Depuis quelques jours, la droite se trouve dans une situation paradoxale. Alors que la réussite de l'organisation, à Paris le 13 janvier, de la manifestation à tiroirs contre le projet gouvernemental de mariage homo aurait dû lui permettre d'apparaître en majesté dans sa lutte contre le président de la République, il n'en est rien !
Il se trouve en effet que deux jours avant, le 11, François Hollande, chef des armées, a lancé l'opération Serval au Mali pour repousser les djihadistes qui menaçaient, en allant investir Bamako, de faire du pays un État terroriste. Sa décision est soutenue par 75% des Français, selon un sondage BVA.
Les paramètres de la situation actuelle
Premier point : il n'y a évidemment aucun rapport entre les deux événements. Penser que la très lourde décision prise par Hollande, tant sur le plan militaire et humain que du point de vue stratégique et diplomatique, aurait un quelconque lien avec un débat hyper-polémique de politique intérieure, serait pure affabulation. Du reste, aucun responsable, aucun dirigeant sérieux ne l'a même envisagé.
Second point : les deux faits politiques ne sont pas de même nature. Le mariage homo - baptisé "mariage pour tous" par le gouvernement - est une avancée nationale, pour les socialistes, puisqu'elle permet l'adaptation du droit civil à l'évolution de la société. Une chose est certaine, en tout cas, elle ouvre un droit nouveau à une minorité sans ôter quoi que ce soit à la majorité. L'opération Serval est une intervention de portée internationale qui, sans minorer le fait précédent, recouvre des enjeux d'une gravité sans précédents.
Troisième point : l'un trouvera son aboutissement dans un processus démocratique par le vote d'une loi prévu à la fin janvier, l'autre s'achèvera par la défaite sur le terrain des terroristes islamistes... ou l'enlisement militaire de France car les armées africaines de la CDAO n'auront pas su, ou pas pu, prendre le relai de l'ancienne puissance coloniale.
L'irruption de l'accord sur la sécurisation de l'emploi
Ces préalables étant posés, force est de constater que la droite se trouve dans l'embarras face à la nouvelle donne politique qui prévaut depuis une semaine. Alors que la mère des batailles est celle contre le chômage, ainsi que l'a martelé Hollande dans ses voeux de fin d'année à la nation, les partenaires sociaux ont offert au chef de l'Etat, le 11 janvier, un accord sur la sécurisation de l'emploi.
Certes, ce n'est pas le "compromis historique" qu'il réclamait mais les maitres d'œuvre ont estimé qu'il est "ambitieux" (CFDT) et "structurant" (Medef). De fait, les deux ont mis les mains dans le cambouis pour sortir d'un statu quo social stérile. Ils ont ainsi ouvert la voie à un nouveau type de relations dont la social-démocratie ne peut pas être mécontente.
Hollande peut voir dans ce compromis là, le succès de la méthode du dialogue qu'il prônait en la circonstance. Et sans avoir trop à le souligner - il ne le fait plus -, il peut marquer sa différence avec la méthode de son prédécesseur qui n'avait eu de cesse de fustiger les "corps intermédiaires", c'est-à-dire les syndicats, entre autres, pendant la campagne présidentielle.
Le vrai caractère du président de la République
La droite, qui se serait bien satisfaite d'un échec de la négociation entre les partenaires sociaux, se trouve ainsi privée d'un trophée. Et voilà qu'en plus, elle trouve en face d'elle un chef de guerre. Comme beaucoup d'observateurs et de responsables politiques se sont déjà trompés sur le vrai caractère du président de la République, gageons qu'il avait l'âme d'un "commandant en chef" avant le déclenchement de l'opération Serval.
Mais là aussi, il a procédé de la même manière, en utilisant d'abord la voie diplomatique. Hollande a fait voter deux résolutions au Conseil de sécurité, il y a plusieurs semaines, pour préparer le terrain, si on peut dire, de la phase militaire. La droite n'a peut-être pas assez compté avec sa détermination.
Enfin, sur le troisième volet - le mariage homo -, celui qui lui est le plus favorable en raison de la mobilisation massive des opposants, la droite ne fait pas montre d'une extraordinaire habilité. Fascinée par le panache blanc de Guaino, ancien conseiller spécial de Sarkozy devenu député, elle s'engouffre sur le thème du référendum, ce qui ne manque pas de sel quand on sait pourquoi le "mariage pour tous" ne peut relever d'une consultation populaire.
Le mauvais combat sur le référendum
La droite d'aujourd'hui aurait-elle oublié les oppositions de la droite d'hier ? Elle sait fort bien que le mariage homo, prototype du sujet appartenant au domaine des libertés publiques, n'entre pas dans le champs de l'article 11 de la Constitution, celui qui permet au chef de l'État de demander au peuple de se prononcer. Cela se fait sur l'organisation des pouvoirs publics, pour des réformes économiques, sociales ou environnementales, à propos de la ratification de traités.
De surcroît, elle n'ignore pas - comble de l'ironie - que la droite sénatoriale est à l'origine de cette impossibilité constitutionnelle. Majoritaire au Palais du Luxembourg en 1984, elle s'opposa à la révision de la Loi fondamentale que proposait Mitterrand en ouvrant le champs de l'article 11 au domaine... des libertés publiques. A l'époque, elle ne souhaitait probablement offrir une victoire au président de gauche qui venait de se faire battre sur la question de l'école privée.
Il faut dire que sur cette question des libertés publiques, la droite n'a jamais vraiment été en pointe. En 1975, VGE et Simone Veil durent lui tordre le bras pour faire adopter l'IVG à laquelle la gauche était favorable. En 1982, elle s'opposait encore à la dépénalisation de l'homosexualité que la gauche soumettait au vote du Parlement. En 2013, une mauvaise conjugaison d'étoiles fait qu'elle se trouve au milieu de part part.