Les investisseurs étrangers bienvenus à Aulnay
Sur le site PSA d'Aulnay-sous-Bois, Nolan Rollins est un peu perdu. La quarantaine élégante, il a débarqué de Louisiane il y a quelques jours. Notre pays a beau être à l'origine de la découverte de cette partie de l'Amérique, pour lui, la France n'était qu'un vieux souvenir d'écolier. Jusqu'au jour où Gérard Ségura, maire d'Aulnay-sous-Bois, lui a fait comprendre qu'il pourrait y faire des affaires.
Nolan Rollins n'est pas, à proprement parler, un grand investisseur américain. Fils d'une mère célibataire qui s'est battue pour que son fils étudie dans un bon lycée, Nolan obtient un master en droit à l'université de Baltimore. Il aurait pu aller à Wall Street, mais il choisit faire sa carrière dans des entreprises de terrain. Aujourd'hui, il est PDG de l'aéroport Armstrong de La Nouvelle Orléans mais ce n'est pas Bill Gates !
Peu importe. Il y a quelques mois, Gérard Ségura, le maire d'Aulnay-sous-Bois, a invité Nolan Rollins à assister au festival "Aulnay all blues" et, aujourd'hui, il en profite pour faire "d'une pierre deux coups" en lui donnant envie d'investir dans sa ville.
La ville d'Aulnay-sous-Bois est, en effet, géographiquement bien située. Proche d'un grand aéroport international, bien desservie par les transports routiers et ferroviaires, disposant d'un accès facile à Paris, elle a des atouts à faire valoir auprès des décideurs internationaux, surtout s'ils travaillent dans l'aéronautique. Plusieurs acteurs du secteur sont déjà présents dans le département comme Eurocopter ou EADS. Alors pourquoi pas des américains venus de Louisiane ? Aulnay vaut bien une "petite opération séduction" auprès de nos cousins d'Amérique, c'est, du moins, ce que pense le maire.
Mercredi, Gérard Ségura a donc mis les petits plats dans les grands. Nolan Rollins et la délégation américaine ont été accueillis par des chefs d'entreprise de la région, par le député PS Daniel Goldberg ainsi que par le préfet. Surtout, le maire a obtenu l'autorisation de la direction de PSA de faire visiter le site aux américains.
Le constructeur automobile n'occupe qu'un tiers de la superficie du site, une soixantaine d'hectares sur 170. Il reste de l'espace disponible pour des investisseurs désireux d'y installer leur entreprise. Gérard Ségura, le maire d'Aulnay-sous-Bois, n'a qu'une idée en tête : créer des emplois qui remplaceront ceux que PSA va supprimer sur sa commune.
La direction de PSA, y voit plutôt une visite de courtoisie. Ne pas oublier que c'est le maire qui a le pouvoir, d'accorder ou non, les permis de construire des bâtiments à venir. Les ouvriers, eux s'inquiètent. Pourquoi accepter la venue d'investisseurs américains sur une zone où les implantations futures seraient déjà décidées ? Les 600 emplois de la société française ID Logistics seraient-ils remis en cause au profit d'autres entreprises qui s'implanteraient sur une partie du site d'Aulnay ? Pour essayer de tirer parti de la vente de son foncier au détriment des ouvriers ? Des rumeurs sans doute. Mais les salariés de PSA redoutent que l'entreprise automobile ne leur tienne un double discours concernant les emplois promis sur le site, une fois l'usine fermée.
Vers 15 heures, Nolan Rollins, accompagné de la délégation américaine, monte donc dans le bus en direction de l'usine d'Aulnay.
Après avoir fait le tour de la ville, le bus pénètre sur le site. "170 hectares et une usine qui va fermer" explique le maire à ses invités, l'interprète traduit. La délégation est attendue au "Conservatoire Citroën", où sont exposées près de 400 voitures anciennes, de magnifiques pièces de collection.
Les élus pris à parti
La visite devait se poursuivre par une promenade sur le site mais Nolan Rollins devra patienter. Les salariés de PSA bousculent le programme. Une cinquantaine d'ouvriers prend à parti Gérard Ségura, le maire d'Aulnay-sous-Bois et le député Daniel Goldberg. Inquiets pour leur avenir, ils veulent en savoir plus sur la venue "des investisseurs étrangers".
Le ton monte, les ouvriers reprochent aux élus de ne pas assez prendre leur défense : "Vous vous rendez compte on est en train de se battre avec un patron du CAC 40 et notre meilleure arme c'est le gouvernement et les élus, alors battez vous à nos côtés." Pour demander la même chose, hier une centaine de salariés du site de PSA à Aulnay-sous-bois, ont envahi la salle du congrès des maires de France et interrompu le discours à la tribune de la ministre Marylise Lebranchu.
Sur le site de PSA, le maire d'Aulnay et le député de Seine-Saint-Denis doivent s'expliquer : "Que font les américains ici ?"