Le pire scenario se joue à l’UMP ! Quel que soit le nom qui sortira du chapeau de la Cocoe - commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales interne au parti -, celui-ci sera entaché de soupçons de fraudes, de tricheries et d’irrégularités. Les quolibets ne viendront pas tant du camp du vaincu - il faudra bien savoir mettre un terme à la bataille - que de l’opinion publique elle-même.
L’élection du successeur de Nicolas Sarkozy à la présidence de l’UMP par les 300.000 adhérents revendiqués, dimanche 18 nombre, a tourné au fiasco. Successivement, les deux candidats en lice, François Fillon et Jean-François Copé, ont revendiqué la victoire. Résultat : le principal parti de l’opposition n’a pas - encore - de patron reconnu mais deux présidents autoproclamés.
Pronostiqué grand vainqueur par les sondages réalisés auprès des sympathisants de l’UMP, l’ancien premier ministre quinquennal de Sarkozy a été, en réalité, remis à sa place par les militants du parti. Et comme cela avait été envisagé ici même, le résultat s’est révélé beaucoup plus serré, au point de ne pas pouvoir départager sereinement les protagonistes.
Au bout du compte, l’UMP perd sur tous les tableaux, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes pour une consultation interne que le parti ne pouvait être que le seul à gagner.
La campagne a été houleuse, virant même à l’aigre dans la dernière ligne droite ; l’organisation du scrutin a été défectueuse, en raison d’un trop faible nombre de bureaux de vote ; la démocratie a été bafouée, si l’on s’en tient aux multiples accusations réciproques, alors même que l’UMP voulait faire la preuve de sa transparence ; le résultat montre un mouvement politique coupé en deux, ne laissant apparaître, au final, que des ambitions personnelles pour la présidentielle de 2017.
Juppé s'est retiré sur l'Aventin
Juste dix ans après sa fondation par Jacques Chirac, en 2002, le bilan de l’UMP est nettement catastrophique.
Son premier président, Alain Juppé, est prudemment resté sur l’Aventin, en refusant de prendre partie pour l’un ou l’autre des combattants. Prévoyait-il cette issue ? Se plaçait-il déjà en recours ? Il n’est pourtant pas certain que cette position de « Sage » ne soit pas interprétée par les deux camps en présence comme une simple posture destinée à « tirer les marrons du feu », selon le sens que l’on donne aujourd’hui à cette expression.
Le dernier président, Nicolas Sarkozy, est très largement responsable de cette situation. En faisant en sorte que nul ne lui succède au poste de président après son entrée à l’Elysée en 2007, il n’a pas rompu avec la pratique autoritaire et bonapartiste qui a jalonné la vie du parti néogaulliste, de l’UDR à l’UMP : il a mis l’éteignoir sur sa vie démocratique. Le but était de s’éviter une éventuelle concurrence…
Les deux candidats de 2012, qui se détestent cordialement, se sont opposés dans une guerre impitoyable à l’occasion d’une campagne meurtrière. Reconnaissons que ce paramètre n’est pas forcément un handicap rédhibitoire tant les socialistes, et pas qu’eux, ont montré qu’on pouvait s’en remettre politiquement. Quand elle veut, l’opinion n’a pas de mémoire !
Dans l’immédiat, toutefois, Fillon et Copé sortent au mieux « meurtris » de ce face à face raté et au pire « ridiculisés » par les palinodies qui l’ont entouré. Pour des responsables qui n’ont cessé de dénoncer, ces dernières semaines, les « couacs » du gouvernement et son soi-disant « amateurisme », cette situation personnelle n’est pas la plus enviable.
Au final, si l’UMP perd dans tous les compartiments du jeu, il doit bien y avoir un ou des gagnants ou, à tout le moins, des personnalités et des partis qui peuvent en tirer profit. Ou bien le croire.
Les trois qui en tirent profit
Les partisans de Copé - l’ancienne ministre Nadine Morano et un ancien porte-parole, Guillaume Peltier, notamment - n’ont pas tardé à dire que Sarkozy sortait vainqueur de cet imbroglio. Mis à part que cette appréciation relativise le soutien qu’ils apportent au toujours secrétaire général de l’UMP, cette vision à courte-vue est très « localo-localière ».
Elle renvoie la supposée victoire à un homme qui vient de se faire remercier par les Français dans une vraie élection nationale sans bavures, ce qui n’est pas le meilleur gage de réussite pour l’avenir. Elle encalmine encore plus l’UMP dans le sarkozysme alors que la moitié, au moins, des militants - le noyau dur - voulait tourner la page en votant pour Fillon.
Cette hypothétique emprise de l’ancien président de la République fait fi de l’existence d’une scène politique sur laquelle évolue d’autres acteurs qui, eux-aussi, peuvent se féliciter des malheurs de l’UMP. Ils sont au moins trois.
Sur sa droite, il y a évidemment le Front national. L’extrême droite, qu’embarrasserait une victoire d’un Copé chassant sur ses terres, va surfer sur le thème de la triche dans les rangs d’un parti de gouvernement. Il choisira donc probablement le terrain de la crédibilité.
Il y a également, sur sa gauche, l’UDI de Jean-Louis Borloo. A l’inverse du FN, le président du parti radical souhaite une « UMP copéisée » qui ouvre un espace plus large aux centristes. Comme le mal est fait, il va pouvoir se placer sur le terrain de la sérénité politique pour attirer les enfants perdus du gaullisme social.
Enfin, l’exécutif, qui va bénéficier d’un répit médiatique, est le troisième bénéficiaire des tracas de l’UMP. Les « couacs » et l’amateurisme vont changer de camp. Il n’en reste pas moins, cependant, que dans toute démocratie, le pouvoir ne se satisfait jamais de ne pas avoir une opposition politique structurée, sérieuse et crédible. Sinon, l’absence ouvre la voie à l’extrémisme. Mais la nature a horreur du vide.