"Vous savez combien ça coûte d'avoir 36 adjoints à la ville au lieu de 20, comme je le propose ? Ça coute 8 millions d'euros par an en plus." Ainsi s'exprimait Nathalie Kosciusko-Morizet, le 3 décembre dernier, face à la rédaction de Vivre FM à l'occasion de la journée internationale du handicap. L'économie procurée par la diminution de près de moitié du nombre d'adjoints au maire de Paris devait permettre, selon la candidate (UMP) à la succession de Bertrand Delanoë (PS) aux municipales, de "doubler le budget" de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
Ces chiffres ont été à nouveau cités par NKM dans l'émission "Face aux chrétiens" diffusée le 14 février sur le site de la chaine de télévision catholique KTO (à 9' 40 du début). Ils sont repris aussi sur le site de campagne de l'ancienne ministre et porte-parole de Nicolas Sarkozy pendant la présidentielle, dans la rubrique intitulée "Petits et grands gâchis de la ville de Paris". Sauf que dans ce document qui fait office d'engagement, le chiffre de 20 adjoints à atteindre ne figure pas explicitement. Pourquoi ?
Il n'est peut-être pas inutile de se poser la question en comparant avec ce qui se passe dans les autres grandes villes de France. Le nombre de 36 adjoints au maire à Paris est-il, rapporté au nombre total d'élus au conseil municipal et/ou comparé à la population, supérieur, très supérieur, démesurément supérieur à celui que l'on trouve à Marseille ou Lyon ? Ou bien se trouve-t-il dans la moyenne ? Voire, est-il inférieur en pourcentage à celui de ses deux dauphines ? Et quid des 10 plus grandes villes ? Le mieux est d'aller y mettre son nez.
Les villes de Marseille et Lyon sont encore mieux dotées
Si on rapporte le nombre d'adjoints (36) au nombre total d'élus qui siègent au Conseil de Paris (163), on obtient un pourcentage de 22,1%. C'est-à-dire, grossièrement, qu'un conseiller de la capitale sur cinq est un adjoint. Avec plus de 2.250.000 habitants et vingt arrondissements, Paris a le "plus gros" conseil municipal de France et la plus grande quantité d'adjoints. Logiquement, le nombre d'élus municipaux est fonction de la population et un barème précis a été mis en place.
Avec ce taux de 22,1% d'adjoints, Paris est-elle une ville hors norme ? A Marseille (850.000 habitants), le conseil municipal est de 101 élus et le nombre d'adjoints de 29, soit un pourcentage de 28,7%. Un taux donc supérieur à celui de Paris de plus de 6 points. Même taux à Lyon (491.000 habitants) où le maire (PS), Gérard Collomb dirige, avec 21 adjoints, un conseil municipal de 73 élus.
Si on rapporte les 29 adjoints marseillais à la population de la ville, on s'aperçoit qu'il y a un adjoint pour 29.300 habitants. A Lyon, c'est un adjoint pour 23.380 habitants. A Paris, en revanche, le rapport est de un pour 62.500. Ce second paramètre, comme le précédent, prouve que Paris a, relativement, moins d'adjoints que la cité phocéenne ou que la capitale des Gaules.
En poursuivant l'examen jusqu'à la dixième plus grande ville, on découvre que Paris demeure avec le plus faible pourcentage d'adjoints par rapport au nombre total de conseillers : Toulouse et Nice, une ville de gauche, une ville de droite, en ont 26 pour 69 élus (37,7%), Nantes (PS), 25 pour 65 élus (38,5%), Strasbourg (PS), 17 adjoints pour 65 aussi (26,2%), Montpellier (PS), 23 pour 61 (37,7%), Bordeaux (UMP), 24 pour 61 élus également (39,3%) et Lille, 23 adjoints pour 59 conseillers (39%).
Le 15e arrondissement atteint le taux record de 50%
Quant au nombre d'adjoints comparé à la population, Paris est - de très loin - la ville la moins consommatrice. Elle a proportionnellement deux fois moins d'adjoints que Marseille et presque trois fois moins que Lyon. S'agissant des sept villes suivantes, la proportion va d'un adjoint pour 17.200 habitants à Toulouse jusqu'à un pour 9.870 à Lille, en passant par un pour 16.000 à Strasbourg et un pour 11.480 à Nantes ou à Montpellier.
La conclusion est que, contrairement à ce que veut laisser croire NKM, puisque tel est le but de cette opération médiatique, Paris n'est pas en décalage négatif par rapport aux autres villes de France. Elle aurait même peut-être tendance à être en décalage positif par rapport aux neuf villes qui la suivent sur le plan démographique. Il est tout à fait compréhensible - et louable - que la candidate de l'UMP préconise des économies dans ce domaine en cette période de crise. Mais sa revendication serait plus crédible si elle avait une portée générale pour l'ensemble des grandes villes de l'Hexagone.
D'autant qu'un examen encore plus détaillé dans chaque conseil d'arrondissement de la capitale - les électeurs de Paris, Lyon et Marseille désignent non seulement des conseillers municipaux au niveau de la ville mais aussi au sein de chaque arrondissement -, montre que la palme du nombre des adjoints est détenue par un maire de droite. Philippe Goujon, patron de la fédération de Paris de l'UMP depuis 2003 et maire du 15e, est à la tête d'un conseil d'arrondissement de 40 élus dans lequel il y a 20 adjoints (50% du total). Il devance de peu le maire (EELV) du 2e arrondissement, Jacques Boutault, qui a 6 adjoints dans un conseil de 13 membres.
La plus économe en adjoints à Paris est la maire (UMP) du 7e, Rachida Dati qui en à 4 dans un conseil de 15 élus, soit 26,7%. En dehors de ces extrêmes, la proportion d'adjoints dans chaque conseil d'arrondissement oscille entre 30% et 38,5%. Enfin, le conseil d'arrondissement le plus familial est celui du 5e où le maire sortant (qui ne se représente pas), Jean Tiberi, a pour 5e adjoint son fils, Dominique Tiberi, candidat dissident de droite contre... NKM.