Il est toujours hasardeux de transposer la situation politique d’un pays sur un autre. L’histoire et les particularités des nations permettent rarement de faire des copiés-collés judicieux. Il est toutefois tentant, au-delà de la science politique locale, d’examiner les ressorts d’une victoire ou d’une défaite chez ses voisins pour en tirer des enseignements pour soi-même.
A coup sûr, c’est ce que font chez nous, en ce moment même, les experts en campagnes électorales à propos du résultat de l’élection présidentielle américaine. Aussi bien du côté de la majorité que de l’opposition. Tous doivent tenter de percer les secrets de la stratégie victorieuse de Barack Obama et de déceler les erreurs de celle de Mitt Romney. Il ne s’agit pas tant de « recettes de communication » que de « positionnements politiques »
1On peut être réélu malgré la crise
Si tous ont été touchés, tous n’ont pas chuté. Nombre de chefs d’Etat et de gouvernement ont été les victimes politiques de la crise économique. Mais tous n’ont pas subi le sort de Brown, en Grande-Bretagne, de Socrates, au Portugal, de Berlusconi, en Italie, de Papandreou, en Grèce, de Zapatero, en Espagne, ou de Nicolas Sarkozy, en France, pour ne citer qu’eux. En face, les survivants sont peu nombreux : Merkel avait été reconduite en Allemagne, en 2009, Harper au Canada, en 2011, et Obama aujourd’hui, à Washington.
En dehors des retombées sociales de la crise, ce sont aussi les effets de l’impopularité et la force du rejet qui expliquent les revers électoraux. La France en est un exemple. Ces paramètres ont pesé sur la majeure partie du quinquennat précédent. Les mêmes causes produiront-elles les mêmes effets, en sachant que l’impopularité et le rejet ne se traitent pas de la même manière.
2On peut être réélu en segmentant l'électorat
Une des clés de la campagne victorieuse d’Obama a été sa volonté de s’adresser séparément et successivement à différents segments de l’électorat. D’aucuns appelleront ça du clientélisme. De fait, il a tenu un discours pour chacune des communautés, et pas seulement ethniques, qui composent la société américaine.
Ce type de campagne peut-il fonctionner dans un pays, la France, qui n’a ni tradition ni volonté politique – heureusement ! – communautariste ? La question n’a pas encore de réponse. Tout au plus peut-on noter que l’actuel président de la République a imprimé une double marque sociétale à son quinquennat naissant : la parité et la défense d’une minorité.
Par une action volontariste au moment de la formation du gouvernement, il a envoyé un signal à toutes les femmes, et par le choix d’engager la société dans la voie du « mariage pour tous », il montre à la minorité homosexuelle qu’elle a toute sa place, publiquement, dans la vie de la cité. S’agit-il d’un début de segmentation de l’électorat ?
3On peut être battu faute d’avoir choisi sa ligne
Les spécialistes de la politique américaine s’accordent à dire que, parmi les causes de l’échec de Romney, il y a eu ses voltes faces doublées de son incapacité à choisir entre les centristes républicains et les ultras du Tea party.
Toute comparaison avec la situation française n’est pas fortuite puisque, justement, ce choix a été au cœur de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, il a été à l’origine de la décision de créer l’UDI par Jean-Louis Borloo et qu’il est encore présent dans la confrontation qui oppose François Fillon et Jean-François Copé pour la présidence de l’UMP.
Et même si comparaison n’est pas raison, la droite française – qui espérait une victoire de Romney – a toutes les raisons de s’interroger sur sa propre stratégie à l’aune de celle, perdante, du parti conservateur américain. Car la défaite de Romney, c’est aussi celle des tentations d’alliance avec le Tea party.