sympathisants, passant de 73% à 63%. Le score de Le Maire permettra de quantifier la proportion de militants qui adhèrent à sa volonté de renouveau de la droite. Il faut bien sûr déceler derrière le mot "renouveau", l'expression "changement des hommes".
Porteur des voix des opposants à l'abrogation de la loi Taubira, Le Maire sera aussi celui de ceux qui s'opposent au changement de nom de l'UMP et de ceux qui veulent barrer la route à... Sarkozy. A ce titre, il pourra certanement compter sur une partie des supporteurs de Juppé et de Fillon, unis dans le rejet de l'ex-président.
Mariton portera les voix de l'abrogation de la loi Taubira
"Si je fais 10% des voix ou plus, je m'estimerai satisfait". Tel est le credo de Mariton, le troisième de cette compétition interne. Ephémère ministre du dernier gouvernement Villepin (27 mars au 15 mai 2007), il n'est crédité que de 5% dans le sondage Odoxa déjà cité. Mais il était à 1% en octobre, ce qui constitue une vraie percée.
Mariton est le porte-étendard des opposants les plus farouches au mariage homosexuel. Il était au milieu des siens, comme s'il était chez lui, lors de la réunion publique comparative de Sens commun, le 15 novembre. Son score donnera la mesure réelle du soutien à "l'abrogation sincère" de la loi Taubira dans les rangs de l'UMP, tant la ralliement de Sarkozy apparaissait comme une posture.
Son revirement soudain va-t-il siphonner une partie du réservoir de voix de Mariton ? Rien n'est moins sûr tant les partisans de ce dernier donnent l'impression d'accorder un faible crédit à ce ralliement qui baigne dans le flou. Mais si, au contraire, c'était le cas, cela tendrait à prouver que la loi Taubira n'est pas, ou n'est plus, un "marqueur" à droite.