Entre une semaine finissante, catastrophique pour lui, et le début d'une autre, qui promet de nouveaux rebondissements, François Hollande a eu sans doute le temps de réfléchir à quelques scénarios qui pourraient - peut-être - lui permettre des sortir du cataclysme Cahuzac et de ses dégâts collatéraux. Voire a-t-il eu le temps de les élaborer.
Le diagnostic est à la fois inédit et complexe. Un ministre socialiste a très gravement fauté. L'opposition parlementaire, dans son rôle, s'est engouffrée dans la brèche ouverte par icelui : elle veut des têtes pour faire tomber le gouvernement comme un chateau de cartes. Les regards se tournent d'abord vers le supérieur hiérarchique du ministre menteur : Moscovici.
L'extrême droite et la gauche de la gauche saisissent l'occasion pour faire du cataclysme une crise de régime... qui, en réalité, n'existe pas. Au moins à cette phase de l'histoire. Marine Le Pen demande la dissolution de l'Assemblée nationale, Mélenchon propose un "coup de balai", un an après le second tour de la présidentielle, pour qu'une assemblée constituante institue une VIe République.
Dos au mur et ébranlé par les turpitudes du ministre fraudeur, qui n'ont sans doute pas toutes été encore révélées , le PS s'attache à protéger le président de la République et le gouvernement. Son premier secrétaire, Harlem Désir, appelle l'exécutif à organiser un référendum. La proposition est floue mais on croit comprendre qu'elle tourne autour de la moralisation de la vie publique. Cent fois sur le métier...
Aucune solution n'est un coup de baguette magique
D'autres chefs de l'Etat, avant lui, ont traversé des crises - parfois violentes -, mais la nature de celle-là, il faut le reconnaître, est un peu particulière puisqu'elle tourne autour du parjure à grande échelle face à un président qui a prôné une "République exemplaire" de son entrée en campagne élyséenne jusqu'à sa victoire. Et qui en a fait un axe de son action depuis lors.
Elle intervient alors qu'il est au plus bas dans les sondages et que la contestation d'un des ses engagements en cours de réalisation parlementaire - le mariage homosexuel - réunit une majorité de l'électorat de droite et les franges nationalistes et identitaires les plus radicales, pas seulement dans les mots. En clair, cette crise tombe au moment où Hollande est le plus fragilisé.
Fragilisé, il l'est aussi par les interrogations sans réponse d'une partie de son propre électorat - voire sa désaffection. Hollande tablait sur l'amorce d'un retour de la croissance en 2013 alors que la crise économique et financière semble installée jusqu'en 2014. Au moins. Et les électeurs ne voient toujours pas les contours du plan B, le plan de rechange.
Face à ce diagnostic, le président à une palette de possibilités dont aucune n'est un coup de baguette magique. Elle vont de la plus improbable, quand elle n'est pas totalement farfelue politiquement, à la plus réalisable... sans garantie de réussite. Il y a fort à parier que la façon pour lui de s'en sortir se trouve parmi ces dix possibilités. Ou dans la combinaison de plusieurs d'entre elles.
1 Dissoudre l'Assemblée nationale
C'est la solution que Hollande rejettera en premier. Comme la "dissolution de confort" Chirac-Villepin de 1997, elle ne correspondrait à aucun cas de figure prévu par la Constitution : c'est pourquoi la demande lepéniste n'a pas de sens. Sinon celui de mettre un peu d'huile sur le feu par provocation, tant le résultat serait prévisible : une cohabitation avec risque d'absence de majorité stable.
2 Changer de premier ministre
Cette solution ne se justifie pas vraiment non plus. Même s'il est critiqué pour son manque de charisme et de visibilité, Ayrault n'a tout simplement pas fait tout son temps. Il doit tenir au moins jusqu'aux municipales auxquelles son sort est lié. Renvoyer le chef du gouvernement serait reconnaitre qu'il a failli politiquement au-delà de la tragédie Cahuzac.
