Paris-Marseille-Lyon : trois enjeux majeurs des élections municipales

Les élections municipales des 23 et 30 mars désigneront les représentants municipaux. (THIERRY ZOCCOLAN / AFP)

Elles sont maintenant dans le viseur des états-majors. Les élections municipales des 23 et 30 mars - première consultation nationale depuis la présidentielle de 2012 - revêtent plusieurs enjeux. Le premier d'entre eux est celui de la participation. Depuis 30 ans, ce scrutin est celui qui attire le plus d'électeurs après l'élection présidentielle, comme le rappelle ce tableau de Laurent de Boissieu, journaliste au quotidien La Croix.

L'abstention, qui a commencé à grimper à la fin des années 1980, sera un des paramètres les plus observés dans moins de trois mois. Aux municipales de 2008, la participation avait atteint 66,5% au premier tour (65,2% au second) contre 67,4% au premier tour de 2001 (66,1% au second) et 69,4% en 1995 (68% au second tour).

Traditionnellement, cette abstention favorise plutôt les extrêmes dont l'électorat est naturellement plus mobilisé que celui des partis qui alternent au pouvoir depuis le début de la Ve République. A cette aune, toutes les dernières élections partielles, qui ont mis en évidence une désaffection des urnes, ont apporté de bons scores au Front national, sans lui procurer toutefois un seul élu à l'Assemblée nationale.

Le PS dirige 8 des 11 villes de plus de 200.000 habitants

Autre enjeu des municipales : la score de la droite parlementaire. Alors que la popularité du chef de l'Etat et de son premier ministre demeurent en berne dans les sondages, alors que le PS a perdu, lors de partielles, tous ses députés invalidés par le Conseil constitutionnel, alors que la politique gouvernementale est sous le feu de l'opposition, l'UMP et ses alliés centristes n'en tirent pas profit de façon déterminante.

Réciproquement, la tenue de la gauche sera observée à la loupe. Majoritaire au Parlement, majoritaire dans les régions et les départements, le PS dirige 8 des 11 villes de plus de 200.000 habitants (Paris, Lyon, Toulouse, Nantes, Strasbourg, Montpellier, Lille et Rennes) n'en laissant que 3 à l'UMP (Marseille, Bordeaux et Nice). Au total, il détient aussi un grand nombre des 261 villes de plus de 30.000 habitants.

Le cru 2008 n'ayant pas été de bonne qualité pour la droite et le FN menaçant d'imposer pas mal de triangulaires, les conditions sont réunies, dans un climat qui lui est défavorable, pour que la gauche, et singulièrement le PS, réalise une contre-performance. A l'UMP, certains lui prédisaient, il y a encore quelques semaines, "une raclée". Et pourtant, rien n'est moins sûr.

La "nationalisation du scrutin" pourrait jouer pour le FN

A l'évidence, les socialistes, que la plupart des élections de la décennie précédente ont portés au sommet de la vague, courent un grand risque de subir des pertes. Le contraire serait contraire à la logique du balancier électoral. Cependant, plusieurs facteurs nouveaux sont de nature à tempérer l'enthousiasme précoce de l'opposition. De même que celui, débridé, de l'extrême droite.

Après avoir beaucoup utilisé le thème de la "nationalisation du scrutin", c'est-à-dire le vote sanction contre François Hollande et les socialistes, Jean-François Copé et les dirigeants de l'UMP donnent l'impression de plutôt mettre la pédale douce : le slogan est moins visible. Se sont-ils aperçus que cette arme électorale peut servir en premier lieu... le Front national qui, aujourd'hui, à une implantation locale quasi-inexistante ?

La droite parlementaire paraît revenir à une campagne beaucoup plus décentralisée qui met en avant les enjeux locaux et les personnalités qu'elle veut promouvoir. Ce n'est pas le moindre des paradoxes de cette prochaine consultation car, en règle générale, le pouvoir en place, souvent malmené, "municipalise" les municipales alors que l'opposition, critique de l'action gouvernementale, le "nationalise".

Début de campagne difficile pour les candidats de droite

Contre-coup de ce changement de tactique, des maires sortants socialistes pourraient ne pas subir les affres d'une sanction électorale... sans que des maires sortants de droite en soient, eux, les bénéficiaires. Ceci se révélera-t-il exact pour les 3 premières villes de France - Paris, Marseille et Lyon - dont 2 sont détenus par la gauche et une par la droite.

A dire le vrai, Paris, Marseille et Lyon représentent trois enjeux majeurs de ces municipales. Le basculement de l'une (Marseille) atténuerait - voire effacerait peut-être - un bilan national calamiteux du PS alors que la perte d'une ou des deux autres (Paris et Lyon) donnerait un lustre inespéré à un résultat en demi-teinte de l'UMP et des ses alliés centristes.

Pour ce qui concerne Paris et Lyon, il est difficile d'affirmer, en ce début d'année, que les représentants de la droite sont dans une séquence conquérante. Il suffit pour s'en convaincre d'observer le buzz négatif que Nathalie Koscuisko-Morizet (NKM) développe dans sa campagne parisienne et de noter le faible écho de celle de Michel Havard, UMP lui aussi, à Lyon.

Une multiplication des triangulaires fera-t-elle la différence ?

A Paris, non seulement les sondages sont défavorables à NKM mais celle-ci voit se multiplier des dissidences ne pouvant qu'entraver et compromettre une marche qui se voulait triomphale. A Lyon, un sondage Ifop de juin 2013 conforté par un autre de septembre donne une avance confortable au maire sortant (PS), Gérard Collomb. Soutien de son adversaire, Georges Fenech (UMP) utilise, du reste, un curieux argument de gauche contre l'édile socialiste : "il est devenu un serviteur zélé des grands patrons et des grands projets", confie-t-il au Point.

C'est finalement de Marseille que pourrait venir la surprise, si surprise il doit y avoir. Le dernier sondage connu de BVA réalisé à la mi-novembre donne bien le maire sortant, Jean-Claude Gaudin (UMP), en tête avec 31% des intentions de vote au premier tour, mais battu d'une courte tête au second par Patrick Mennucci (PS) - 41% contre 40% - dans une triangulaire avec Stéphane Ravier (FN).

La présence de l'extrême droite au second tour - il faut obtenir au moins 10% des suffrages exprimés au premier pour se maintenir - favorisera le maintien d'un maire sortant dans certains cas ou empêchera l'élection de son opposant dans d'autres. Tous les cas de figure peuvent survenir mais globalement, ces triangulaires défavorisent plutôt la droite. Ce sera l'ultime enjeu de ce scrutin.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu