Jusqu'au dimanche 10 février, le Parti communiste français (PCF) tient son 36e congrès, à Saint-Denis, ville la plus peuplée de Seine-Saint-Denis. Elle est bien loin l'époque des congrès des années 1980, catastrophiques pour la direction du parti : le 24e en 1982, le 25e en 1985 et le 26e en 1987. Ils intervenaient après le recul historique enregistré à l'élection présidentielle de 1981 par Georges Marchais (15,35%), un score qui, aujourd'hui, ferait pâlir de plaisir le PCF !
Les congrès de cette décennie furent ceux de la contestation ininterrompue de la ligne pro-soviétique du groupe dirigeant par des cadres communistes successivement baptisés "rénovateurs", "refondateurs" et "reconstructeurs". Tous s'achevèrent par des purges et des limogeages, plus ou moins retentissants, comme ceux de Pierre Juquin, membre du bureau politique, lors du 25e congrès, ou de Félix Damette, membre du comité central, au congrès suivant.
C'était un temps où le PCF faisait encore la une de l'actualité. Ses congrès étaient des temps forts de la vie politique. Le parti avait encore du poids. Ce temps est révolu. Le "parti de la classe ouvrière" n'attire plus les feux des médias. Ce que la direction reconnaît implicitement sur son site Internet, en affirmant que lesdits médias "tairont" ou "déformeront" ce congrès.
1 L'avenir du PCF est lié à celui du Front de gauche
En le présentant à ses lecteurs, le journal l'Humanité du 7 février assurait que le congrès "s'ouvre dans un climat de large unité des communistes autour de la proposition de poursuivre la stratégie du Front de gauche". Et pour avoir à éviter de se pencher sur ce qui, précisément, fait débat parmi les élus de terrain - les maires et les conseillers municipaux -, le quotidien communiste ajoutait : "L'enjeu des discussions pour les militants est donc ailleurs : il s'agit de gagner la bataille du changement souhaité dans les urnes par les Français l'an dernier."
Pour appuyer son postulat sur "la large unité" stratégique autour de Front de gauche, l'Huma publiait les résultats d'un sondage Ifop qu'on peut lire ici intégralement. "Pour les Français, l'image du PCF reprend des couleurs", titrait le journal, en précisant, pour ceux qui n'auraient pas bien compris, que ce sondage "révèle une amélioration de l'image du PCF depuis la création du Front de gauche". En concédant, toutefois, que "des manques restent à combler".
Cette présentation - elle correspond indéniablement à la réalité au regard du résultat de la présidentielle - est un hommage, peut-être involontaire, à la stratégie de Jean-Luc Mélenchon face à Pierre Laurent, le patron du PCF. Pour Jean-Christophe Cambadélis, député, dirigeant du PS et ancien compagnon du co-président du Parti de gauche (PG) chez les trotskistes façon lambertiste, "le Parti communiste est sous influence de Mélenchon". Il développe cette formule lapidaire sur son blog.
De fait, Laurent s'attache moins à proposer aux communistes une perspective de conquête du pouvoir, via une participation gouvernementale qu'il rejette, qu'un simple rééquilibrage des forces au sein de la gauche, ce qui est le credo inlassablement répété de Mélenchon. Celui-ci, selon le mot de Cambadélis, "applique au PS, le traitement que le PCI [parti lambertiste dont ils étaient tous les deux membres] appliquait au PCF", en le rendant seul et unique responsable de tous les maux de la gauche.
2 Changer la société... sans solutions originales
Si l'avenir du PCF est étroitement lié à l'affermissement du Front de gauche, selon l'Humanité, son effacement y est également intimement lié. En effet, 58% des Français (et 61% des sympathisants de gauche) pensent aussi que ce même "Front de gauche risque de conduire à la disparition de l'identité et Parti communiste".
A cette aune, les résultats du sondage ifop sont, à certains égards, assez inquiétants quant à ses propres forces d'auto-développement. Certes, ce parti "veut changer la société" pour 47% des Français (contre 39% en 2010 et 56% en 1993) mais il n'est "utile pour défendre les salariés" que pour 32% d'entre eux (contre 31% en 2010 et 50% en 1993). Et 43% pense qu'il n'est pas utile pour cette tâche !
Pis encore, si un Français sur deux environ estime que le PCF veut changer la société, ils ne sont plus que un sur six (16%) à penser qu'il "présente des solutions originales".
Et ce qui frappe dans les réponses à cette batterie de questions, c'est l'ampleur des sondés qui, n'ayant pas d'opinion, ne sait pas quoi répondre : de l'ordre d'un quart des Français sur chacun des items. Cela traduit soit une méconnaissance du PCF, soit un désintérêt à son endroit. L'une des réponses n'étant pas exclusive de l'autre.
Au final, un petit tiers des Français (31%) à une "bonne opinion" du Parti communiste (contre 27% en 2010 et 46% en 1993), un autre petit tiers (30%) n'en pense rien (39% en 2010 et 27% en 1993) et un troisième gros tiers (39%) à une "mauvaise opinion" (34% en 2010 et 27% en 1993).
3 Mieux vu par les cadres supérieurs que par les ouvriers
Last but not least, la perception du PCF par catégories socio-professionnelles ne laissent pas d'intriguer. Désormais analyser à travers le Front de gauche, donc sa figure emblématique, Mélenchon, le PCF intéresse plus les commerçants, artisans, professions libérales et cadres supérieurs que les employés et les ouvriers. D'aucuns résumeront cette évolution par une formule de café du commerce : "Mieux vu chez les bobos que chez les prolos".
Si 55% des cadres sup' pensent que le parti veut changer la société, ils ne sont que 31% chez les ouvriers à leur emboîter le pas. Même chose pour la défense des salariés : les cadres (38%) y croient plus que les ouvriers (29%). Et dans les même temps, les professions libérales et les cadres sont les catégories qui accordent le moins de crédit (11%) à l'originalité des solutions proposées par le PCF.
Le combinaison de ces réponses - contradictoires - met en évidence, non seulement la fragilité de l'image de l'appareil communiste, mais également la probable instabilité de son électorat. Plus que jamais, la modification de l'image du PCF et son problème politique majeur portent un seul et même nom : Mélenchon.
Laurent ne peut l'ignorer car il sait bien que la stratégie de son ancien candidat à la présidentielle de 2012 est, avant tout, de déborder les appareils.