"Mieux vaut tenir que courir." "Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras." C'est avec ces proverbes en bandoulière - un condensé de la sagesse populaire -, que la direction du PCF aborde sa réflexion stratégique à propos des élections municipales des 23 et 30 mars 2014.
Dès son retour de vacances militantes en Amérique latine, Mélenchon a mis la pression sur Laurent, son partenaire communiste au sein du Front de gauche (FG). Le coprésident du Parti de gauche (PG) a pris bille en tête le PS, en haussant encore un peu le niveau de son jeu anti-socialiste par une attaque ciblée contre Valls accusé de s'aligner sur le Front national.
Dans sa tactique à plusieurs bandes, l'ancien candidat présidentiel du FG envoyait ainsi un message clair au secrétaire national du PCF : il lui intimait de se définir en faveur d'un partenariat politique privilégié, autant qu'unique, avec le PG, sur une ligne "anti-Solferino" - le PS à son siège rue de Solferino, à Paris -, au stade local après l'avoir fait au niveau national.
Le raisonnement de Mélenchon est simple. Comme la direction du PCF répète depuis des mois que Hollande ne mène pas "la bonne politique", comme les députés et les sénateurs communistes manifestent régulièrement leurs désaccords avec le gouvernement Ayrault, il serait logique que cette analyse et ces comportements trouvent leur prolongement aux municipales.
Les communistes et apparentés ont 13.000 élus locaux
Comme le confient des militants communistes, "il n'a pas grand chose à perdre à tenir ce discours car la représentation du PG dans les conseils municipaux est marginale en France". Entendez : une stratégie dure de splendide isolement entraînant le PCF ne coutera pas très cher au Parti de gauche. En revanche, elle pourrait être saignante pour la place du Colonel-Fabien.
Même s'il ne dirige plus qu'une seule ville de plus de 100.000 - Saint-Denis (106.927 habitants), en Seine-Saint-Denis, est dirigée sans interruption par un maire communiste depuis la Libération -, le PCF et ses apparentés administrent encore 806 communes - moyennes ou petites - et disposent d'environs 13.000 élus locaux, selon les chiffres diffusés par ce parti.
Evidemment, ce sont les villes de plus de 20.000 à 30.000 habitants qui retiennent le plus l'attention des observateurs... et des responsables politiques. Ce sont elles qui donnent une photographie précise de l'audience locale des partis et des rapports de forces existant entre eux. Dans les communes moins peuplées, les enjeux sont souvent de nature différente, moins "partidaire" à proprement parler.
A cette aune, 38 villes de plus de 20.000 habitants ont un maire communiste, selon les chiffres du PCF. Et dans des dizaines d'autres, des communistes appartiennent à l'exécutif local de municipalités dont le maire est socialistes. Dans ce second cas, soit ils ont fait liste commune avec le PS dès le premier tour, soit ils ont été intégrés sur la liste socialiste entre les deux tours quand leur score le leur permettait.
Paris, "cratère du Front de gauche", en ligne de mire
Ce sont les municipalités où le PCF détient des postes d'adjoint au maire qui font, en priorité, l'objet du "forcing autonomiste" de Mélenchon. Dans sa ligne de mire, il y a Paris, "cratère du Front de gauche", dont le coprésident du PG veut faire un symbole national. Or, il se trouve que les communistes sont allés à la bataille sous la bannière de Bertrand Delanoë - maire (PS) actuel de la capitale - dès le premier tour en 2008... et en 2001.
C'est ce compagnonnage décennal entre socialistes et communistes parisiens que Mélenchon veut rompre. Il a lancé sa propre candidate, Danielle Simonnet, dans la bataille, en ciblant la cheffe de file du PS, Anne Hidalgo, et en dénonçant "la danse du ventre" des dirigeants locaux du PCF. Le double message était bien entendu destiné aux directions nationales des deux partis.
A l'effet d'entrainement que le député européen du Front de gauche veut susciter de Paris vers d'autres villes de France - Mélenchon a prévenu, lors du congrès du PG en début d'année, qu'il voulait présenter une liste autonome dans "une soixantaine de grandes et moyennes villes" au moins -, le PCF oppose la tactique du "sur mesure". En clair, selon ses dirigeants, le local doit l'emporter sur le national.
C'est pourquoi, au bout du compte, Laurent, habile, va tenter de ne mécontenter personne à gauche : ni Désir, le patron du PS, ni Mélenchon. Au final, il y aura un savant panachage entre les listes communes avec le PS pour sauver les meubles qui doivent l'être et les listes autonomes (FG) pour ne pas insulter l'avenir. Exactement le genre de situation qui va mettre en colère le coprésident du PG. Une fois de plus !