Copé tente d'enrayer la campagne "UMPS" entretenue par Marine Le Pen

Jean-François Copé, le 8 septembre 2013, au Touquet-Paris-Plage (Pas-de-Calais). (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Il y a bel et bien une course poursuite entre Copé et Fillon sur le droit du sol. En catimini, le président de l'UMP avait lancé le thème au printemps dans un entretien publié par le très droitier hebdomadaire Valeurs actuelles et analysé par le journaliste de l'Express, Benjamin Sportouch. Il se déclarait alors "favorable à la fin du droit du sol pour les personnes nées de parents séjournant illégalement en France".

Au mois de juillet, l'ancien premier ministre de Sarkozy avait présenté 35 propositions parmi lesquelles figurait la remise en cause du droit du sol. Lui aussi avait noyé "l'acquisition automatique de la nationalité française des enfants nés en France de parents étrangers" au milieu d'un flot d'autres suggestions, comme l'abrogation des 35 heures ou la fixation à 65 ans de l'âge de la retraite.

Dans les deux cas, il s'agissait de la présentation anodine de l'abandon d'un élément constitutif du pacte républicain. Dans les deux cas, la proposition était passée inaperçue - ou presque - car les thèmes centraux du débat politique n'étaient ni l'intérêt médiatique porté au Front national ni l'affaire Leonarda qui, du reste, n'a aucun rapport avec le droit du sol puisque cette jeune fille n'est pas née en France.

Mais la roue a tourné et ces deux thèmes sont maintenant repris en boucle tous les matins. Dès lors, l'occasion était trop belle pour que le patron du premier parti d'opposition ne se précipite pas pour réactualiser sa proposition de remise en cause du droit du sol. Le terrain a été labouré et l'opinion publique est beaucoup plus à même, pense-t-il probablement, de l'entendre, voire de la comprendre. Et pourquoi pas la soutenir.

Elément de la bataille pour le leadership de l'UMP

Ce coup de canif, largement interprété comme une posture pour ne pas se laisser distancer par l'extrême droite qui a fait sien cet abandon depuis des décennies, n'est pas du goût de tout le monde à l'UMP. "Il ne peut être question d'abandonner le droit du sol", pour Guaino. A l'appui de son refus, l'ancien conseiller élyséen, sur RMC, cite Sarkozy pour qui "le droit du sol, c'est la France".

Ancien ministre et président (UMP) du conseil général des Hauts-de-Seine, Devedjian, qu'on ne peut pas soupçonner de connivence avec la gauche, fait, lui aussi, part de son désaccord. Il note dans Le Figaro : "l'Allemagne, qui pratiquait le droit du sang, a modifié sa législation, il y a une dizaine d'années, pour adopter le droit du sol". Comme le souligne le site Géopolis, "le droit du sol n'est pas une spécialité française".

Paramètre supplémentaire du combat qui oppose Copé et Fillon pour décrocher le leadership à l'UMP, en vue d'occuper la pole position à droite dans la course à la candidature présidentielle, la promotion de cette thèse chère au Front national, qui y voit un des meilleurs moyens du supprimer la "pompe aspirante de l'immigration", a certainement aussi une autre dimension.

Faite pour dissuader l'électorat de droite de se laisser séduire par la sirène mariniste - il n'est pas sûr, selon l'expression de Le Pen père, qu'une frange plus ou moins importante ne finisse par préférer "l'original à la copie" -, cette remise en cause du droit du sol vient après l'abandon du front républicain qui unissait le PS et l'UMP dans leur volonté d'élever une digue face au FN dans les élections.

Donner les gages d'une différenciation d'avec le PS

Revers de la médaille, l'application du front républicain a permis au Front national d'alimenter son slogan sur la supposée existence de "l'UMPS". A force de marteler ce sigle ravageur, au point de faire une campagne permanente sur le thème virtuel de la complicité entre la droite et la gauche, l'extrême droite a incontestablement remporté une bataille de communication dans l'opinion.

C'est donc là qu'intervient la troisième dimension de l'offensive copéiste sur le droit du sol. Thème clivant, la remise en cause de ce droit jusqu'ici consensuel, dans le champ sensible pour le PS de l'immigration, permet au patron de l'UMP d'ouvrir une brèche dans le mur "UMPS" dressé par le FN. Elle l'autorise à donner les gages d'une différenciation d'avec le PS à son propre électorat.

La bataille qui s'ouvre aura donc plusieurs fronts, si l'on peut dire ! La gauche va s'attacher à démontrer que l'UMP fait mouvement sur sa droite vers le FN - en allant même plus loin que Sarkozy pendant sa campagne présidentielle -, l'UMP va mettre l'accent sur l'inefficience de "l'UMPS" popularisée par le FN et ce dernier aura beau jeu de prétendre, une nouvelle fois, qu'il est le point central du débat politique.

Le seul moyen pour le PS et l'UMP de se sortir de ce piège récurrent est de faire plus de politique et moins de communication, un terrain sur lequel les Le Pen, père et fille, excellent et prospèrent... en évitant d'entrer dans le détail du programme du Front national. Dire qu'il est "absurde", "inapplicable" ou qu'il produirait "le chaos" n'est pas une démonstration politique suffisante.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu