Le front républicain est-il toujours efficace ? Et surtout est-il toujours pertinent ? Ces questions ont été relancées après les récentes législatives partielles de l'Oise et du Lot-et-Garonne. La première avait été provoquée par l'invalidation de l'élection de Jean-François Mancel (UMP), la seconde par le non-retour à l'Assemblée de Jérôme Cahuzac (PS), après sa démission du gouvernement.
Dans les deux consultations, le candidat socialiste a été éliminé au premier tour faute d'un nombre suffisant de suffrages, laissant un représentant de l'UMP, seul, face à un candidat du Front national au second tour. Dans les deux cas, le premier parti de la droite l'a emporté, gagnant ainsi un siège, mais l'extrême droite a considérablement augmenté son score d'un tour à l'autre.
Assez peu connus localement de l'électorat, les deux représentants du FN ont franchi la barre des 45% au second tour au cours duquel ils ont enregistré une forte progression en voix.
Ainsi, Florence Italiani, dans l'Oise, est passé de 7 249 voix au premier tour à 13 190 au second (+ 5 941) alors que dans le même temps, Mancel, le vainqueur, passait de 11 073 à 13 958, soit une hausse de 2 885 suffrages. D'un tour à l'autre, le scrutin a attiré 2 150 électeurs supplémentaires (30 194 contre 28 044) mais le nombre de suffrages exprimés a reculé de 121 (27 148 contre 27 269).
Des électeurs qui se disent "apolitiques"
A moins d'imaginer que des abstentionnistes du premier tour se sont déplacés au second pour glisser dans l'urne un bulletin blanc ou nul - hypothèse qui ne semble pas très réaliste -, on peut supposer qu'une partie de l'électorat de gauche a voté blanc ou nul le second dimanche et qu'une autre a voulu sanctionner Mancel, en votant Italiani.
Reste l'inconnue des abstentionnistes de premier tour devenus électeurs de second tour ! S'il s'agit d'électeurs traditionnels de droite, on comprend mal qu'ils ne se soient pas déplacés dès le premier tour pour manifester leur rejet de la gauche au pouvoir. On peut difficilement concevoir qu'il s'agisse d'électeurs traditionnels de gauche dont l'état de démobilisation est patent.
Peut-on alors formuler l'hypothèse que ce sont des électeurs qui se disent "apolitiques" et qui se reconnaissent plus volontiers dans le discours de Marine Le Pen que dans celui des partis républicains traditionnels ? Cela signifierait que le Front national puise ses réserves électorales parmi les abstentionnistes de premier tour.
La législatives partielle du Lot-et-Garonne apporte une seconde pierre à cette hypothèse, alors même que la configuration locale est tout à fait différente. Contrairement à la circonscription plus ouvrière de l'Oise enracinée depuis longtemps à droite, celle du Lot-et-Garonne est plus tournée vers le radicalisme.
Une force d'appoint.. au seul second tour
Ici, Jean-Louis Costes (UMP) est passé de 9 431 voix à 18 188 (+ 8 757) d'un tour à l'autre, alors qu'Etienne Bousquet-Cassagne (FN) est passé, lui, de 8 552 suffrages à 15 653, soit + 7 101. Dans le même temps, le nombre d'électeurs a augmenté de 4 958 (39 446 contre 34 488) mais le nombre de suffrages exprimés ne s'est accru que de 993 (33 841 contre 32 848).
On peut donc former le même type de raisonnement que dans la partielle précédente. Fort accroissement du nombre de bulletins blanc et nul issus de l'électorat de gauche mais aussi soutien non négligeable de ce même électorat à Costes - au nom du front républicain - ce que le candidat UMP a reconnu lui-même en remerciant l'électorat socialiste qui s'est porté sur son nom.
Une fois encore se pose la question de l'attitude des électeurs supplémentaires de second tour qui étaient des abstentionnistes du premier. La réserve potentielle de voix du premier tour susceptible de rejoindre Bousquet-Cassagne au second étant assez maigre, ne faut-il pas considérer qu'une partie non marginale de ces supplétifs a opté pour le Front national ?
Si tel est le cas, l'UMP - comme le PS qui aligne les revers dans les urnes - a du souci à se faire car une nouvelle donnée électorale serait en train d'émerger avec l'apparition d'une force d'appoint pour l'extrême droite... au seul second tour des élections.