Et si les tendances données par les sondages étaient fausses ? Il vaut mieux poser la question d'une manière provocante et caricaturale pour avoir une chance d'être lu au-delà de la deuxième ligne !
Pour abrupte qu'elle soit, la question se pose tant la divergence entre l'impopularité de l'exécutif et la bonne tenue de la gauche dans les intentions de vote aux municipales saute aux yeux. Même si ces deux notions sont différentes.
Cette distorsion est tellement patente qu'elle interpelle jusqu'aux instituts de sondages eux-mêmes. "Ce point nous taraude beaucoup depuis quelques semaines", reconnaît un sondeur. Un de ses concurrents confie que "c'est un vrai sujet d'interrogation"... qui suscite la perplexité.
Les uns et les autres assurent que la photographie actuelle traduit les rapports de forces du moment dans les villes qui font l'objet d'enquêtes sur les intentions de vote. En général, il s'agit, en priorité, des 15 plus grandes de France, avec quelques incursions dans des "points chauds" moins peuplés.
La gauche en position de force dans les grandes villes
Ce premier constat signifie, en creux, que la polarisation sondagique peut masquer des mouvements de fond que les observateurs de la chose perçoivent sans avoir la possibilité de les mesurer.
D'autant que les grandes villes auscultées sont sociologiquement plus favorable à la gauche qu'à la droite. Ainsi, depuis 2008, la gauche - le PS - dirige 10 des 15 premières villes n'en laissant donc que 5 à la droite - l'UMP : Marseille (2e), Nice (5e), Bordeaux (9e), Le Havre (13e) et Toulon (15e).
Et si l'on entend l'examen aux 30 plus grosses villes de France, le rapport reste le même : 21 pour le PS et 9 pour l'UMP dont Saint-Denis de la Réunion (19e) située hors de la métropole.
Toutes ces villes de gauche ne sont pas des forteresses inexpugnables mais les enquêtes montrent que le maire sortant enregistre, certes, un recul par rapport à 2008, mais parvient toutefois à résister plus qu'honorablement au regard de l'engouement actuel pour l'exécutif et la majorité parlementaire.
A moins de deux mois des municipales de 2008, la cote de popularité de Nicolas Sarkozy n'était pas jugée bien fameuse : elle oscillait entre 36% et 42%, selon l'institut de sondage. Que faut-il dire de celle de François Hollande qui navigue aujourd'hui 15 points à 20 points en-dessous ?
Le grand chelem "PLM" pourrait cacher de méchantes plaies
Or, ce scrutin de 2008 avait été un mauvais cru pour la droite municipale et, a contrario, une excellente cuvée pour la gauche qui se trouve par voie de conséquence, à la veille du renouvellement, dans une situation délicate d'autant qu'elle est fragilisée nationalement. Elle ne peut guère que reculer.
Ce recul global prévisible est occulté, quasi naturellement, par le triumvirat Paris-Lyon-Marseille qui attire tous les regards. Comme les sondages du moment sont favorables à la gauche dans les deux premières villes et qu'ils sont incertains pour la droite dans la dernière, ceci ajoute à cela.
A l'évidence, un grand chelem du PS sur "PLM" serait un coup de tonnerre bizarre et une grave déconvenue politique pour l'UMP de Jean-François Copé. Mais tout cela pourrait cacher des béances meurtrières, voire panser artificiellement de méchantes plaies.
Dans l'état actuel des sondages, la droite profite tellement peu de la situation nationale que ça en deviendrait presque suspect. S'agit-il du calme avant une tempête des deux dernières semaines de campagne ? La spécialiste d'un grand institut penche pour "une hypothèse 2001".
Lors de ce renouvellement municipal - il intervenait en fin de cohabitation Chirac-Jospin -, l'électorat de droite s'était arraché dans un ultime sursaut "au dernier moment, rappelle-t-elle. "Il n'est pas improbable que le même phénomène se reproduise", acquiesce un de ses confrères. La clé serait là.
L'hypothèse d'une "autonomisation" de cette consultation
Si tel était le cas, les résultats fragiles de second tour dans certains cas pourraient tout simplement s'inverser... avec un électorat de gauche peu mobilisé. Et si l'on ajoute à ça un Front national plutôt en stagnation, voire en recul, dans la dernière vague d'enquêtes, on obtient une configuration qui devient de plus en plus difficilement appréhendable.
Certes, l'extrême droite est donnée à un haut niveau - elle double et parfois triple son score de 2008 dans certaines villes -, mais elle ne provoquera pas des triangulaires, défavorables à la droite, dans toutes les communes détenues par la gauche.
In fine, on peut légitimement se demander si les intentions de vote de premier tour sorties actuellement par les instituts de sondage ne fournissent pas des "données en trompe l'oeil" qui pourraient être balayées par les résultats véritables de second tour.
S'il en était autrement, il s'agirait d'un cas d'école exemplaire destiné à l'examen attentif des futures générations d'étudiants en sciences politiques sur le thème de "l'autonomisation" des élections municipales.