3 Nommer une femme à Matignon
Variante de la solution précédente, elle tombe d'elle même si la précédente ne fait pas l'affaire. Cette cartouche sera peut-être utilisée, plus tard, au cours du quinquennat alors même que les femmes sont actuellement majoritaires - premier ministre exclu - au gouvernement. Le précédent raté avec Edith Cresson sous Mitterrand n'exclut pas l'hypothèse : les personnalités existent.
4 Remanier le gouvernement
Le départ de Cahuzac avait provoqué, d'une certaine manière, un remaniement puisque Cazeneuve avait hérité de son poste, Repentin avait ripé vers les affaires européennes et Sapin élargi ses compétences à la formation professionnelle. Mis à part que Hollande a écarté cette hypothèse - ce qui n'est jamais une assurance -, elle étendrait à l'ensemble du gouvernement ce qui est présenté comme la faute d'un seul homme.
5 Réduire la taille du gouvernement
Variante de la solution précédente (même remarque faite plus haut), elle aurait pour désavantage supplémentaire de remettre en cause les équilibres délicats qui ont présidé à la formation de l'équipe gouvernementale. En outre, elle attirerait l'attention de l'opinion sur un aspect que l'opposition - comme elle le fait de tout temps - sur la taille dite pléthorique du gouvernement. La crise le justifiera sans doute à un moment.
6 Ouvrir le gouvernement au centre
Autre variante du remaniement, elle s'emboîte comme une hypothèse gigogne. C'est sans doute le meilleure moyen de troubler un peu plus, ces temps-ci, l'électorat socialiste et de faire hurler la gauche de la gauche un peu plus fort. D'autant que les conditions politiques ne sont pas réunis pour une telle ouverture. Personne, du reste, ne se pousse au portillon !
7 Organiser un référendum
C'est l'hypothèse défendue par le patron du PS. C'est aussi une des solutions la plus envisageable, sinon la plus plausible. Désir réclamait déjà un référendum sur le cumul des mandats. Il fait preuve d'une certaine suite dans les idées, en la reprenant pour l'élargir au sujet plus vaste de la moralisation de la vie publique, même si c'est un peu vague.
L'opposition parlementaire prendrait-elle le risque d'appeler à le rejeter, au nom des priorités économiques et sociales comme elle le fait pour le mariage homo, alors même qu'elle porte le fer dans la plaie et qu'elle met tout son poids politique sur la mise en cause de la probité et de la morale des socialistes ?
8 Donner des signes à la gauche
Bien qu'il ait dit être "le président de tous les Français" et pas spécifiquement un président de gauche, Hollande est attendu par une bonne partie de son électorat sur des mesures... de gauche, autres que sociétales. C'est un vrai dilemme pour lui car sa sensibilité sociale-démocrate ne l'incite pas à aller au-delà de ce qu'il fait aujourd'hui. Et il ne souhaite nullement cautionner le discours de Mélenchon qu'il préférerait recadrer.
9 Faire une grande conférence de presse
Alors même qu'il vient de faire un long entretien télévisé avec David Pujadas sur France 2, le 28 mars, Hollande peut-il raisonnablement s'adonner une nouvelle fois à l'exercice devant un parterre de journalistes français et étrangers ? Cela paraît peu vraisemblable car il en aurait une moins grande maitrise. Et le caractère solennel ne serait pas assuré.
Et la 10e hypothèse est une adresse aux Français
Ils sont nombreux, les conseillers, à inciter Hollande à entrer dans le costume un peu raide de président de la République. A acquérir cette solennité dont l'UMP l'accuse d'être dépourvue. A atteindre cette stature qui fait quitter la condition de "président normal". Cette "présidentialité", l'attendrait-il en faisant une adresse du genre "c'est la guerre sur tous les front, retroussons nos manches" ? Il a certainement dû se poser la question. Est-ce le pari qu'il fera ? Réponse prochainement.