Gréviste ou non gréviste ?

Tu es gréviste ou pas ? C'est la phrase que l'on entend le plus souvent dans les couloirs de l'usine, ces jours-ci. Alors que l'usine d'Aulnay est bloquée depuis le 16 janvier. Sandrine a une boule au ventre, chaque fois qu'elle passe la grille de l'usine. Mais cela ne date pas de la grève, même si ces derniers jours n'ont rien arrangé. Avec Didier, son mari, ils sont tous les deux non grévistes. Tous les deux délégués du SIA (Syndicat Indépendant de l'Automobile), le syndicat maison qui n'appelle pas à la grève. Sandrine n'a plus le moral : "J'en peux plus, je n'ai plus envie de me battre ça dure depuis trop longtemps". Cette angoisse d'un avenir trop incertain après la fermeture de l'usine ne la lâche pas.

Dans l'atelier montage, toujours cet étrange tête à tête entre grévistes et non gréviste. D'un côté les salariés en grève, de l'autre un bataillon de cadres immobiles qui les observent. Didier et Sandrine sont étiquetés SIA. Le syndicat a clairement dit son opposition à cette grève, dénonçant des pressions sur les salariés. C'est très souvent sous les sifflets qu'ils rejoignent leur poste de travail. Didier relativise : "Si on traverse l'atelier pour aller travailler, on se fait siffler et traiter de mouchard, moi je zappe ".

Cette semaine, Sandrine était dans l'équipe B elle prend son travail à 14h. En temps normal, Sandrine et Didier ne se croisent jamais dans la journée. Nous les avions rencontré chez eux avant Noël. Depuis Sandrine et Didier, ont pris une décision, ils vont tenter de rester tous les deux dans le groupe et demander une mutation dans l'usine de Saint Ouen ou celle de Poissy. Un moment, Sandrine avait envisagé de prendre ses indemnités et essayer de trouver un travail à l'extérieur. Elle a abandonné l'idée. ID Logistic, l'entreprise qui pourrait s'implanter sur le site proposerait des salaires bien trop inférieur à celui qu'elle a aujourd'hui.

 

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Au hasard des couloirs, grévistes et non grévistes se croisent. Souvent s'ignorent, parfois se parlent. Ils ne sont pas d'accord sur la méthode et pourtant ils partagent le même l'objectif trouver une issue convenable à ce conflit. Sandrine et Didier voudraient  être enfin fixés sur ce qui les attend en 2014, sortir de l'incertitude. Mais ils ne sont pas pressés de quitter l'usine, la suspension provisoire du PSE  n'est pas faîte pour leur déplaire.

 Sébastien, au contraire voudrait vite passer à autre chose, en finir avec PSA  : «Moi, je ne demande pas qu’il me trouve un CDI, je ne demande pas des milles et des cents mais il faut que la direction lâche les tunes… 80 000 euros et je pars tout de suite, après ils pourront la fermer leur usine». Lui, est  en grève depuis le début, "Il ne faudrait pas que ça dure 107 ans, plus la grève dure, plus il y aura des tensions, autant qu'ils lâchent quelque chose tout de suite" explique Sébastien.

La grève, Sandrine et Didier pensent que ce n'est pas la bonne méthode. Financièrement intenable, ils  préfèreraient des opérations coups de poing de temps en temps, deux ou trois jours de débrayages dans le mois, pas plus.

Sandrine regrette : « Il faut que chacun soit libre de  faire ou pas grève, chacun voit midi à sa porte, ça ne veut pas dire qu’on est pas d’accord avec eux» répète la jeune femme. Elle a toujours travaillé dans cette usine, ses parents aussi et ne pas savoir ce que lui réserve l’avenir, après Aulnay, l’empêche toujours de dormir.