Fillon épouse la radicalisation de la droite et prend acte de l'autonomie du centre

François Fillon, à Rouez (Sarthe), le 28 août 2013, pour sa rentrée politique. (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

Pour les municipales, si un candidat socialiste et un candidat Front national se trouvent face à face au second tour, Fillon suggère aux électeurs de l'UMP de voter pour "le moins sectaire". Prodigué dimanche 8 septembre sur Europe 1, ce conseil a, depuis, suscité une foule de commentaires. D'autant que l'ancien premier ministre avait répondu "ça peut arriver" à la question de savoir si "un PS peut être plus sectaire qu'un FN".

Le premier à monter au créneau a été Désir, le patron du PS, qui a dénoncé la théorisation des alliances UMP-FN au cas par cas faite, selon lui, par Fillon. Et dans la foulée, le Parti socialiste a mis en ligne sur son site Internet une vidéo destinée à montrer qui, d'après lui, est "le parti le plus sectaire entre le FN et le PS".

Mais les critiques sont venues également de son propre camp. S'en tenant à la position officielle de l'UMP - "ni PS, ni FN" -, Copé a dit qu'il ne comprenait pas la phrase de son éternel rival. Auréolé de sa position de personnalité politique préférée des Français, Juppé s'est nettement démarqué : "Je ne mets pas l'extrême droite et le PS sur le même plan", a-t-il déclaré dans L'Express.

Autre ancien ministre (UMP) de Fillon, Le Maire a englobé l'ensemble des responsables de son parti, sur RTL, en affirmant "jamais nous ne voterons pour le FN". Au centre, Bayrou, président du Modem, a estimé sur BFM TV que l'ancien chef du gouvernement "ouvrait la porte" à l'extrême droite, et Borloo, président du Parti radical, l'a invité à corriger ce qu'il considère être une "maladresse".

La porte du centre se ferme pour l'ancien premier ministre

Ce sont précisément les réactions des dirigeants centristes qui retiennent l'attention car la restructuration en cours sur cette partie de l'échiquier politique n'est peut-être pas tout à fait étrangère au nouveau positionnement de Fillon. Souvent présenté comme le présidentiable de droite potentiel capable de rassembler l'UMP et les centres, il réalise que cette entreprise sera impossible en 2017.

En effet, les travaux de rapprochement entre Borloo et Bayrou - ils pourraient inclure le satellite Nouveau centre de Morin au final -, en vue des élections européennes de 2014, enrichissent une offre politique mise sous le boisseau pendant le quinquennat Sarkozy. Par la même occasion, ils ferment une porte à Fillon car l'hypothèse d'une (ou plusieurs) candidature(s) centriste(s) à la présidentielle devient plus forte.

Du résultat obtenu par une éventuelle liste de rassemblement centriste aux européennes - scrutin qui sert plus de défouloir aux Français qu'à un véritable débat d'idées -, dépendra l'avenir d'une candidature présidentielle unique, trois ans plus tard, passant au-dessus de l'égo de chacun des protagonistes. Et cela ne sera pas une mince affaire.

Empêché d'être un possible rassembleur de la droite et du centre en 2017 - rôle qui n'a jamais pu être dévolu à Copé et qui ne peut plus être celui de Sarkozy -, Fillon est contraint de changer de posture pour rester dans la course et ne pas prendre l'électorat UMP à rebrousse-poil en tenant un discours trop conciliant avec les centristes.

Le "containment" de la radicalisation se pose à la droite

Car le second paramètre pouvant expliquer le changement de ton de l'ancien premier ministre à l'égard du Front national, ou plus exactement vis-à-vis de ses électeurs, est la radicalisation du réservoir électoral de la droite parlementaire. De plus en plus nombreux, les électeurs UMP se sentent des affinités avec les thèses de Marine Le Pen.

Il suffit pour s'en convaincre d'examiner un sondage réalisé pour Valeurs actuelles, hebdomadaire qui oeuvre, corps et âme, pour une rapprochement de la droite et de l'extrême droite. Selon cette enquête de l'Ifop, 34% des Français se sentent "proche" des idées lepénistes (9% très proche, 25% assez proche) et ces pourcentages atteignent 38% chez les sympathisants UMP, dont 34% se disant assez proche !

Si 60% de l'échantillon national pensent que la présidente du parti d'extrême droite "veut vraiment changer les choses" et 44% qu'elle "comprend les problèmes des gens comme vous", ils sont respectivement 65% et 48% parmi les sympathisants UMP. Les taux de réponses positives dans l'électorat de gauche (42% et 23%) montre l'ampleur de la porosité des thèses frontistes.

Le glissement manifeste de l'électorat de la droite parlementaire, en tout ou en partie, vers des positions plus radicales et plus extrêmes, voire parfois "sectaires", pose maintenant un véritable problème de "containment" aux dirigeants de l'UMP. Certains, comme Juppé et Le Maire, ont décidé de résister à ce mouvement. D'autres ne font pas le même choix... en abandonnant leur position.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu