La stratégie du "présent-absent" développée depuis des mois par Sarkozy commencerait-elle à agacer les dirigeants de l'UMP ? Ont-ils - enfin - réalisé qu'elle paralyse la droite, la confinant dans une position attentiste et stérilisant sa réflexion programmatique ? Elle protège l'ancien président qui n'est jamais exposé, lui assurant ainsi une belle cote de popularité à peu de frais.
Régulièrement, l'ex-locataire de l'Elysée s'offre une petite sortie dans les médias - un dossier sur son QG de la rue de Miromesnil par-ci, une présence à un concert de son épouse par-là, une compilation de ses phrases assassines ailleurs - sans jamais s'exprimer à la première personne. Ce sont toujours ses visiteurs ou son entourage qui rapportent la parole du prince.
Et depuis des mois, la statue du Commandeur tétanise le premier parti d'opposition. Dès qu'il voit que l'impatience ou que l'agacement commence à tarauder la hiérarchie de l'UMP, il fait monter sa garde pour rappeler que rien ne peut se faire sans lui car personne n'est en mesure de le remplacer. Le comble du ridicule a été atteint au travers d'une phrase qui lui était récemment attribuée dans Le Point.
"La question n'est pas de savoir si je veux ou ne veux pas revenir. Je ne peux pas ne pas revenir. Je n'ai pas le choix. C'est une fatalité. Une fatalité", aurait confié Sarkozy à un de ses interlocuteurs, selon l'hebdomadaire. Mis à part qu'elle témoigne d'une prétention sans bornes, cette sentence place l'intéressé sous le sceau du destin comme si son retour avait un caractère divin. Rien que ça !
Sa dernière sortie médiatique était-elle de trop ?
Cet épisode "biblique" s'accompagnait, ce qui n'est pas très chrétien, d'un dézinguage en règle de quelques uns de ses anciens ministres à commencer par le premier d'entre eux, Fillon, qualifié de "traitre". Wauquiez passait pour un "ingrat" et Bertrand pour "un boudeur". Copé n'échappait pas au mitraillage puisque Sarkozy, selon l'hebdo, lui trouve un air d'"Harlem Désir de droite"... ce qui, dans son esprit, ne doit pas être un compliment.
Cette dernière sortie médiatique - elle fait suite à quelques autres - a-t-elle été de trop ? Toujours est-il que des poids lourds de l'UMP semblent avoir pris conscience que la stratégie sarkozienne est un piège qui, faute de réaction de leur part, va se refermer sur eux. Epargné par les rivalités internes dont il doit se délecter, il joue un "dedans-dehors" dont il tire tous les avantages, en évitant les inconvénients.
Fort de ce constat, des dirigeants du parti veulent le ramener à quelques réalités de fonctionnement extrêmement terre-à-terre et à quelques fondamentaux de la vie politique. Au premier rang des règles de fonctionnement en vue de la présidentielle, il y a la primaire. Un processus accepté par Sarkozy lui-même, en 2007... Il est vrai qu'il était le seul candidat en lice, tous les autres prétendants ayant renoncé.
La configuration est tout à fait différente pour 2017 car Fillon et Xavier Bertrand se sont déjà mis sur les rangs. Copé est "en réserve de la République" au cas où Sarkozy renoncerait à vouloir briguer un nouveau mandat. Pour sa part, Juppé cache de moins en moins ses ambitions élyséennes et d'aucuns, à l'UMP, le présentent comme "un recours". Enfin, Nathalie Koscuisko-Morizet (NKM) voudrait bien faire de Paris un marche-pied, comme le fit Chirac. D'autres encore en rêve.
Ils espèrent savoir, enfin, ce qu'il veut vraiment !
Et comme si cette accumulation naturelle de candidats - ils étaient six pour la primaire socialiste en 2011 -, répétant tous que chacun - entendez, Sarkozy aussi ! - devra s'y soumettre, ne suffisait pas, certains réactualisent un message déjà envoyé en octobre : il faut avancer cette primaire. La date de 2015 commence à avoir plusieurs adeptes... mais pour l'instant aucun sarkozyste.
Et pour cause. Le but de la manoeuvre est de contraindre l'ancien chef de l'Etat à se découvrir plus tôt que prévu, s'il envisage vraiment de se lancer dans la bataille. Sa tactique à lui est plutôt de faire du sur-place le plus longtemps possible pour poursuivre la cryogénie de l'UMP et apparaître, au dernier moment, comme la seule issue possible. En quelque sorte, une fatalité !
En plaidant pour une primaire en 2015, les candidats déclarés ou implicites espèrent faire sortir Sarkozy du bois dès 2014, c'est-à-dire demain, campagne électorale interne oblige. La question est de savoir maintenant quelle position va adopter Copé, président du parti. Fera-t-il en sorte de jouer un rôle de bouclier protecteur ou bien le "Harlem Désir de droite" lui restera-t-il en travers de la gorge ?
Une accélération du calendrier aurait une autre vertu : elle permettrait aux "présidentiables" de l'UMP de savoir - enfin - ce que veut vraiment Sarkozy ! Il ne pourrait plus se contenter de souffler le chaud et le froid, de décerner des satisfécits et des bonnets d'âne, de s'ériger en juge de paix de la droite. Il devrait alors se dévoiler. Ou montrer qu'il veut entrer en dissidence.