Appelé par François Hollande à présider la commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique, Lionel Jospin a remis le rapport de celle-ci au président de la République, vendredi 9 novembre. Il comporte 35 propositions.
Elles vont d’un parrainage citoyen des candidats à l’élection présidentielle – 150.000 signatures d’électeurs au lieu des 500 signatures d’élus – jusqu’à une « stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts », en passant par une introduction de la proportionnelle pour l’élection des députés (58 sur 577), un étape supplémentaire dans le non-cumul des mandats pour les parlementaires et une évolution du statut pénal du chef de l’Etat.
Beaucoup de ces propositions nécessitent une nouvelle révision de la Constitution. La dernière en date remonte au 21 juillet 2008 à l’initiative de Nicolas Sarkozy qui avait choisi la voie du Parlement réuni en Congrès à Versailles et non pas celle du référendum.
Baptisé « Projet de loi constitutionnel de modernisation des institutions de la Ve République », le texte soumis au vote des députés et sénateurs s’était inspiré du rapport d’une commission présidée par l’ancien premier ministre, Edouard Balladur, qui avait émis 77 recommandations.
Ce projet avait pour but essentiel d’élargir et d’affirmer les droits du Parlement face à ceux du président de la République. De ce point de vue, il n’a pas vraiment atteint son objectif tant le quinquennat précédent a été marqué par une hyper-présidence.
Une révision hollandaise à l'horizon 2013
Il n’en demeure pas moins que cette loi constitutionnelle s’est traduite par un progrès considérable de la démocratie avec l’introduction de la QPC – Question prioritaire de constitutionnalité – qui autorise chaque justiciable, de façon encadrée, à demander au Conseil constitutionnel si une disposition législative est conforme à notre Loi fondamentale.
Quatre ans après cette révision sarkozyste de la Constitution, une révision hollandaise se profile à l’horizon 2013. Et comme la précédente, elle se fera à partir de suggestions d’une commission présidée par un premier ministre battu à la présidentielle.
Après Balladur, devancé par Jospin et Chirac en 1995, voilà donc maintenant Jospin, devancé par Chirac et Le Pen en 2002. Les deux battus étaient en poste à Matignon au moment de leur échec au premier round de l’élection présidentielle.
Le premier était le mentor de Sarkozy, lequel a remporté l’élection présidentielle de 2007 ; le second avait formé Hollande au poste de premier secrétaire du PS – il avait écrasé Mélenchon lors de l’élection du 27 novembre 1997 avec 91% des voix – avant de le voir entrer à l’Elysée en 2012.
A défaut d’avoir atteint la magistrature suprême, sans doute, en partie, pour avoir fait la même erreur politique, en confondant le premier tour de la présidentielle avec le second, Balladur et Jospin auront contribué à modifier en profondeur les institutions de la Ve République. A ce titre, ils sont l’un et l’autre des paradoxes : réformateurs de la République sans l'avoir présidée.
Pour ne pas apparaître "ringard"
Écartés du devant de la scène politique – involontairement pour Balladur et volontairement pour Jospin –, les deux hommes y ont été réinstallés par le poulain qui avait fait mieux que le maître.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Car si le mandat présidentiel dure aujourd’hui cinq ans au lieu de sept depuis l’instauration de la Ve République par la Constitution du 4 octobre 1958, c’est par la grâce de… Lionel Jospin.
Devenu chef du gouvernement après l’échec de la dissolution de l’Assemblée nationale provoquée par Jacques Chirac, en 1997, Jospin va imposer, en 2000, le quinquennat au chef de l’Etat qui n’en veut pas. Pour ne pas paraître « ringard » face à cette évolution institutionnelle, le président finit par organiser un référendum, en septembre, qui attire à peine plus de 30% du corps électoral mais assure une victoire du « oui » à plus de 73%.
En vain, le premier ministre de cohabitation fera même du quinquennat un argument de vente présidentielle, en proclamant qu’«il vaut mieux cinq ans de Jospin que sept ans de Chirac ».
Un référendum pour se "relégitimer" ?
Reste à savoir maintenant la voie que choisira l’actuel chef de l’Etat pour donner force constitutionnelle aux propositions Jospin après le vote séparé des deux Chambres. Congrès ? Référendum ?
François Hollande peut légitimement s’interroger sur le bénéfice politique de chacune des solutions.
Celle-ci dépendra, évidemment, de la conjoncture du moment mais s’agissant d’une question comme le non-cumul des mandats, plus populaire dans l’opinion publique que parmi les parlementaires, la consultation populaire peut avoir un intérêt.
Un référendum – ce serait alors le 10e sous la Ve République – pourrait aussi avoir pour fonction de « relégitimer » le pouvoir avant des consultations électorales locales qui seront plus périlleuses pour la gauche. La droite, de son côté, ne manquerait probablement l’occasion de tenter de la « délégitimer ».