Deux Français sur trois sont favorables à l'intervention militaire de la France au Mali décidée par le président de la République. C'est ce que disent les sondages. Près de trois semaines après le début de l'opération Serval, le 11 janvier, les enquêtes d'opinion témoignent du maintien d'une sorte d'unité nationale. Pour autant, cette dernière ne profite que très faiblement à l'exécutif.
Ni Hollande ni Ayrault ne voit sa cote de popularité faire un bond spectaculaire. Tout au plus enregistrent-ils, l'un et l'autre, un léger frémissement. Ainsi, le dernier sondage Ifop pour le JDD (réalisé du 10 au 18 janvier) donne 1 point de plus à Hollande : 38% de satisfaits contre 37% en décembre, le pourcentage de mécontents restant à 62%.
Le chef de l'Etat est confronté au même phénomène que son prédécesseur. Alors qu'une large majorité de Français soutenait l'intervention militaire aérienne de la France en Libye, en mars 2011, Sarkozy n'en avait tiré aucun profit personnel, l'impopularité restant, d'une certaine manière, sa marque de fabrique jusqu'à la fin de son quinquennat.
Un réflexe patriotique d'unité
Comme l'explique Jérôme Fourquet, directeur de département à l'Ifop, "l'opinion publique (qu'il est chargé d'examiner) sait faire la part des choses". "Elle peut exprimer un réflexe patriotique d'unité, précise-t-il, sans pour autant modifier son jugement d'ensemble sur l'exécutif, et le président en particulier."
"En l'occurrence, poursuit cet expert, l'opinion publique perçoit l'intervention militaire française comme une opération importante mais pas comme l'entrée en guerre de la France."
L'effet avait été le même au moment de la guerre du Golfe (1990-1991) : la cote de popularité de Mitterrand était montée de quelques points avant de revenir assez rapidement à son niveau initial. A contrario, Thatcher en Angleterre et Bush fils aux Etats-Unis avaient bénéficié d'un net regain de popularité au moment de la guerre des Malouines (1982) et des attentats du 11 septembre 2001. Dans les deux cas, les opinions avaient le sentiments (réel) que leur pays était attaqué. Nous ne sommes pas là.
Une seule préoccupation pour l'opinion : le chômage
D'autres faits d'actualité pouvaient-ils favoriser la cote de popularité de Hollande ? La libération de Florence Cassez, par exemple. Fourquet voit là "un emballement médiatique qui est très décalé par rapport aux préoccupations des Français". Alors la fermeté de l'exécutif par rapport au projet de loi de mariage homo ? "Ceux qui n'aimaient Hollande ne l'aiment pas davantage, rétorque l'expert, et il ne pouvait pas tergiverser vis-à-vis de son électorat, après l'épisode de la 'liberté de conscience' des maires."
Quant aux perspectives plus ou moins lointaines d'amélioration de la conjoncture - des signes avant-coureurs se font jour depuis quelques mois aux Etats-Unis, notamment -, ils sont "invisibles et inaudibles pour l'opinion", estime le directeur de département de l'Ifop.
De toute façon, un seul paramètre retient vraiment l'attention de l'opinion publique : le chômage. Elle témoigne d'un grand scepticisme à l'égard de la lutte qui est engagé contre lui, estimant que les baisses qu'il pourrait enregistrer seraient le résultat d'artifices. Une amélioration sur ce front là pourrait-elle avoir des résultats immédiat en terme de popularité ?
Rien n'est moins sûr pour Fourquet car il y a une sorte d'"effet retard". "Si ça s'améliore, note-t-il, il s'écoulera au moins de 6 à 8 mois avant que les sondages de popularité ne fassent apparaître des modifications d'appréciation de l'opinion publique" à l'égard de l'exécutif. En clair, et au mieux, cela n'interviendrait qu'au second semestre 2014. D'ici là, Hollande, comme Sarkozy, restera un président impopulaire.
Des impopularités de natures différentes
Contrairement au septennat, qui a ouvert la porte à de possibles cohabitations, le quinquennat est un temps court qui laisse peu de place au rétablissement de la courbe de popularité du président de la République. Sauf événement exceptionnel et inattendu ! Mitterrand, entre 1986 et 1988, puis Chirac, entre 1997 et 2002, avaient profité de la cohabitation pour "se refaire la cerise". Plus question aujourd'hui.
Reste, enfin, que les impopularités de Sarkozy et de Hollande ne sont pas tout à fait de même nature. Le premier avait soulevé beaucoup d'espoir chez ses électeurs - on se souvient de son slogan de 2007, "Ensemble, tout devient possible" -, et il a suscité une déception à la mesure de celui-ci. Voire même un sentiment de trahison dans certaines franges de son électorat.
Prolongation de la crise aidant, la situation du second est différente. S'il y a une dimension d'espoir dans l'élection de Hollande, elle est concurrencée par le paramètre du rejet de Sarkozy. Si l'impopularité de ce dernier tenait beaucoup à sa personnalité surdimensionnée, celle de son successeur s'est nourrie, au départ, des interrogations sur sa capacité à "faire le job". C'est de cette démonstration que dépend aussi, maintenant, sa courbe de popularité.