Cahuzac renonce à se représenter mais d'autres que lui sont revenus en politique

Jérôme Cahuzac, le 7 mars 2013, à Bassens (Gironde). (JEAN-PIERRE MULLER / AFP)

Il n'y va pas ! Il l'a annoncé samedi 18 mai dans la soirée. Jérôme Cahuzac ne sera pas candidat à sa propre succession de député de la 3e circonscription du Lot-et-Garonne. L'ancien ministre délégué au budget, exclu du Parti socialiste et mis en examen en avril pour blanchiment de fraude fiscale, assurait ces derniers jours n'avoir encore pris "aucune décision".

Peut-être méditait-il encore à la lecture de deux sondages contradictoires dont parle le journal La Dépêche du Midi du 18 mai. L'un, réalisé par l'Ifop pour le PS, lui accordait 11% des voix. Cahuzac arrivait en 4e position  derrière les candidats de l'UMP (27%), du FN (22%) et du PS (19%). L'autre, fait par LH2, lui donnait 20% des suffrages. Il arrivait 2e derrière le candidat de l'UMP (23%) mais devant ceux du FN et du PS.

Dans le premier cas, il était éliminé du second tour et il entrainait probablement Bernard Barral (PS) dans sa chute car le candidat socialiste n'était pas assuré de recueillir les 12,5% d'électeurs inscrits nécessaires pour se maintenir. Dans l'autre hypothèse, il pouvait défendre ses chances au second tour mais le représentant officiel du PS en était sûrement évincé.

Le PS rêve d'une candidature unique avec les écolos

Cahuzac attendait-il aussi de reconnaître le résultat de tractations qui sont évoquées - info ou intox - entre les états-majors du PS et d'Europe écologie-Les Verts (EELV) ? Dans les sondages Ifop et LH2, le candidat écologiste est crédité de 4% à 5% des voix. Aucune information n'a encore transpiré sur ce point précis, samedi 18 mai.

Les socialistes auraient un intérêt évident à obtenir un retrait de Lionel Feuillas (EELV) dans l'espoir de voir se créer une dynamique en faveur de leur propre candidat. Pas sûr que les écolos locaux l'entendent de cette oreille. Pour José Bové, venu soutenir son camarade de parti, pas question de candidature unique au premier tour... pour le moment.

L'ancien ministre n'aurait pu que se féliciter d'un maintien de Feuillas qui aurait été de nature à renforcer son désir de se présenter. D'autant que des précédents célèbres montrent à quel point une partie non négligeable des électeurs - parfois même majoritaire - n'en veut pas forcément de façon irréconciliable aux hommes politiques qui ont fauté. Même lourdement !

Flosse, l'élu le plus condamné de la Ve République

Les raisons peuvent en être multiples : l'enracinement local, la carrure personnelle, l'attachement des électeurs, les réalisations visibles par la population au cours d'un mandat, la qualité des relations avec l'électorat qui tourne, en certaines occasions, au clientélisme, le "carnet d'adresses" de l'élu concerné et ses facilités d'accès supposées aux sphères parisiennes, etc.

L'actualité récente en a encore fourni la preuve avec la réélection de Gaston Flosse (81 ans) à la tête de la Polynésie française qu'il a déjà dirigée à plusieurs reprises, notamment de 1984 à 1987 et de 1991 à 2004.  Flosse est l'élu le plus condamné de la Ve République dans une multitudes d'affaires.

Sénateur qui n'appartient plus à l'UMP mais siège parmi les non-inscrits, Flosse est même sous le coup d'une peine de privation de ses droits civiques de 3 ans pour prise illégale d'intérêt et détournement de fonds publics... qui est suspendue car il s'est pourvu en cassation après sa condamnation en appel. Il attend une autre décision d'appel dans une autre affaire de... corruption.

Carignon avait fait 29 mois de prison avant de revenir

Interjeter appel et se pouvoir en cassation est un exercice que connaît bien également Jean Tiberi pour rendre inapplicable immédiatement les jugements qui sont rendus, en raison de la suspension des peines qu'il provoque. La récente condamnation en appel de l'ancien maire de Paris et actuel maire (UMP) du 5e dans "l'affaire des faux électeurs" de l'arrondissement - 3 ans d'inéligibilité, notamment - est en cassation.

D'autres personnalités politiques sont revenues en politique ou ont tenté de se relancer après des condamnations pécuniaires ou même de prison ferme. Ainsi l'ancien ministre de la communication d'Edouard Balladur, Alain Carignon (UMP) a fait son retour sur la scène en 2002, après 29 mois de détention - un record sous la Ve République -, en intégrant l'UMP naissante malgré la vive opposition d'Alain Juppé.

Carignon fait encore mieux en 2006 : il est désigné par 80% des militants UMP de la 1er circonscription de l'Isère pour être candidat de ce parti aux législatives de 2007. Arrivé en deuxième position au premier tour, il devancera le député sortant de droite (ancien UMP) mais sera battu au second par la socialiste Geneviève Fioraso, actuelle ministre de l'enseignement supérieure et de la recherche.

Lampiste du système chiraquien instauré à Paris au cours des années 1980 et 1990, Juppé lui-même a été condamné pour abus de confiance, recel d’abus de biens sociaux et prise illégale d’intérêt. Ulcéré par sa condamnation à l'inéligibilité temporaire en 2004, l'ancien premier ministre s'était exilé pendant un an au Québec pour y dispenser des cours. Il a fait son retour en politique en 2006, en redevenant un poids lourd de l'UMP.

Ce retour en politique, on en parle aussi pour Pierre Bédier. Ancien Secrétaire d'Etat et ex-président (UMP) du département des Yvelines, condamné définitivement en 2009 pour corruption passive et recel d'abus de biens sociaux, Bedier va certainement se présenter à l'occasion d'une cantonale partielle à la suite de la démission d'un de ses proches de son mandat de conseiller général de Mantes-la-Jolie.

Mellick, faux-témoin et "maire le plus rapide de France"

Ces va-et-vient entre la justice et la politique ne sont pas l'apanage des seuls élus de droite. Un cas célèbre de témoignage mensonger, façon Cahuzac en moins lourd, avait valu à Jacques Mellick, qui fut secrétaire d'Etat et ministre de Mitterrand, le sobriquet de "maire le plus rapide de France". Il était premier magistrat de Béthune (Pas-de-Calais).

Impliqué en 1993 dans l'affaire du match de football truqué Marseille-Valenciennes - l'OM appartenait alors à Bernard Tapie -, il avait soutenu être dans le bureau de ce dernier à Paris, devant un juge d'instruction, alors que presque en même temps des témoins le voyait à... Béthune. Il était revenu sur ses affirmations.

Condamné pour faux témoignage en 1997 et démissionnaire de son mandat de maire, Mellick avait repris Bethune en 2002. Il a dirigé la ville jusqu'en 2008 et n'en est plus aujourd'hui que conseiller municipal. Sa tentative pour redevenir député, en 2007, s'est soldé par un échec. Cahuzac a peut-être pensé très fort à lui, en renonçant à se présenter à la prochain législative partielle du Lot-et-Garonne.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu