En moins d'une semaine, tout a basculé à la "gauche de la gauche" ! Coup sur coup, trois figures de l'opposition de gauche à François Hollande se sont placées sur le devant de l'actualité. La première à tirer a été Cécile Duflot (Europe écologie-Les Verts) suivie de près par Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche), puis par Arnaud Montebourg (PS). Une ancienne ministre de Jean-Marc Ayrault, un ancien candidat du Front de gauche à la présidence de la République et un ministre de Manuel Valls à l'origine de la démission du gouvernement. Excusez du peu !
Trois cas différents mais une seule cause : préparer l'après-Hollande. L'ex-ministre du logement de Ayrault, qui, dit-on, a refusé le poste de n°2 du gouvernement que lui proposait le président de la République dans l'équipe Valls, a lancé, le 20 août, le plan média de son livre au vitriol - "De l'intérieur, voyage au pays de la désillusion" chez Fayard - à la veille de l'ouverture de l'université d'été d'EELV. Elle savait donc parfaitement que ce missile anti-Hollande allait éclipser les travaux de son parti. Et c'est exactement ce qui s'est passé.
Pour sa part, l'ex-candidat présidentiel du Front de gauche a saisi l'occasion du "Remue-Méninges" du PG à Grenoble, le 22 août, pour annoncer un "nouveau dispositif" qui se traduit par son retrait du poste de co-président de cette formation politique (12.000 adhérents, selon les chiffres officiels). Grenoble n'a pas été choisie au hasard pour cette université puisque c'est la seule ville dirigée par une coalition EELV-PG depuis les municipales de mars. Toujours en verve, Mélenchon en a profité pour matraquer Hollande, "fossoyeur de la gauche".
Un tournant du quinquennat s'amorce
Enfin, le ministre du redressement productif, qui ne fera plus partie du "team" Valls dans les prochaines heures, a allumé la mèche conduisant à la démission du gouvernement, le 24 août, dans un entretien au Monde. Alors que le couple Hollande-Valls avait réaffirmé, la semaine précédente, le maintien du cap économique et budgétaire, Montebourg y dénonçait clairement l'obstination de l'exécutif et il appelait de ses voeux un nouveau cap, une inflexion politique faisant passer la réduction des déficits au second plan.
A l'évidence, un tournant du quinquennat s'est amorcé en quelques jours : une bataille pour le leadership de la "gauche de la gauche" s'est engagée. Celle-ci devait s'ouvrir un jour ou l'autre mais l'élément marquant est qu'elle débute à peine plus de deux ans après l'entrée de Hollande à l'Elysée. Comme si tous ces responsables politiques de gauche bouillaient d'impatience de voir surgir une crise politique majeure afin d'être les mieux placés, au bon moment, pour rassembler les morceaux. Certains de leurs soutiens souhaitent même une explosion sociale.
Vont-ils jusqu'à souhaiter une mise en minorité rapide du premier ministre au palais Bourbon sur un engagement de responsabilité du gouvernement ? Au sein du bureau national, Gérard Filoche entretient en permanence la flamme de la fronde et il appelle, en boucle, ses camarades députés à renverser Valls, afin de mettre en place une majorité rose-rouge-verte. Rose avec Montebourg, rouge avec Mélenchon et verte avec Duflot ? Si ces trois responsables sont sur cette longueur d'onde, c'est qu'ils pensent que la crise majeure est proche.
Le pari mythique du départ du président
Le problème est que les triumvirats ne tiennent jamais bien longtemps. Ou à tout le moins, ils n'empêchent pas les rivalités internes. L'exemple donné par la trio qui dirige l'UMP après l'éjection de Copé de la présidence dans la foulée de l'affaire Bygmalion - Fillon et Juppé sont déjà candidats à la primaire présidentielle du parti - n'incite pas à penser qu'un attelage Montebourg-Mélenchon-Duflot aurait une grande chance de tenir le choc. D'autant qu'une telle configuration passerait par l'éclatement de deux partis - le PS et EELV - et la confirmation de l'éclatement du FG.
Une autre hypothèse est un pari sur la démission de Hollande, empêché de gouverner par une droite qui refuserait de cohabiter avec lui en cas de dissolution de l'Assemblée et de changement de majorité. Sauf que cette hypothèse, martelée avec insistance depuis des mois par la frange la plus radicale de la droite, n'a, aujourd'hui, aucune réalité institutionnelle. Il est très probable que les députés socialistes y réfléchiraient à deux fois avant de provoquer une dissolution qui aurait pour conséquence de réduire le groupe PS à la portion congrue. A cette aune, l'arc rose-rouge-vert ne serait plus qu'un fantasme.
La troisième hypothèse - ultime ? - est celle d'un pari d'une lente décomposition qui se poursuivrait pendant la seconde moitié du quinquennat... Histoire de se donner du temps, chacun des trois protagonistes va préparer l'après-Hollande et se présenter comme le meilleur rassembleur de la "gauche de la gauche". Tous vont avoir un seul mot d'ordre : la VIe République. Il y a même fort à parier que ce slogan sera leur seul (plus petit) dénominateur commun. Pour un programme, ça risque de faire un peu court.