Des aveux de Jérôme Cahuzac au lancinant "tous pourris... ou presque"

Jérôme Cahuzac le 23 janvier 2013, à Paris. (SIPA)

Le poids des photos, le choc des mots ! Toutes les photos le montrent maintenant tête baissée ou le visage caché dans ses mains. Elles sont terribles. Accablantes. Les mots - les siens - décrivent l'ampleur du désastre : son naufrage politique. Et la profondeur du désarroi de l'homme.

Ces photos et ces mots constituent le portrait exactement inversé de Jérôme Cahuzac. Les images - celles d'avant - le montraient la tête haute, le regard perçant, le visage sûr de lui-même, hautain et méprisant, diront certains. Les mots - ceux d'avant - sonnaient clairs et sincères, acérés et sans appel malgré les soupçons qui pesaient sur lui.

Mais voilà, les soupçons n'apportaient pas "la" preuve irréfutable et les investigations prenaient la sinistre forme d'une chasse à l'homme où le "chassé" devait faire la preuve de son innocence, en contradiction complète avec le droit français. Et peut-être même en contradiction avec le journalisme.

Un plateau pour l'innocence, l'autre pour la candeur

Et puis quoi, Cahuzac n'avait-il pas juré de sa bonne foi, de sa probité outragée, pourrait-on dire, face au président de la République, face à ses collègues du gouvernement, face à la représentation nationale dans l'hémicycle du palais Bourbon, face aux Français dans un JT de 20heures. Tout ça faisait quand même beaucoup dans le plateau de l'innocence.

Il apparaît, depuis les aveux de l'ancien ministre du budget - qui détient donc bien un compte bancaire à l'étranger, garni de 600.000 euros - que de l'autre côté du fléau de la balance, l'autre plateau était celui de... la candeur. Car Cahuzac a trompé tout le monde. Jusqu'à lui-même si on veut bien croire la confession qu'il livre sur son blog. Il est permis, cette fois, d'être circonspect.

Maintenant que le forfait est reconnu, on ne va pas tarder, à travers les propos extrêmes dont l'échiquier politique a le secret, à parler de forfaiture. Il faut dire que Cahuzac aura fourni quelques munitions à tous ceux qui vont lui tirer dessus. Les défenseurs vont se faire rares. Si son crédit bancaire est au top, son crédit politique est sous terre.

L'opinion publique face à une sorte de parjure

Par une sorte de parjure à la mode hexagonale, l'ancien ministre a suspendu pour un bon moment sa carrière politique. Et même s'il a existé de rares retours spectaculaires, l'histoire politique française est surtout émaillée de disparitions consécutives à des affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire. Michel Noir a quitté la politique pour l'entreprise, Alain Carignon y végète toujours et Bernard Tapie s'est refait ailleurs.

Cette lamentable histoire ne va évidemment pas s'arrêter là. La justice va tenter, maintenant, de déterminer d'où venait cet argent patiemment amassé pendant 12 ans. Comme Cahuzac-chirurgien cardiaque s'était reconverti dans l'implant capillaire, cela donne quelques pistes de réflexion aux juges qui vont instruire l'affaire de "blanchiment de fraude fiscale", thème de la mise en examen de l'intéressé.

L'opinion lui fera-t-elle crédit d'être "passé à table" ou ne lui pardonnera-t-elle pas de s'être enferré dans le mensonge ? Pas sûr qu'elle se montre tendre avec Cahuzac qui a donné l'impression jusque dans la gestion publique de sa mise en examen - Le Canard enchaîné a annoncé ses aveux par avance - qu'il voulait rester maitre du naufrage.

Le déshonneur des uns fait l'honneur des autres

Même si elle est extrêmement rare, cette soudaine aspiration à la vérité, sans doute contrainte par l'étau de la coopération judiciaire franco-suisse, ne va probablement pas protéger son auteur. Ses détracteurs politiques auront beau jeu de dire : "pour un qui parle, combien se taisent ?" Et l'on verra réapparaitre le "tous pourris... ou presque", cher à Marine Le Pen.

Le fait que ce premier dénouement intervienne le jour même de la garde à vue de Jean-Noël Guérini, sénateur socialiste et président du conseil général des Bouches-du-Rhône, va certainement renforcer la présidente du Front national - sans se forcer ! - dans cette conviction. Et avec elle, les adeptes des appréciations aussi approximatives qu'erronées au regard du nombre de ceux qui se dévouent pour la politique.

Comme à toute chose malheur est bon, les plus avisés noteront que la justice passe même contre des représentants du pouvoir en place. Si le déshonneur frappe les uns, l'honneur reste l'apanage des autres. Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait fortuite !

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu