Il ne faut pas s’y tromper : la première conférence de presse du quinquennat donnée par François Hollande, mardi 13 novembre, est à marquer d’une pierre blanche politique.
Présentée, souvent par commodité, comme un exercice de communication, la longue adresse faite aux Français par le président de la République et le jeu de questions-réponses engagé avec les journalistes sous les ors de l’Elysée, cette conférence a surtout été un cadrage politique. Voire un recadrage !
En un face à face de 2h 30 avec les journalistes, le chef de l’Etat a voulu envoyer un signal au pays pour lui dire qu’il avait retrouvé ses racines politiques, celle du club « Témoin » du début des années 1990 quand, jeune quadra, avec Ségolène Royal, Jean-Yves Le Drian ou Jean-Pierre Jouyet, il ferraillait pour le compte de Jacques Delors.
Bien sûr, le chef de l’Etat a adressé un message aux Français pour leur dire, en ce temps de Vendée Globe, qu’il y a un skipper à la barre du bateau et qu’il existe un cap qui sera maintenu. Même dans la grosse mer.
Assurément, il a voulu répondre à la droite qui multiplie les procès en amateurisme et en couacs, sans se priver de rappeler qu’elle même n’avait pas été exempte de problème de réglages. Il suffit de se souvenir des 14 jours au gouvernement de « JJSS » - Jean-Jacques Servan-Schreiber, éphémère ministre des réformes de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 – ou des 6 mois des « Juppettes » en 1995 !
Mais au-delà de tout cela, le maitre-mot politique de cette conférence de presse a été le verbe « assumer ». Pour ne pas dire qu’il y a un virage sur la compétitivité, sur le coût du travail, sur la TVA – terme qu’il récuse -, François Hollande dit tout simplement qu’il « assume ». Et que peut-on assumer sinon un changement. Et son histoire politique personnelle.
Vers la "Nouvelle société" de la gauche réformiste
Et le changement n’est ni plus ni moins de nature politique entre la ligne imprimée pendant la campagne électorale et celle qu’il applique à l’Elysée. Hollande n’est pas passé de gauche à droite, comme veut bien le faire croire le parti communiste et l’extrême gauche mais il a retrouvé son positionnement delorien, celui d’une gauche réformiste.
Ce n’était pas le ton dominant de la campagne pour une raison simple : la meilleure manière de se démarquer du discours très à droite de Nicolas Sarkozy était de tenir un discours « gauche-gauche » du type de celui de Mitterrand en 1981.
Signe de ce repositionnement au sein de la gauche, François Bayrou a porté un jugement plutôt positif sur la prestation du chef de l’Etat, en louant son discours qu’il a jugé « à la hauteur de la fonction ». A l’autre bout du spectre, Jean-Luc Mélenchon a parlé de « capitulation sans conditions » et de « pédagogie du renoncement ».
C’est donc bien à une clarification au sein de la gauche qu’invite la conférence de presse du 13 novembre. Pas loin de 20 ans après le rêve envolé d’une partie des socialistes de voir Jacques Delors porter leurs couleurs à la présidentielle de 1995, voilà que François Hollande remet ce logiciel au goût du jour.
A n’en pas douter, ce cap là va déstabiliser à gauche et à droite. A l’intérieur du PS d’abord où les vieux clivages vont rapidement remonter à la surface comme à la belle époque du combat sans merci entre les mitterrandistes et les rocardiens. Il va falloir à Ayrault de la poigne et de l’autorité pour maintenir la solidarité gouvernementale.
Avec les écologistes, la partie sera plus complexe. A l’évidence, le nouveau discours de Hollande ne plaira pas à la frange radicale des Verts. En même temps, les ministres « écolos » ont en tête de se forger une réputation de sérieux et d’élargir l’assise de leur parti au sein de la majorité.
Pour la droite, enfin, le positionnement delorien de Hollande peut susciter des questions tant il peut lui rappeler la tentative de « Nouvelle société » lancée par Jacques Chaban-Delmas au début des années 1970. Et cela ne pourra pas laisser indifférente l'aile libérale et centriste de l'opposition.
On ne se défait pas facilement de ses pesanteurs politiques !