"Même film", "même scénario", "même mise en scène qu'en 2007 et 2012". Franck Riester, député (UMP) de Seine-et-Marne n'y va pas par quatre chemins pour résumer son sentiment sur le retour de Nicolas Sarkozy. Selon lui, il n'y rien de bien nouveau sous le soleil : l'ancien président de la République utilise la même recette... mais, cette fois, la mayonnaise ne prend pas.
De fait, deux sondages montrent que l'irrésistible ascension de sa cote de popularité n'est pas au rendez-vous. Sa déclaration de candidature pour la présidence de l'UMP devait provoquer, ses amis s'en cachaient à peine, un raz-de-marée d'enthousiasme, un tsunami de soutiens. Au point que ses concurrents de l'étape suivante - la primaire présidentielle - envisageaient de faire profil bas pour laisser passer ces phénomènes climatiques.
Mais rien de tout cela ne s'est produit. En tout cas pas encore, si on préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. Ces deux sondages - Ipsos pour Le Point et LH2 pour le Nouvel Observateur - révèlent un affaissement de la cote de popularité de Sarkozy auprès des Français et chez les seuls sympathisants UMP dans l'enquête Ipsos et une spectaculaire percée d'Alain Juppé sur les mêmes segments pour LH2.
Il ne parvient pas à enclencher la mécanique
Interrogés par Ipsos sur le jugement qu'ils portent par rapport à l'action de l'ex-chef de l'Etat, les sondés lui accordent 31% d'avis favorables (il occupe la 15e place du palmarès des personnalités), ce qui traduit un recul de 9 points sur la mesure de septembre. La chute est encore plus forte parmi les sympathisants UMP (- 11 points à 71%), ce qui permet a Juppé (+ 4 points et 76%) de lui subtiliser la première place.
De son coté, LH2 s'est penché sur le intentions de vote pour la primaire UMP. Parmi les personnes ayant l'intention de se prononcer, Juppé fait un bond de 15 points (47% contre 32% en juillet) alors que Sarkozy accuse un retrait de 3 points (35% contre 38%). Certes, l'ancien président reste en tête parmi les sympathisants UMP manifestant le désir de participer à ce scrutin - 51% avec un retrait de 3 points -, mais l'ex-premier ministre de Chirac gagne 8 points à 37%.
Dans les deux cas, ce sont moins les chiffres bruts qui retiennent l'attention (en raison des marges d'erreur issues de la taille des échantillons) que les dynamiques révélés par ces enquêtes d'opinion. Au mieux, Sarkozy marque le pas, au pire, il ne parvient pas à enclencher la mécanique : la technique du bulldozer n'est pas au rendez-vous. A contrario, Juppé bénéficie, dans cette séquence qui ne devait pas, a priori, être la sienne, d'une réelle poussée.
S'agit-il seulement d'un passage à vide ? Sarkozy paie-t-il le fait que son nom soit associé à l'affaire Bygmalion dont les protagonistes les plus bavards soutiennent qu'elle concerne le financement de sa campagne présidentielle de 2012 ? Souffre-t-il plus largement d'une médiatisation négative liée à l'accumulation d'affaires où son nom est cité, à tort ou à raison ? Fait-il les frais d'une campagne illisible dans laquelle se mêlent la course pour la présidence de l'UMP et la future primaire présidentielle ?
Il n'est jamais redevenu "un Français parmi les Français"
Officiellement candidat pour prendre la tête de l'UMP, le 29 novembre prochain, il ignore superbement ses deux challengers, Bruno Le Maire et Hervé Mariton. Mais officieusement en lice dans la primaire présidentielle de la droite - et du centre ? - de 2016, il a tenté de réduire ses principaux concurrents, Juppé et Fillon, à des rôles de vassaux, en répétant à l'envi qu'il aurait besoin d'eux... le moment venu. On peut comprendre que cette attitude un tantinet méprisante ne plaise pas particulièrement aux quatre intéressés.
Est-ce cela que Bernard Debré, député (UMP) de Paris et frère jumeau du président du Conseil constitutionnel, a voulu traduire, le 14 octobre dans #DirectPolitique, l'émission politique de Ouest-France, en dénonçant "une attitude un peu insolente" de l'ancien président à l'égard des Français ? Toujours est-il que Sarkozy semble ajouter une erreur tactique momentanée à un mauvais choix stratégique plus ancien.
Battu par François Hollande, il s'était adressé au soir du 6 mai 2012 à une foule de supporteurs réunis à la Mutualité pour dire qu'il allait "redevenir un Français parmi les Français". On pouvait donc comprendre qu'à partir de cet instant il allait se tenir en retrait, silencieux, soit pour se faire oublier, soit pour se reconstruire. Soit pour faire les deux à la fois. En réalité, les choses ne se sont pas passées comme ça.
Pendant plus de deux ans, Sarkozy s'est débrouillé pour jouer le rôle d'un personnage absent-présent. Et même omniprésent par messagers interposés, responsables politiques amis ou médias dûment briefés. Il ne s'est guère écoulé de mois sans qu'il se rappelle au bon souvenir de l'opinion donnant ainsi la curieuse impression qu'ayant quitté la scène il en occupait toujours le devant. Au point qu'il n'est jamais redevenu "un Français parmi les Français".
Il a lui-même considérablement banalisé son retour
Le résultat de cette stratégie de lutte contre l'oubli - elle avait aussi pour objectif de stériliser la réflexion programmatique de l'UMP et d'empêcher l'émergence de nouvelles têtes - a produit un effet que son promoteur n'avait peut-être pas prévu. Ou à tout le moins dont il n'avait prévu l'ampleur. Elle a considérablement banalisé son retour... puisqu'en réalité il n'était jamais parti ! Il n'a pas pu enclencher la mécanique du fils prodigue.
Après un départ en fanfare avec force roulements de tambours médiatiques qui s'est révélé être une construction largement artificiel, le roi s'est retrouvé nu. La mécanique s'est vite essoufflée sans produire les effets escomptés. Alors que la promesse était de présenter un homme neuf cousu d'idées décoiffantes, la réalité a servi du déjà vu et du déjà expérimenté. Dans un curieux mélange de propositions inabouties.
La conjugaison de ces erreurs stratégiques et tactiques aboutit au décrochage actuel mis en évidence dans les sondages. L'entourage de Sarkozy a beau dire que tout se passe bien et que loin d'être raté, son retour est réussi, l'opinion et les observateurs restent dubitatifs. La question est de savoir maintenant s'il a un moyen de redresser la barre ou si la vague naissante va se retourner contre lui. La dynamique des fluides est gouvernée par des équations qui ont un caractère mathématique.