Les anti-européens ont un nouveau chef. Pardon, un nouveau "leader" ! Ou une nouvelle icône. Il s'appelle David Cameron, il est premier ministre de Grande-Bretagne et il est conservateur.
En annonçant, le 23 janvier, l'organisation, avant la fin 2017, si les conservateurs remportent les élections, d'un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l'Union européenne, le locataire du 10 Downing Street, à Londres, a donné du tonus aux anti-européens français. Ceux de droite et de son extrême se sont engouffrés dans la brèche. Ceux de gauche vont peut-être prendre le temps de réfléchir.
Les pourfendeurs de l'Europe des origines à nos jours n'en demandaient pas tant. Cela ne pouvait que ravir Florian Philippot, jeune énarque, vice-président du Front national. "Nous ne pouvons que saluer l'esprit très démocratique du gouvernement britannique qui vient d'annoncer sa volonté d'organiser un référendum sur l'Union européenne avant 2017", s'est-il réjoui.
Cette première salve ne pouvait évidemment pas aller sans la seconde : "Ce respect de la souveraineté populaire outre-Manche, a-t-il ajouté, selon le principe du langage automatique, tranche avec l'esprit de caste qui règne en France, où les référendums se font de plus en plus rares, quand leurs résultats ne sont pas annulés par les parlementaires UMP et PS, comme ce fut le cas pour la Constitution européenne !"
Abandonner 60 ans de construction européenne
Dans le genre réflexe de Pavlov, Nicolas Dupont-Aignan ne pouvait pas faire moins que de déclarer sa flamme pour l'Europe... mais pas celle qui existe évidemment. "Depuis 30 ans, l'Union européenne a kidnappé la belle idée européenne, a lancé le président de Debout la République, avant d'enchaîner, comme d'habitude, que "les commissaires de Bruxelles, dont le pouvoir surpasse ceux des gouvernements élus, ont construit un monstre technocratique qui est devenu le cheval de Troie de la mondialisation la plus sauvage". Fermez le ban.
Représentant de l'aile dure de l'UMP, la Droite populaire, Jacques Myard, député des Yvelines, considère que "David Cameron pose la bonne question. Aujourd'hui, l'Europe est en crise. L'Europe ne peut s'en sortir que si elle s'amaigrit dans toutes les compétences qu'elle a avalées telle une boulimie frénétique". Et de proposer de "tout remettre à plat". En clair, d'abandonner près de 60 ans de construction européenne ?
Henri Guaino, qui se présente comme un apôtre du gaullisme détenteur de la vraie croix de Lorraine, préfère saluer uniquement le souhait de Cameron de consulter le peuple par référendum. Car pour le reste, l'ancien conseiller spécial de Sarkozy, député (UMP) des Yvelines, précise que "l'Europe sans la Grande-Bretagne, c'est tout simplement impensable". De quoi fâcher Le Pen et Dupont-Aignan.
Utilisant la volonté affichée des Britanniques, qui bénéficient déjà d'un statut très particulier au sein de l'Union, de revenir à une Europe constituant uniquement un marché économique, les anti-européens prêchent, en réalité, pour une "déconstruction" du projet politique européen. C'est l'éternel retour du nationalisme qui, il est vrai, a le vent en poupe à chaque fois qu'il y a crise et repli sur soi-même.
Les "pro" doivent redoubler d'efforts politiques
Les Européens convaincus l'ont bien compris qui, par la voix de Marielle de Sarnez, vice-présidente du Mouvement démocrate (Modem), notent que le problème soulevé par Cameron est "la question même de l’avenir de l’Union".
"Il est frappant de constater, remarque le bras droit de Bayrou, que se repose 40 ans après l’adhésion de la Grande-Bretagne, la question même du premier jour : un grand marché, zone de libre échange, ou une volonté politique en construction ?"
Il est curieux de constater que l'accroissement des attaques contre l'Union - pour des raisons de politiques intérieures en ce qui concerne Cameron, de façon récurrentes pour les anti-européens de l'Hexagone - intervient alors même que les dirigeants européens - Hollande et Merkel en tête - ont multiplié les efforts pour sortir la zone euro de la crise. Celle de la monnaie et celle de la dette des États.
Est-ce parce que - optimisme aidant - l'Union européenne se remet sur de bons rails que les coups redoublent ? Ce n'est pas impossible car les "anti" n'ont pas vraiment d'éléments nouveaux pour alimenter leur discours. C'est donc le moment pour les "pro" de redoubler d'efforts politiques pour dire à Cameron qu'il est dans l'erreur. Et que la tentation du populisme n'est jamais une bonne conseillère.